La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0310.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 juin 2020, C.19.0310.F


N° C.19.0310.F
FONDS SOCIAL ET DE GARANTIE POUR HÔTELS, RESTAURANTS, CAFÉS ET ENTREPRISES ASSIMILÉES, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Anspach, 111-4, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0219.458.837,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

ROYAL-SELYS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, Mont Saint-Martin, 9-11, inscrite à l

a banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0873.668.805,
défenderesse en cassation.
I....

N° C.19.0310.F
FONDS SOCIAL ET DE GARANTIE POUR HÔTELS, RESTAURANTS, CAFÉS ET ENTREPRISES ASSIMILÉES, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard Anspach, 111-4, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0219.458.837,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile,

contre

ROYAL-SELYS, société anonyme, dont le siège est établi à Liège, Mont Saint-Martin, 9-11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0873.668.805,
défenderesse en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 décembre 2018 par la cour d'appel de Liège.
Le 13 mai 2020, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 14 mai 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 47, 51, 55, 59 et 60 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises telle qu'elle a été modifiée par la loi du 27 mai 2013 modifiant diverses législations en matière de continuité des entreprises

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déboute le demandeur de son appel et, par confirmation du jugement entrepris, homologue le plan de réorganisation déposé par la défenderesse et approuvé par les créanciers le 16 août 2018 prévoyant qu'un délai de dix-huit mois soit laissé à la défenderesse pour céder le fonds de commerce et que le remboursement des créanciers sursitaires ne commence à s'effectuer qu'à l'expiration de ce délai de dix-huit mois, et condamne le demandeur aux dépens d'appel, liquidés dans le chef de la défenderesse à 1.296 euros, pour tous ses motifs réputés ici intégralement reproduits et, spécialement, pour les motifs que :
« Par ailleurs, [le demandeur] estime que ‘Les modalités du plan, telles qu'elles sont approuvées par le jugement entrepris, ont pour conséquence de maintenir [la défenderesse] « sous perfusion par l'effet d'un crédit factice » alors qu'elle est « en état virtuel de faillite » et établissent que, ab initio, [la défenderesse] se rend coupable d'un abus de droit et de procédure : nonobstant les délais déjà accordés, [la défenderesse] n'a pas été en mesure de céder tout ou partie de son fonds de commerce pour se « recapitaliser » et sollicite, dans le plan, un nouveau délai de dix-huit mois avant d'entamer ses paiements et envisager de réaliser une cession partielle de son fonds de commerce sans qu'aucune garantie soit donnée aux créanciers à ce sujet'.
Pour rappel, selon l'article 55 de la loi relative à la continuité des entreprises, le tribunal décide s'il homologue ou non le plan de réorganisation et l'homologation ne peut être refusée qu'en cas d'inobservation des formalités requises par la présente loi ou pour violation de l'ordre public ; elle ne peut être subordonnée à aucune condition qui ne soit pas prévue au plan, ni y apporter quelque modification que ce soit.
Dans son arrêt du 18 janvier 2012, la Cour constitutionnelle a précisé qu'il ‘peut être déduit de la teneur générale des travaux préparatoires qu'en utilisant les termes « les formalités requises par la présente loi », le législateur a voulu répondre à l'observation [...] du Conseil d'État, sans toutefois avoir voulu porter atteinte à l'intention originelle qui consistait en ce que le plan de réorganisation ne puisse être homologué que si les dispositions de la loi relative à la continuité des entreprises régissant la réorganisation judiciaire au moyen d'un accord collectif étaient respectées. Par conséquent, il y a lieu de considérer que les termes « les formalités requises par la présente loi » concernent toutes les dispositions de la loi relative à la continuité des entreprises qui régissent la réorganisation judiciaire au moyen d'un accord collectif.
Ces dispositions tendent par ailleurs en ordre principal à garantir l'exactitude et le caractère complet des données contenues dans le plan de réorganisation, qui constituent les conditions nécessaires pour parvenir à une appréciation judicieuse, par les créanciers, de la viabilité économique du plan. En outre, cet objectif ressort également de l'article 72 de la loi relative à la continuité des entreprises, qui prévoit des sanctions pénales à l'encontre du débiteur si, pour obtenir ou faciliter la procédure de réorganisation judiciaire, ce dernier a volontairement dissimulé une partie de son actif ou de son passif, ou exagéré cet actif ou minimisé ce passif ; s'il a fait ou laissé sciemment intervenir dans les délibérations un ou plusieurs créanciers supposés ou dont les créances ont été exagérées ; s'il a omis sciemment un ou plusieurs créanciers de la liste des créanciers ; et s'il a fait ou laissé faire sciemment au tribunal ou à un mandataire de justice des déclarations inexactes ou incomplètes sur l'état de ses affaires ou sur les perspectives de réorganisation. Par conséquent, dans la mesure où le plan de réorganisation n'est pas compatible avec l'une des dispositions de la loi relative à la continuité des entreprises régissant la réorganisation judiciaire par un accord collectif, le tribunal doit en principe en refuser l'homologation'.
[Le demandeur] soutient son argumentation sur la faisabilité du plan, estimant que le paiement différé des créanciers prévu au plan ne fait que traduire l'incapacité de [la défenderesse] à assurer le financement de l'exécution du plan.
[Le demandeur] ne soulève aucune violation par [la défenderesse] des dispositions de la loi relative à la continuité des entreprises, tandis que le juge délégué a souligné le respect des formalités légalement prescrites, sans être démenti par un examen attentif de la procédure en première instance.
Il ne ressort nullement des pièces de la procédure que les créanciers n'auraient pas été correctement informés de la situation réelle de l'entreprise, de sorte qu'ils ont pu se prononcer en connaissance de cause quant à la faisabilité du plan qui leur était proposé et sur lequel ils ont été amenés à voter majoritairement.
Aucun détournement de procédure n'est par ailleurs à relever ou formellement mis en exergue par [le demandeur].
Dans ces conditions, c'est par de judicieux motifs, que la cour [d'appel] adopte, qui prennent objectivement en considération l'ensemble des informations et pièces déposées et qui rencontrent de manière aussi adéquate que complète les arguments de fait et de droit développés, que les premiers juges ont homologué le plan de réorganisation judiciaire litigieux.
Le jugement entrepris doit être confirmé ».
Cette décision s'appuie également sur les motifs développés par le premier juge, adoptés par la cour d'appel et censés reproduits ici intégralement, dont, en particulier :
« Aux termes de l'article 55 de la loi relative à la continuité des entreprises, l'homologation ne peut être refusée qu'en cas d'inobservation des formalités requises par la loi ou pour violation de l'ordre public, étant entendu que les travaux préparatoires relèvent que le juge ‘veillera à ne pas qualifier d'ordre public ce qui ne l'est pas ; de simples dispositions de droit impératif ne sont pas encore des dispositions d'ordre public' (Doc. Chambre, 52 0160/002, p. 70). Le législateur a ‘sans conteste entendu limiter à l'extrême le pouvoir d'appréciation du tribunal en la matière' (W. David, J.-P. Renard et V. Renard, La loi relative à la continuité des entreprises : mode d'emploi, p. 195 n° 279).
Le plan est particulier en ce qu'il permet à [la défenderesse] d'obtenir une sorte de répit durant lequel [elle] pourra trouver un tiers acquéreur du fonds de commerce et procéder à une augmentation du capital, dans l'optique du respect du plan proposé.
L'objectif de ce plan est de sauver l'entreprise et l'emploi, ce qui explique qu'une requête en changement d'objectif (transfert) n'a pas été déposée, pour conserver la protection conférée aux travailleurs par la convention collective 32bis.
[Le demandeur] estime que le plan proposé n'est pas conforme à la loi et invoque à cet égard deux moyens en ce qui concerne uniquement le sort réservé par le plan au solde excédant la partie nette des primes de fin d'année ; en effet, le sort réservé dans le plan à la partie nette des primes de fin d'année est différent et n'est pas contesté puisque cette somme a été traitée comme de la rémunération et n'a donc pas subi d'abattement.
Le premier moyen consiste pour [le demandeur] à soutenir que la [défenderesse] a déjà bénéficié d'un sursis de dix-huit mois et que, via son plan, elle tente en réalité d'obtenir un nouveau délai de dix-huit mois à partir de l'homologation du plan, lequel délai serait incompatible avec l'article 60, alinéa 2, de la loi précitée, qui n'accorde qu'un délai complémentaire de six mois maximum en cas de changement d'objectif.
Cet argument ne peut être suivi, dès lors qu'il n'est pas ici question d'une prolongation en cas de changement d'objectif et donc d'un transfert au sens des articles 59 et suivants de la loi, mais d'un plan de réorganisation judiciaire en application de l'article 47, qui se base sur les possibilités offertes par les articles 49, 50 et 51 de la loi ».

Griefs

L'arrêt confirme l'homologation d'un plan de réorganisation prévoyant qu'un délai de dix-huit mois soit laissé à la défenderesse pour céder son fonds de commerce, le remboursement des créanciers sursitaires ne commençant par ailleurs à s'effectuer qu'à l'expiration de ce délai de dix-huit mois.
Ce faisant, l'arrêt rejette la thèse du demandeur selon laquelle ce plan violait les articles 59 et suivants de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises et en particulier l'article 60, alinéa 2, en ce qu'il accordait de facto à la défenderesse un sursis supplémentaire, excédant la durée de six mois que ledit article autorise le tribunal à accorder au débiteur en même temps qu'il ordonne le transfert total ou partiel de son entreprise sous autorité de justice.
La loi relative à la continuité des entreprises instaure, dans son titre 4, une procédure de réorganisation judiciaire. Celle-ci peut se réaliser au travers de la poursuite de trois objectifs : l'accord amiable des créanciers, l'accord collectif des créanciers et le transfert d'entreprise sous autorité de justice.
La réorganisation judiciaire par accord collectif (articles 44 à 58 de ladite loi) fait l'objet du chapitre 3 du titre 4, tandis que la réorganisation par transfert d'entreprise sous autorité de justice (articles 59 à 70/1) fait l'objet de son chapitre 4.
Les articles 47, 49, 51 et 55 de ladite loi, contenus dans le chapitre 3 du titre 4, sont libellés comme suit :
Article 47, § 1er. Durant le sursis, le débiteur élabore un plan composé d'une partie descriptive et d'une partie prescriptive. Il joint ce plan au dossier de la réorganisation judiciaire visé à l'article 20.
Le cas échéant, le mandataire de justice désigné par le tribunal par application de l'article 27 assiste le débiteur dans l'élaboration du plan.
§ 2. La partie descriptive du plan décrit l'état de l'entreprise, les difficultés qu'elle rencontre et les moyens à mettre en œuvre pour y remédier.
Elle comporte un rapport établi par le débiteur sur les contestations de créances, de nature à éclairer les intéressés sur leur ampleur et leur fondement.
Elle précise la manière dont le débiteur envisage de rétablir la rentabilité de l'entreprise.
§ 3. La partie prescriptive du plan contient les mesures à prendre pour désintéresser les créanciers sursitaires portés sur la liste visée aux articles 17, § 2, 7°, et 46.
Article 49. Le plan indique les délais de paiement et les abattements de créances sursitaires en capital et intérêts proposés. Il peut prévoir la conversion de créances en actions et le règlement différencié de certaines catégories de créances, notamment en fonction de leur ampleur ou de leur nature. Le plan peut également prévoir une mesure de renonciation aux intérêts ou de rééchelonnement du paiement de ces intérêts, ainsi que l'imputation prioritaire des sommes réalisées sur le montant principal de la créance.
Le plan peut également contenir l'évaluation des conséquences que l'approbation du plan entraînerait pour les créanciers concernés.
Il peut encore prévoir que les créances sursitaires ne pourront être compensées avec des dettes du créancier titulaire postérieures à l'homologation. Une telle proposition ne peut viser des créances connexes.
Lorsque la continuité de l'entreprise requiert une réduction de la masse salariale, un volet social du plan de réorganisation est prévu, dans la mesure où un tel plan n'a pas encore été négocié. Le cas échéant, celui-ci peut prévoir des licenciements.
Lors de l'élaboration de ce plan, les représentants du personnel au sein du conseil d'entreprise ou, à défaut, du comité pour la prévention et la protection au travail, ou, à défaut, la délégation syndicale ou, à défaut, une délégation du personnel, seront entendus.
Article 51. La cession volontaire de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités peut être prévue au plan de réorganisation.
Article 55, § 1er. Dans les quatorze jours de l'audience, et en tout état de cause avant l'échéance du sursis fixée par application des articles 24, § 2, et 38, le tribunal décide s'il homologue ou non le plan de réorganisation.
§ 2. Si le tribunal estime que les formalités n'ont pas été respectées ou que le plan porte atteinte à l'ordre public, il peut, par décision motivée et avant de statuer, autoriser le débiteur à proposer aux créanciers un plan de réorganisation adapté selon les formalités de l'article 53. Dans ce cas, il décide que la période de sursis est prorogée, sans que le délai maximum fixé à l'article 38 puisse toutefois être dépassé. Il fixe également la date de l'audience à laquelle il sera procédé au vote sur le plan. Les décisions rendues en vertu du présent paragraphe ne sont pas susceptibles d'opposition ou d'appel.
§ 3. L'homologation ne peut être refusée qu'en cas d'inobservation des formalités requises par la présente loi ou pour violation de l'ordre public.
Elle ne peut être subordonnée à aucune condition qui ne soit pas prévue au plan de réorganisation, ni y apporter quelque modification que ce soit.
§ 4. Sous réserve des contestations découlant de l'exécution du plan de réorganisation, le jugement qui statue sur l'homologation clôture la procédure de réorganisation.
Il est publié par extrait au Moniteur belge par les soins du greffier.
Les articles 59 et 60 de ladite loi, contenus dans le chapitre 4 du titre 4, sont libellés comme suit :
Article 59, § 1er. Le transfert sous autorité de justice de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités peut être ordonné par le tribunal en vue d'assurer leur maintien lorsque le débiteur y consent dans sa requête en réorganisation judiciaire ou ultérieurement au cours de la procédure.
Si le débiteur consent au transfert sous autorité de justice au cours de la procédure, les représentants du personnel au sein du conseil d'entreprise ou, à défaut, du comité pour la prévention et la protection au travail, ou, à défaut, la délégation syndicale ou, à défaut, une délégation du personnel, seront entendus.
§ 2. Le même transfert peut être ordonné sur citation du procureur du Roi, d'un créancier ou de toute personne ayant intérêt à acquérir tout ou partie de l'entreprise :
1° lorsque le débiteur est en état de faillite sans avoir demandé l'ouverture d'une procédure de réorganisation judiciaire ;
2° lorsque le tribunal rejette la demande d'ouverture de la procédure par application de l'article 23, en ordonne la fin anticipée par application de l'article 41 ou révoque le plan de réorganisation par application de l'article 58;
3° lorsque les créanciers n'approuvent pas le plan de réorganisation en application de l'article 55.
La demande de transfert peut être faite dans la citation tendant à mettre fin de manière anticipée à la procédure de réorganisation ou à révoquer le plan de réorganisation, ou dans un exploit distinct dirigé contre le débiteur.
§ 3. Lorsqu'il ordonne le transfert par le même jugement que celui qui rejette la demande d'ouverture de la procédure de réorganisation judiciaire, en ordonne la fin anticipée, révoque le plan de réorganisation ou refuse l'homologation, le tribunal statue sur le rapport du juge délégué et le charge de lui faire rapport sur l'exécution du transfert.
Lorsqu'il ordonne le transfert par un autre jugement que celui qui met fin au sursis, le tribunal désigne un juge au tribunal, le président excepté, ou un juge consulaire pour faire rapport sur l'exécution du transfert.
§ 4. Les dispositions du présent article laissent entières les obligations de consulter et d'informer les travailleurs ou leur représentants conformément aux dispositions légales ou conventionnelles en vigueur.
Article 60. Le jugement qui ordonne le transfert désigne un mandataire de justice chargé d'organiser et de réaliser le transfert au nom et pour le compte du débiteur. Il détermine l'objet du transfert ou le laisse à l'appréciation du mandataire de justice.
Le tribunal peut, par le même jugement, ordonner un sursis complémentaire, n'excédant pas six mois à compter de sa décision, avec les effets énoncés aux articles 30 à 37.
Le jugement est publié par extrait au Moniteur belge par les soins du mandataire de justice désigné.
Il se déduit de ces dispositions que « la cession volontaire de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités », dont l'article 51 dispose qu'elle « peut être prévue au plan de réorganisation »,
(i) vise la cession qui n'a pas été envisagée dans la requête en réorganisation judiciaire mais est prévue par le débiteur aux termes du plan de redressement, telle qu'elle est prévue à l'article 59, § 1er, lorsqu'il vise le transfert pouvant être ordonné « lorsque le débiteur y consent dans sa requête en réorganisation judiciaire ou ultérieurement au cours de la procédure » ;
(ii) est régie par les articles 59 et suivants de la loi ;
(iii) doit, par application de l'article 60, être ordonnée par le tribunal aux termes d'un jugement qui peut ordonner un sursis complémentaire n'excédant pas six mois à compter de la décision.
Il s'ensuit que l'arrêt, qui, après avoir constaté que « le plan est particulier en ce qu'il permet à la [défenderesse] d'obtenir une sorte de répit durant lequel [elle] pourra trouver un tiers acquéreur du fonds de commerce et procéder à une augmentation du capital », et, alors que le « répit » ainsi sollicité est d'une durée de dix-huit mois, homologue purement et simplement le plan de réorganisation judiciaire soumis par le débiteur en laissant à ce dernier la responsabilité d'effectuer le transfert partiel du fonds de commerce dans un délai qui excède le délai de prorogation de sursis de six mois prévu par l'article 60, alinéa 2, de la loi du 31 janvier 2009, au motif « qu'il n'est pas ici question d'une prolongation en cas de changement d'objectif et donc d'un transfert au sens des articles 59 et suivants de la loi relative à la continuité des entreprises mais bien d'un plan de réorganisation judiciaire en application de l'article 47 lequel se base sur les possibilités offertes par les articles 49, 50 et 51 de [cette loi] », viole toutes les dispositions visées au moyen.

III. La décision de la Cour

L'article 16 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuité des entreprises prévoit que la procédure de réorganisation judiciaire permet d'accorder un sursis au débiteur en vue, soit de permettre la conclusion d'un accord amiable conformément à l'article 43, soit d'obtenir l'accord des créanciers sur un plan de réorganisation conformément aux articles 44 à 58, soit de permettre le transfert sous autorité de justice, à un ou plusieurs tiers, de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités conformément aux articles 59 à 70 et que la demande peut poursuivre un objectif propre pour chaque activité ou partie d'activité.
Conformément à l'article 44 de cette loi, ouvrant le chapitre 3 « la réorganisation judiciaire par accord collectif » du titre 3, lorsque la procédure de réorganisation judiciaire a pour objectif d'obtenir l'accord des créanciers sur un plan de réorganisation, le débiteur dépose un plan au greffe.
En vertu de l'article 47, § 1er, de la loi, le débiteur élabore un plan composé d'une partie descriptive et d'une partie prescriptive. Suivant le paragraphe 2 de cet article, la partie descriptive du plan décrit l'état de l'entreprise, les difficultés qu'elle rencontre et les moyens à mettre en œuvre pour y remédier tandis qu'en vertu du paragraphe 3, la partie prescriptive du plan contient les mesures à prendre pour désintéresser les créanciers sursitaires.
L'article 49 de cette loi décrit les mesures qui peuvent être prévues par le plan.
L'article 51 dispose que la cession volontaire de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités peut être prévue au plan de réorganisation.
Après le vote des créanciers organisé conformément à l'article 54 de la loi, le tribunal décide, en vertu de l'article 55, s'il homologue ou non le plan de réorganisation et l'homologation ne peut être refusée qu'en cas d'inobservation des formalités requises par la loi ou pour violation de l'ordre public.
Il suit de ces dispositions du chapitre 3 que, lorsque le débiteur propose aux créanciers, comme modalité du plan de réorganisation, la cession de tout ou partie de ses activités, cette cession est réalisée par le débiteur lui-même en exécution de ce plan préalablement approuvé par les créanciers et homologué par le tribunal.
Sous le chapitre 4 « réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice » du titre 3, l'article 59, § 1er, alinéa 1er, de la loi dispose que le transfert sous autorité de justice de tout ou partie de l'entreprise ou de ses activités peut être ordonné par le tribunal en vue d'assurer leur maintien lorsque le débiteur y consent dans sa requête en réorganisation judiciaire ou ultérieurement au cours de la procédure et, en vertu du paragraphe 2, le même transfert peut être ordonné sur citation du procureur du Roi, d'un créancier ou de toute personne ayant intérêt à acquérir tout ou partie de l'entreprise, dans les conditions qu'il détermine.
En vertu de l'article 60 de la loi, le jugement qui ordonne le transfert désigne un mandataire de justice chargé d'organiser et de réaliser le transfert au nom et pour le compte du débiteur et le tribunal peut, par le même jugement, ordonner un sursis complémentaire, n'excédant pas six mois à compter de sa décision.
Conformément à l'article 64, § 1er, de la loi, le tribunal accorde au mandataire de justice l'autorisation de procéder à l'exécution de la vente proposée si elle satisfait aux conditions fixées à l'article 62, alinéa 2.
Le transfert sous autorité de justice, ordonné par le tribunal, du consentement du débiteur ou de manière forcée, est réalisé par un mandataire de justice au nom et pour le compte du débiteur.
Il s'ensuit que la cession volontaire proposée par le débiteur lui-même comme modalité du plan de réorganisation ne constitue pas un transfert sous autorité de justice ordonné par le tribunal sur le consentement du débiteur manifesté au cours de la procédure, et est dès lors régie par les seules règles du chapitre 3 du titre 3 de la loi.
Le moyen, qui est fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.
Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent trois euros six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du huit juin deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0310.F
Date de la décision : 08/06/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-08;c.19.0310.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award