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10/09/2020 | BELGIQUE | N°F.19.0079.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 septembre 2020, F.19.0079.F


N° F.19.0079.F
CROCOLEZ, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Liège, place du Marché, 29A, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0887.547.921,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre

VILLE DE LIÈGE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Liège, place du Marché, 2,
défenderesse en cassation,
représentée par Ma

ître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de...

N° F.19.0079.F
CROCOLEZ, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Liège, place du Marché, 29A, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0887.547.921,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre

VILLE DE LIÈGE, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Liège, place du Marché, 2,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 juin 2018 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Maxime Marchandise a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant aux deux branches réunies :

En vertu de l'article 109, alinéa 2, du Code judiciaire, lorsqu'il s'élève des difficultés sur la distribution des affaires entre les chambres d'une même cour d'appel, l'article 88, § 2, de ce code est applicable.
Conformément à cette disposition, de tels incidents doivent être soulevés avant tout autre moyen par l'une des parties ou d'office à l'ouverture des débats et soumis par la chambre ou le conseiller à la décision du premier président, dont l'ordonnance lie la chambre ou le conseiller auquel la demande est renvoyée, sauf recours du procureur général devant la Cour de cassation.
Il s'ensuit que l'incident ne peut être soulevé pour la première fois devant la Cour.
La demanderesse n'a pas soulevé d'incident de répartition devant la chambre à laquelle la cause avait été attribuée, et l'incident n'a pas davantage été soulevé d'office ou par le défendeur.
Le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

Aux termes de l'article 88, § 2, du Code judiciaire, la décision du président du tribunal relative à un incident soulevé au sujet de la répartition des affaires entre les divisions, les sections, les chambres ou les juges de ce tribunal lie le juge auquel la demande est renvoyée, tous droits d'appréciation étant saufs sur le fond du litige.
En vertu de cette disposition, le juge auquel une cause est définitivement attribuée à la suite d'un incident de répartition est lié par cette décision quant à l'attribution de l'affaire mais non quant au fond du litige.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement que le juge qui statue au fond est lié par les motifs de la décision du président, manque en droit.

Quant aux deuxième et quatrième branches réunies :

Dans la mesure où il fait grief à l'arrêt de « considér[er] qu'il est naturel de doubler le prélèvement, dans l'hypothèse d'une consommation de produits alimentaires fournis par l'exploitant de la terrasse, au motif ‘qu'un tel mode de consommation est susceptible de générer une grande quantité de déchets dont le traitement incombera ultimement aux services assurant la propreté de la ville' », alors que la défenderesse « reconnaît dans ses conclusions [...] que la redevance ne couvre pas les frais de nettoyage de la voirie publique », le moyen, en cette branche, est étranger aux articles 170 et 173 de la Constitution et, partant, irrecevable.
Pour le surplus, la redevance est la rémunération que l'autorité réclame à certains redevables en contrepartie d'une prestation spéciale qu'elle a effectuée à leur profit personnel ou d'un avantage direct et particulier qu'elle leur a accordé.
Le montant d'une redevance doit présenter un rapport raisonnable avec l'intérêt du service fourni, faute de quoi elle perd son caractère de rétribution et doit être considérée comme un impôt.
L'arrêt attaqué observe que « [la demanderesse] a bénéficié d'un avantage direct et particulier, dont elle a usé volontairement, du fait de l'utilisation du domaine public de la [défenderesse], dont elle a eu la jouissance afin d'y installer la terrasse de son établissement, et qui a ainsi été soustrait à son usage normal, en principe collectif et concurrent ».
Il considère, quant au rapport raisonnable entre le montant réclamé et l'avantage concédé, que ce montant « s'élève à la somme de 4.432,55 euros par an pour une installation permanente de septante-sept mètres carrés » ; que, « vu la surface concédée, sa durée d'utilisation et ce qui peut raisonnablement être escompté du chiffre d'affaires généré par une terrasse installée sur le domaine public, et donc de l'intérêt du service dont elle bénéficie, la somme qui lui est réclamée doit être considérée comme très modique » ; qu'« en effet, [la demanderesse] se voit imputer une charge approximative de 12,14 euros par jour pour un usage privatif de septante-sept mètres carrés de l'espace public, ce qui n'a rien de déraisonnable et ce, alors même que, vu la taille de sa terrasse, elle relève du multiplicateur le plus élevé prévu à l'article 8 du règlement [de la défenderesse du 24 novembre 2003 relatif à la redevance sur l'occupation du domaine public par des terrasses] » ; qu'« en outre, le fait que le règlement établisse une répartition en quatre classes tarifaires auxquelles s'appliquent des multiplicateurs différents pour le calcul de la somme due en fonction de la surface de la terrasse [...] n'a pas pour conséquence de rendre déraisonnable le montant réclamé » ; qu'« il n'est pas non plus déraisonnable de considérer que l'intérêt de l'avantage concédé à l'exploitant d'une terrasse croît de manière plus que proportionnelle par rapport à la surface de celle-ci » ; que « c'est [...] à tort que [la demanderesse] considère que seul le critère de la superficie occupée est admissible dans le cas de l'établissement d'une redevance pour l'occupation du domaine public (alors qu'il importe seulement que la somme réclamée présente un rapport raisonnable avec l'intérêt du service presté ou de l'avantage concédé) », et « que le fait que la redevance soit majorée lorsque des produits alimentaires fournis par le titulaire de la terrasse peuvent être consommés, si ceux-ci sont servis dans des conditionnements qui ne sont pas réutilisables (cartons, plastiques, etc. [...]), ne rend pas la somme demandée déraisonnable par rapport à l'avantage concédé, outre qu'il apparaît qu'un tel mode de consommation est susceptible de générer une grande quantité de déchets dont le traitement incombera ultimement aux services assurant la propreté de la ville ».
Par ces énonciations, l'arrêt répond, en leur opposant une appréciation différente des éléments qui lui étaient soumis, aux conclusions de la demanderesse soutenant que l'application d'un coefficient multiplicateur augmentant avec la superficie de la terrasse rendait déraisonnable le montant réclamé, sans qu'elle fût tenue de répondre en outre à chacun des arguments de la demanderesse, qui ne constituaient pas de moyen distinct.
Sur la base de ces mêmes énonciations, il a pu légalement décider que la rétribution instaurée par le règlement du 24 novembre 2003 présente un rapport raisonnable avec l'intérêt du service fourni et, partant, constitue une redevance plutôt qu'un impôt.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en ces branches, ne peut être accueilli.
Quant à la troisième branche :

L'arrêt attaqué considère que « le fait que la redevance soit majorée lorsque des produits alimentaires fournis par le titulaire de la terrasse peuvent être consommés, si ceux-ci sont servis dans des conditionnements qui ne sont pas réutilisables (cartons, plastiques, etc. [...]), ne rend pas la somme demandée déraisonnable par rapport à l'avantage concédé, outre qu'il apparaît qu'un tel mode de consommation est susceptible de générer une grande quantité de déchets dont le traitement incombera ultimement aux services assurant la propreté de la ville ».
Par ces énonciations, l'arrêt attaqué interprète le règlement du 4 novembre 2003 et non les conclusions de synthèse de la défenderesse, auxquelles il ne se réfère pas.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de deux cent trente-huit euros trois centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix septembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.19.0079.F
Date de la décision : 10/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-10;f.19.0079.f ?

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