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05/06/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0396.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 juin 2020, C.19.0396.F


N° C.19.0396.F
STONEHAVEN TRUST LIMITED, société de droit irlandais, dont le siège est établi à Dublin (Irlande), Botanic avenue, 30, Drumcondra,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
contre

RADISSON HOTELS APS DANMARK, société de droit danois, anciennement dénommée Rezidor Hotels APS Danmark, dont le siège est établi à Copenhague (Danemark), Amager Strandvej, 60-64,
défenderesse en cassation,


représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabine...

N° C.19.0396.F
STONEHAVEN TRUST LIMITED, société de droit irlandais, dont le siège est établi à Dublin (Irlande), Botanic avenue, 30, Drumcondra,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Lefèbvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile,
contre

RADISSON HOTELS APS DANMARK, société de droit danois, anciennement dénommée Rezidor Hotels APS Danmark, dont le siège est établi à Copenhague (Danemark), Amager Strandvej, 60-64,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui, par sa faute, sa négligence ou son imprudence, cause à autrui un dommage est tenu de le réparer.
Le dommage au sens de ces dispositions consiste en l'atteinte à tout intérêt ou en la perte de tout avantage légitime ; il suppose que la victime du fait illicite se trouve après celui-ci dans une situation moins favorable qu'avant.
Seul le titulaire de cet intérêt ou avantage peut se prévaloir de l'atteinte qui y est portée.
L'arrêt non attaqué du 25 février 2016 énonce que, « relativement à la mise au point d'une opération hôtelière portant sur l'exploitation d'un bâtiment situé au cœur de Bruges, constitué d'un couvent et d'un château, appelé ..., [la demanderesse] s'est intéressée à cette opération en qualité d'investisseur et une option d'achat exclusive lui a été consentie, le 3 janvier 2000, par les propriétaires du ... sous [une] double condition suspensive [qui] s'est réalisée, de sorte qu'un compromis de vente sera conclu le 26 février 2001, ensuite prolongé par l'effet de quatre avenants, [dont le dernier le] 17 novembre 2001 », que la demanderesse « est entrée en contact, dès le début de l'année 2000, avec [la défenderesse], chaîne hôtelière de renommée internationale, avec laquelle elle a signé, le 28 juillet 2000, une lettre d'intention [à laquelle] a succédé la ‘copie finale du contrat de management' hôtelier daté du 9 février 2001 », que « la Erste Bank, institution financière autrichienne spécialisée dans l'octroi international de prêts dans le secteur hôtelier, [a] été sollicitée par [la demanderesse] en vue d'obtenir un crédit pour l'acquisition et l'aménagement du futur hôtel » et que la demanderesse était « fort avancée dans les démarches qui lui incombaient » dès lors que, « outre le compromis de vente [...], des contrats d'architecture, de consultance et d'entreprise avaient été conclus et deux permis de construire avaient été obtenus ».
Il considère qu'« en signifiant, dès le 16 novembre 2001, la rupture des négociations, sans autre avertissement, [...] la défenderesse a commis une faute », que, si « [la demanderesse] réclame, à titre de dommages et intérêts, [...] les bénéfices que l'opération lui aurait permis de réaliser », celle-ci doit rapporter « la preuve de ce que, sans la faute de [la défenderesse], le projet hôtelier envisagé par les parties aurait certainement abouti, soit sous la forme d'un contrat de gestion hôtelière, soit sous la forme d'un bail commercial », et qu'« une telle preuve n'est pas rapportée, même si [la demanderesse] était, pour sa part, fort avancée dans les démarches qui lui incombaient ».
Il relève encore que « [la demanderesse] allègue subsidiairement qu'elle a perdu une chance de réaliser l'hôtel ... et d'en tirer des bénéfices, non pas avec [la défenderesse], mais avec une autre société de gestion hôtelière » et qu'« il ne peut être considéré, en l'état, que la chance pour [la demanderesse] de conclure l'opération avec une autre chaîne hôtelière était d'office inexistante, ni que la faute retenue dans le chef de [la défenderesse] [...] ne présenterait aucun lien causal avec le dommage subi par l'investisseur ».
L'arrêt attaqué considère que la demanderesse « ne prouve pas [...] qu'elle aurait été le propriétaire exploitant juridique de l'hôtel ou le preneur de leasing immobilier susceptible de tirer les bénéfices allégués d'un contrat de gestion ou d'un contrat de bail international, à supposer qu'un opérateur hôtelier autre que [la défenderesse] ait accepté de les conclure » au motif qu'« elle n'entendait pas acquérir elle-même le domaine du ..., ni y développer elle-même ce projet hôtelier, ni, partant, en recueillir elle-même le bénéfice dont elle réclame aujourd'hui une fraction à titre de dommages et intérêts » dès lors que « c'est au sein d'une société de droit belge, la société anonyme Marie de Bourgogne, effectivement constituée à cette fin le 16 mai 2001 par la société de droit néerlandais MB Holding et monsieur A., que l'opération en litige serait assurément - et non éventuellement - logée ».
L'arrêt attaqué, qui admet que la demanderesse « était bénéficiaire, au jour de la rupture des négociations entre les parties, de droits conditionnels sur l'immeuble, de permis d'urbanisme ou d'autres contrats conclus en vue de réaliser le projet hôtelier en litige », n'a pu, sans violer les articles 1382 et 1383 précités, considérer que l'atteinte portée aux droits relatifs à l'opération projetée dont la demanderesse était titulaire ne constitue pas un dommage qui lui est personnel au motif qu'elle n'entendait pas les exercer elle-même.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Et il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il déclare irrecevable la demande nouvelle de la demanderesse ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du cinq juin deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0396.F
Date de la décision : 05/06/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-05;c.19.0396.f ?

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