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10/09/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0373.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 septembre 2020, C.19.0373.F


N° C.19.0373.F
P. F.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. C. S., et
2. J. N.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu

le 3 mars 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L&a...

N° C.19.0373.F
P. F.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

1. C. S., et
2. J. N.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 mars 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 1134, 1142, 1149, 1151, 1183 et 1184 du Code civil

Décisions et motifs critiqués

Après avoir décidé que les conditions de la résolution extrajudiciaire de la convention aux torts du demandeur et de monsieur B. C. étaient réunies, l'arrêt condamne solidairement ces derniers à payer aux défendeurs la somme de 221.995,21 euros « à titre d'indemnisation du préjudice né de la résolution de la convention », par tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et, spécialement, par les motifs que :
« La résolution d'un contrat produit en principe ses effets de manière rétroactive à la date de la conclusion du contrat, qui est de la sorte mis à néant ; il s'agit d'un mode de dissolution du contrat ex tunc [...].
Elle implique dès lors des restitutions réciproques.
Comme l'exprime la Cour de cassation, ‘la résolution d'un contrat synallagmatique a pour effet que les parties doivent être replacées dans le même état que si elles n'avaient pas contracté. Le contrat résolu ne peut constituer pour elles une source de droits et d'obligations' [...].
Par ailleurs, le manquement contractuel d'une partie qui justifie la résolution du contrat à ses torts n'affecte pas son droit aux restitutions qu'implique cette résolution et n'est susceptible d'entraîner que sa condamnation éventuelle à des dommages et intérêts en réparation du dommage causé par cette faute [...].
Par application de ces principes, la résolution du contrat aux torts [du demandeur et de monsieur B. C.] implique en principe la restitution du paiement partiel effectué pour le compte [du demandeur] par la société anonyme Korosi.
Il n'est en effet pas établi que les parties aient entendu que ce paiement partiel constituerait des arrhes, emportant une faculté de dédit, qui pourraient être conservées par les vendeurs en cas de renonciation par les acquéreurs ; si tel avait été le cas, [les défendeurs] n'auraient d'ailleurs pas pu résoudre le contrat aux torts des acquéreurs mais seulement prendre acte de leur dédit. Les comportements des parties, tant celui [du demandeur], qui a cité en restitution des 200.000 euros, que celui [des défendeurs], qui ont écrit pour résoudre la convention du fait des défaillances des acquéreurs et intenté leur action reconventionnelle, sont contraires à la qualification d'arrhes.

[Les défendeurs] doivent dès lors bien restituer le montant payé, sous réserve de ce que, s'agissant d'un montant payé pour compte [du demandeur], ce montant devra être imputé sur les dommages et intérêts dus par ce dernier.
[Les défendeurs] sollicitent l'indemnisation du préjudice qu'ils allèguent avoir subi du fait de la résolution de la convention de cession d'actions.
Ils évaluent celui-ci à un montant de 421.995,51 euros, étant la différence entre le prix convenu pour la vente de leurs actions D.S.M. dans la convention (soit 933.995,51 euros) et le prix auquel ils ont finalement vendu ces actions à la société anonyme Upignac en août 2009 (soit 512.000 euros).
Ils expliquent la forte diminution de prix intervenue par la crise économique intervenue fin 2008, le prix fixé dans la convention l'ayant été sur la base du bilan de la société D.S.M. pour l'année 2007, et celui qui est fixé dans la convention de vente à la société Upignac l'ayant été sur la base du bilan 2008 de la société, nettement moins favorable.
Ils diminuent ce montant de l'acompte qu'ils s'estiment autorisés à conserver, pour réclamer un solde de 221.995,21 euros.
Il n'est ni prétendu ni a fortiori établi que [les défendeurs] auraient agi de mauvaise foi en cédant leurs actions à la société Upignac à un prix moindre, qui serait dérisoire. Il ressort des éléments soumis à la cour [d'appel] et des explications des parties que la diminution du prix de cession s'explique avant tout par (i) le retournement de la conjoncture économique entre 2007 et 2008, qui a eu un impact sur les activités de la société D.S.M. et dès lors provoqué une détérioration de sa situation financière entre 2007 et 2008 et (ii) une erreur dans la comptabilité de la société D.S.M. identifiée par l'audit financier de la société Upignac en août 2009 [...].
Le droit de la responsabilité vise à remettre la personne victime d'une faute dans la situation qui aurait été la sienne si la faute n'avait pas été commise.
En l'espèce, il faut constater que, si [le demandeur] et monsieur B. C. avaient payé le prix convenu, [les défendeurs] auraient bénéficié de 933.995,51 euros.

L'indemnisation intégrale de leur préjudice commande dès lors de leur attribuer la différence entre ce montant et celui auquel ils ont finalement pu céder leurs actions à la société Upignac soit, selon leur évaluation, 933.995,51 euros - 512.000 euros = 421.995,51 euros.
Après imputation du paiement partiel reçu pour compte [du demandeur], il reste dû 221.995,21 euros à titre de dommages et intérêts.
[Le demandeur] et monsieur B. C. sont condamnés solidairement à leur payer ce montant ».

Griefs

En vertu des articles 1134 et 1142 du Code civil, toute faute contractuelle ayant causé un dommage implique l'obligation pour son auteur de le réparer.
En vertu de l'article 1149 du Code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
L'article 1151 du même code dispose que, dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre, à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention.
En vertu de l'article 1183 de ce code, la condition résolutoire est celle qui, lorsqu'elle s'accomplit, opère la révocation de l'obligation et qui remet les choses au même état que si l'obligation n'avait pas existé. Elle ne suspend point l'exécution de l'obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu'il a reçu, dans le cas où l'événement prévu par la condition arrive.
Enfin, aux termes de l'article 1184, alinéa 1er, du même code, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Cette disposition ne fait obstacle ni à ce qu'une partie à un contrat décide de sa propre initiative et à ses propres risques de notifier à son cocontractant qu'elle considère le contrat comme résolu, ni à ce que le juge qui considère que la résolution unilatérale était justifiée en raison d'un manquement grave alloue au cocontractant des dommages et intérêts.
La résolution d'un contrat synallagmatique a pour effet que le créancier doit être replacé, non pas purement et simplement dans la situation où il se serait trouvé si le contrat avait été normalement exécuté - car cela équivaudrait à en poursuivre l'exécution forcée -, mais dans le même état que si les parties n'avaient pas contracté.
Le contrat résolu ne peut dès lors plus constituer pour elles une source de droits et d'obligations et les dommages et intérêts réclamés, en marge de la résolution, par le créancier ne peuvent être calculés sur la base de ce que ledit créancier aurait obtenu si la convention résolue avait été exécutée.
L'arrêt, qui condamne le demandeur à payer aux défendeurs la somme de 221.995,21 euros en se fondant, pour l'appréciation du dommage, non sur la situation qui eût été celle des défendeurs si la convention n'avait pas été conclue mais sur le prix convenu dans le cadre de la convention résolue du 24 juillet 2008 aux motifs « que, si [le demandeur] et monsieur B. C. avaient payé le prix convenu [dans la convention], [les défendeurs] auraient bénéficié de 933.995,51 euros » et qui leur accorde, à titre de dommages et intérêts, la différence entre ce prix et le montant auquel ils ont finalement cédé leurs actions, viole toutes les dispositions visées au moyen.

III. La décision de la Cour

En vertu de l'article 1184, alinéa 2, du Code civil, dans les contrats synallagmatiques, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
Conformément à l'article 1149 de ce code, les dommages et intérêts dus au créancier sont de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé.
Il s'ensuit qu'en cas de résolution de la convention, celui qui en obtient le bénéfice a droit à des dommages et intérêts destinés à le replacer dans la même situation que si le contrat avait été exécuté.
Le moyen, qui repose sur le soutènement que les dommages et intérêts visent à replacer le créancier dans la même situation que si les parties n'avaient pas conclu le contrat, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent quatre-vingt-quatre euros cinquante-trois centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix septembre deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0373.F
Date de la décision : 10/09/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-09-10;c.19.0373.f ?

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