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05/06/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0550.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 juin 2020, C.19.0550.F


N° C.19.0550.F
TRAITEUR T.L., société anonyme en liquidation, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0437.591.150, représentée par son liquidateur, N. V. B., avocat,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

1. FRIBELS, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue Théodore Verhaegen, 150, inscrite à la banque-carrefour des en

treprises sous le numéro 0865.860.701,
2. Y. O., avocat, en qualité de curateur à la faillite de...

N° C.19.0550.F
TRAITEUR T.L., société anonyme en liquidation, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0437.591.150, représentée par son liquidateur, N. V. B., avocat,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

1. FRIBELS, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Saint-Gilles, rue Théodore Verhaegen, 150, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0865.860.701,
2. Y. O., avocat, en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme Traiteur T.L.,
défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 juillet 2019 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Suivant l'article XX.99, alinéa 1er, du Code de droit économique, le débiteur qui a cessé ses paiements de manière persistante et dont le crédit se trouve ébranlé est en état de faillite.
La cessation persistante des paiements et l'ébranlement du crédit sont liés ; le débiteur n'est en état de cessation de paiement que s'il n'obtient plus de crédit ou s'octroie un crédit artificiel.
La société qui est mise en liquidation continue à bénéficier de crédit lorsque ses créanciers maintiennent leur confiance dans cette décision et dans le déroulement de la liquidation, pour autant que cette confiance soit obtenue dans la régularité et la transparence.
Il s'ensuit que la société dont la dissolution intervient en fraude des droits des créanciers ou a lieu à leur préjudice, en permettant d'échapper aux responsabilités particulières liées à l'état de faillite ou à la remise en cause d'actes accomplis en période suspecte, ne conserve pas la confiance des créanciers, lors même que ceux-ci n'auraient pas manifesté leur défiance.
Après avoir relevé que « la condition de cessation de paiement [...] est admise par [la demanderesse] », l'arrêt considère, d'une part, qu'« aucun reproche ne peut [...] être fait [au liquidateur] et à la manière dont il a mené les opérations de liquidation » dès lors qu'il s'est « conformé à l'ensemble des devoirs qui lui incombent en vertu de la loi », qu'il a ainsi « adressé une lettre circulaire aux créanciers de [la demanderesse] les informant de la mise en liquidation de la société et les invitant à lui adresser leur déclaration de créance » et qu'« il a déposé, dans les délais prescrits à l'article 189bis du Code des sociétés, des états détaillés de la situation de la liquidation reprenant les devoirs précis qu'il avait accomplis, l'indication des recettes, des dépenses et des répartitions ainsi que ce qu'il restait à liquider », en indiquant, dès le premier rapport, « qu'il était déjà certain que les créanciers chirographaires ne pourraient être indemnisés », d'autre part, qu'« il n'est pas démontré que [la demanderesse] aurait cessé de jouir de la confiance d'une majorité suffisante des créanciers en nombre et en somme » au motif que la « créance de [la défenderesse] ne représente que 0,16 p.c. du montant total des dettes », que « même si on y ajoute les quatre autres créanciers qu'elle a sollicités en cours de procédure, le total de leurs créances ne représente encore que 1,20 p.c. du passif » et que « la banque KBC, qui détient une créance de l'ordre de 1.300.000 euros, a laissé se poursuivre la liquidation ».
Il considère ensuite, s'agissant de l'existence d'« éléments indiquant que la liquidation pourrait avoir été entamée de manière préjudiciable pour les créanciers », qu'« il n'est pas exclu que la décision de dissolution et de mise en liquidation ait été décidée par les administrateurs de [la demanderesse] afin d'échapper à une éventuelle responsabilité pour poursuite déraisonnable des activités déficitaires » dès lors que celle-ci « connaît une situation largement déficitaire depuis plusieurs exercices », que, « malgré une première déclaration d'abstention du commissaire sur les comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2015 et une déclaration mitigée sur la continuité sur les comptes arrêtés au 31 décembre 2016 [...], le conseil d'administration a proposé la poursuite des activités » et que « la décision de dissolution semble avoir été prise de manière soudaine et précipitée en novembre 2017 alors que, le 29 juin 2017, le conseil d'administration indiquait pourtant que la société » avait adopté des « changements stratégiques et de positionnement [dont] les effets positifs escomptés seront attendus à partir d'octobre 2017 » et « sans que les organes de gestion aient jugé utile de faire appel à la lettre de confort émise en mai 2017 par l'actionnaire majoritaire ».
Il ajoute que, s'agissant d'une information portant sur « des faits d'une participation de [la demanderesse] à un circuit de facturation frauduleuse ou de main-d'œuvre au noir en 2015 et 2016 », la demanderesse « bénéficie de la présomption d'innocence », mais que, « des devoirs [étant] toujours en cours », « un interlocuteur indépendant en la personne d'un curateur, mandataire de justice, représentant tant la société que les créanciers, se justifie ».

Par ces énonciations, d'où il suit qu'aux yeux de la cour d'appel, qui n'a pas retenu l'existence d'une fraude, si le déroulement de la liquidation est exempt de tout reproche, il existe en revanche des indices que la décision même de mise en liquidation est préjudiciable aux créanciers en ce qu'elle les priverait du bénéfice d'actions pouvant être menées par un curateur et que, dès lors, la confiance des créanciers est factice, l'arrêt a pu, sans violer l'article XX.99 précité, décider que le crédit de la demanderesse était ébranlé et, partant, que les conditions de la faillite étaient réunies.
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent soixante-sept euros cinquante-trois centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du cinq juin deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0550.F
Date de la décision : 05/06/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-05;c.19.0550.f ?

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