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19/06/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0556.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 juin 2020, C.19.0556.F


N° C.19.0556.F
FABRICOM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Simon Bolivar, 34-36, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0425.702.910,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

GROUPE SANTÉ CHC, association sans but lucratif, anciennement dénommée Centre hospitalier chrétien, dont le siège est établi à Liège, boulevard de P

atience et Beaujonc, 9, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0416.8...

N° C.19.0556.F
FABRICOM, société anonyme, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Simon Bolivar, 34-36, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0425.702.910,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

GROUPE SANTÉ CHC, association sans but lucratif, anciennement dénommée Centre hospitalier chrétien, dont le siège est établi à Liège, boulevard de Patience et Beaujonc, 9, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0416.805.238,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

En vertu de l'article 21, § 3, de l'arrêté royal du 15 juillet 2011 relatif à la passation des marchés publics dans les secteurs classiques, applicable, lorsque le pouvoir adjudicateur constate, lors de la vérification des prix, qu'un prix paraissant anormalement bas ou élevé par rapport aux prestations à exécuter est remis, avant d'écarter pour cette raison l'offre en cause, il invite par lettre recommandée le soumissionnaire en cause à fournir par écrit les justifications nécessaires sur la composition du prix concerné, vérifie les justifications fournies et interroge à nouveau le soumissionnaire si nécessaire.
Aux termes de l'article 99, § 2, alinéa 3, de cet arrêté royal, applicable, en présence d'une offre exigeant la vérification de son montant total, le pouvoir adjudicateur, soit motive dans la décision d'attribution du marché que le montant total de l'offre ne présente pas de caractère anormal, soit invite le soumissionnaire à fournir les justifications nécessaires comme prévu à l'article 21, § 3, alinéas 2 à 4, et, si, après examen de ces justifications, le montant total de l'offre est effectivement considéré comme anormal ou en l'absence de justifications dans le délai imparti, l'offre est irrégulière.
Le contrôle des prix apparemment anormaux, ainsi organisé, a essentiellement pour objet de vérifier si le prix offert permet d'exécuter les obligations qui résultent du cahier des charges tant au point de vue de la qualité technique qu'au point de vue du délai, et d'exclure toute spéculation au détriment des intérêts fondamentaux du pouvoir adjudicateur et des deniers publics.
Lorsque, face à des prix apparemment anormalement bas, il examine les justifications apportées par le soumissionnaire concerné, le pouvoir adjudicateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Il peut à cet égard impliquer dans cet examen d'autres éléments tirés de sa propre analyse, quand bien même cette analyse a lieu seulement après la demande de justification des prix.
Le juge peut vérifier si la décision de considérer des prix comme normaux a été prise au terme d'une procédure révélant le caractère complet de l'examen par ledit pouvoir des justifications apportées, vérifier la réalité, l'exactitude et la pertinence des éléments qui ont justifié la décision de ce pouvoir et vérifier si cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation manifestement déraisonnable, sans toutefois substituer sa propre appréciation à celle de ce pouvoir adjudicateur.
S'agissant de la remise générale de 10 p.c. mentionnée dans l'offre de la société Balteau, l'arrêt constate que cette société a justifié celle-ci comme suit : « Cette remise exceptionnelle est le fait du caractère stratégique du chantier pour [la société] Balteau par sa taille, son volume, sa durée et la situation économique et géographique. De plus, et vu ce caractère spécifique, cette remise intègre la perspective de pouvoir renégocier les offres reçues par nos fournisseurs ainsi que le fait de notre habitude des chantiers pour [la défenderesse] (absence d'inconnue qui nous a permis de réduire au minimum notre marge de réserve) ».
Il relève que la décision de la défenderesse d'attribution en cause, dont il considère, sans être critiqué, qu'elle est régulièrement motivée, « mentionne sur ce point que le prix [de la société Balteau] se justifie de la manière suivante : ‘Caractère stratégique du dossier pour [la société Balteau] : l'ampleur, la taille et la durée du chantier ainsi que sa situation économique et géographique ont conduit [la société Balteau] à appliquer une remise complémentaire de 10 p.c. Cette remise est la conséquence d'une limitation des coefficients de sécurité et de difficulté. Ce pourcentage a été décidé au vu de l'expérience [de la société Balteau] dans l'exécution de marchés similaires, mais également dans la comparaison des prix remis dans d'autres marchés hospitaliers similaires. Le prix remis par [la société Balteau] dans un autre marché hospitalier similaire était de 17 p.c. supérieur à celui de l'adjudicataire. Enfin, l'ampleur du présent marché a permis à [la société Balteau] d'obtenir des remises particulièrement importantes de ses fournisseurs. Enfin, eu égard au contexte économique actuel, afin de s'assurer un chiffre d'affaires stable pour plusieurs années et afin de pouvoir conserver son personnel en activité pendant cette période, [la société Balteau] a consenti à réduire considérablement sa marge dans l'objectif de pérenniser sa société. Cette remise de 10 p.c. dans le cadre du présent marché est donc justifiée, entre autres, par la nécessité de tenir compte des enseignements du passé' ».
Il considère que « ces éléments peuvent en soi être admis, à savoir : le fait que [la société Balteau] ait, par son geste commercial, voulu se positionner sur un chantier particulièrement important dans son volume de travaux à fournir et qui était, au surplus, dans sa région essentielle d'activités ; l'habitude des chantiers pour [la défenderesse] qui est une donnée objectivable par les marchés antérieurement faits par cette société ; les critiques de [la demanderesse] quant à la renégociation invoquée avec les fournisseurs ne peuvent être retenues » et que, « sur ce dernier point, la cour [d'appel] souligne que si, effectivement, il ne serait pas admissible de spéculer sur des prix des fournisseurs ou, dans le cadre d'une demande d'explication du maître d'œuvre, de présenter ensuite des prix renégociés par les fournisseurs (ce qui reviendrait à changer l'offre de départ), rien n'interdit à un soumissionnaire de prendre un risque raisonnable - dans le cadre d'une remise générale de prix - d'obtenir un rabais des prix de ses fournisseurs ordinaires pour un chantier aussi exceptionnel que [celui en cause] ».
Sur la base de ces énonciations, l'arrêt a pu légalement décider que la défenderesse « pouvait, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, admettre les explications de [la société Balteau] » et, partant, que la défenderesse « n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en ne rejetant pas l'offre de la [société Balteau] en raison des prix qui y figuraient ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

L'arrêt considère que la défenderesse « n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en ne rejetant pas l'offre de la [société Balteau] en raison des prix qui y figuraient ».
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement que l'arrêt décide que les prix unitaires proposés par la société Balteau revêtent un caractère normal, manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Ce n'est pas l'arrêt mais la décision de la défenderesse qui considère que les prix proposés par la société Balteau revêtent un caractère normal.
Le moyen, qui, en cette branche, fait grief à l'arrêt de « valide[r], implicitement mais certainement, la simple référence à des prix offerts par un tiers en guise de justification et [de] s'abst[enir] d'effectuer une réelle vérification sérieuse du caractère normal des prix proposés par la société Balteau pour les postes en cause », critique une décision étrangère à l'arrêt.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent quatre-vingts euros dix-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0556.F
Date de la décision : 19/06/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-19;c.19.0556.f ?

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