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03/06/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0314.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 03 juin 2020, P.20.0314.F


N° P.20.0314.F
CORIOLAN, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Rodange (Grand-duché de Luxembourg), rue Charlotte, 46,
personne faisant l'objet d'une saisie immobilière par équivalent,
demanderesse en cassation,
assistée par Maître Sarah Temsamani, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 février 2020 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrÃ

ªt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat...

N° P.20.0314.F
CORIOLAN, société anonyme de droit luxembourgeois, dont le siège est établi à Rodange (Grand-duché de Luxembourg), rue Charlotte, 46,
personne faisant l'objet d'une saisie immobilière par équivalent,
demanderesse en cassation,
assistée par Maître Sarah Temsamani, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 24 février 2020 par la cour d'appel de Mons, chambre des mises en accusation.
La demanderesse invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le désistement du pourvoi :

La demanderesse se désiste de son pourvoi au motif que l'arrêt du 24 février 2020, qui rejette une demande tendant à la levée d'une saisie, n'est pas une décision définitive au sens de l'article 420 du Code d'instruction criminelle.

Mais la saisie de l'immeuble appartenant à la demanderesse a été ordonnée par le juge d'instruction belge, en exécution d'une décision de gel des avoirs prise par les autorités judiciaires françaises, conformément à l'article 12 de la loi du 5 août 2006 relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires en matière pénale entre les États membres de l'Union européenne.

Lorsque la Belgique est l'État d'exécution d'une telle décision, l'action publique n'y est pas exercée ; elle l'est dans l'État d'émission de la décision dont la reconnaissance est demandée et c'est également dans ce dernier que sera rendue la décision définitive au sens de l'article 420 du Code d'instruction criminelle.

Dès lors, l'arrêt de la cour d'appel, chambre des mises en accusation, rendu en application des articles 61quater, § 5, du Code d'instruction criminelle et 15, § 1er, de la loi du 5 août 2006, constitue une décision passible d'un pourvoi immédiat.

Il n'y a pas lieu de décréter le désistement, entaché d'erreur.

Sur le moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen est notamment pris de la violation de l'article 149 de la Constitution. Il reproche aux juges d'appel de ne pas avoir répondu aux conclusions de la demanderesse qui faisaient valoir l'illégalité de la saisie par équivalent qui la frappe, parce que l'acte qui l'a ordonnée ne contenait pas la motivation requise par l'article 35ter, § 1er, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle et parce qu'il visait un montant correspondant à la fraude estimée, selon les autorités françaises requérantes, alors que cette infraction n'a pu produire de tels avantages patrimoniaux, que certains faits seraient atteints par la prescription et que devaient être exclus du total, les avoirs recouvrés ou déjà saisis.

L'obligation de motivation prévue par l'article 149 de la Constitution est une règle de forme.

Une réponse inadéquate aux conclusions d'une partie ne constitue pas une violation de cette règle de forme.

Par ailleurs, le juge n'est tenu de répondre qu'aux moyens, c'est-à-dire à l'énonciation par une partie d'un fait, d'un acte ou d'un texte d'où, par un raisonnement juridique, cette partie prétend déduire le bien-fondé d'une demande, d'une défense ou d'une exception. Le juge n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

Aux conclusions de la demanderesse, les juges d'appel ont répondu que
- selon l'article 15 de la loi du 5 août 2006, lorsque le juge d'instruction est saisi d'une demande de levée de la saisie exécutée en vertu de la loi, sa compétence se limite à vérifier l'existence des conditions de fond énumérées à l'article 12, § 2, étant précisé que les motifs de la saisie ne peuvent être contestés que par une action devant un tribunal de l'État d'émission de la décision dont la reconnaissance a été accordée ;
- dans son ordonnance de saisie du 5 août 2019, le juge d'instruction a mentionné, sur la base des informations qui lui ont été transmises par les autorités françaises, le montant supposé de l'avantage patrimonial que les suspects auraient tiré de l'infraction ainsi que les indices sérieux et concrets qui justifiaient la saisie immobilière conservatoire par équivalent, sans que la cour d'appel soit autorisée à ordonner au ministère public la production d'un relevé détaillé des sommes déjà recouvrées.

Ainsi, l'arrêt attaqué contient la motivation que le moyen dit manquer.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Pour le surplus, l'article 15, § 2, de la loi du 5 août 2006 prévoit que les motifs de la saisie ne peuvent être contestés que par une action devant un tribunal de l'Etat d'émission de la décision dont la reconnaissance a été sollicitée en Belgique.

Il n'appartient dès lors pas à l'autorité judiciaire de l'Etat d'exécution de censurer l'appréciation des autorités étrangères quant au montant de l'avantage patrimonial tiré de l'infraction ou quant au caractère sérieux et concret des indices justifiant la saisie.

Revenant à soutenir le contraire, le moyen manque en droit.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen reproche aux juges d'appel de ne pas avoir répondu aux conclusions de la demanderesse, qui faisaient respectivement valoir que l'immeuble saisi n'était pas l'objet d'une opération de blanchiment, seule infraction susceptible d'autoriser la confiscation d'un tel bien, qu'en tout état de cause, la saisie par équivalent ne pouvait porter sur l'objet d'une infraction, et que l'immeuble visé avait été acquis avant le début de la période infractionnelle : dès lors, la demanderesse avait fait valoir qu'aucune confiscation de l'immeuble saisi n'était possible en Belgique et que le juge d'instruction n'avait pas légalement justifié sa décision de rejeter la demande de mainlevée de la saisie ordonnée en vue de l'exécution d'une telle peine. Selon elle, les juges d'appel, en rejetant sa demande, se sont appropriés cette illégalité.

Aux termes des motifs énoncés dans la réponse aux griefs vainement invoqués à la première branche, les juges d'appel ont décidé que lorsque le juge d'instruction est saisi d'une demande de levée de la saisie exécutée en vertu de la loi du 5 août 2006, sa compétence se limite à vérifier l'existence des conditions de fond énumérées à l'article 12, § 2, de cette loi, et que les motifs de la saisie ne peuvent être contestés que par une action devant un tribunal de l'État d'émission de la décision dont la reconnaissance a été accordée. Ils ont ajouté que les faits reprochés à la demanderesse sont visés à l'article 6, § 2, de la loi du 5 août 2006 et que, notamment, la cause de refus d'exécution de la décision étrangère reprise à l'article 11 de ladite loi n'était pas applicable.

Ainsi, les juges d'appel n'avaient pas à répondre aux autres griefs, devenus sans pertinence, invoqués par la demanderesse et relatifs, d'une part, à des conditions inhérentes au droit pénal et à la procédure pénale belges, et, d'autre part, à la prétendue méconnaissance du droit de propriété de la demanderesse, en raison du maintien de la saisie immobilière au mépris des exigences découlant du principe de proportionnalité.

Dès lors, l'arrêt motive régulièrement et justifie légalement sa décision que la saisie de l'immeuble de la demanderesse devait être maintenue.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le moyen reproche à l'arrêt de se soustraire au contrôle de légalité et d'opportunité qui incombe aux autorités judiciaires belges, saisies d'une demande de reconnaissance d'une décision de gel des avoirs prise dans un autre État de l'Union européenne.

D'une part, conformément à l'article 4, § 4, de la loi du 5 août 2006, les raisons substantielles qui ont conduit au prononcé de la décision étrangère transmise à la Belgique ne peuvent être contestées devant un tribunal belge. D'autre part, l'article 15, § 2, de la même loi prévoit que les motifs de la saisie ne peuvent être contestés que par une action devant un tribunal de l'État d'émission.

Dès lors, en tant qu'il soutient qu'il appartenait à la cour d'appel de vérifier l'opportunité de la saisie dont l'exécution était requise en Belgique, le moyen manque en droit.

En tant qu'il soutient que les juges d'appel auraient dû refuser de maintenir la saisie, parce qu'elle ne concernait pas des biens susceptibles de confiscation en Belgique, alors que, en application de l'article 11 de la loi du 5 août 2006, pareille cause de refus d'exécution de la décision de saisie étrangère n'est pas applicable lorsque les faits qui ont donné lieu à son émission sont de ceux repris à l'article 6, § 2, de la loi, ce que l'arrêt constate, le moyen manque également en droit.

Enfin, la demanderesse reproche aux juges d'appel d'avoir rejeté sa demande de levée de la saisie alors qu'ils n'avaient pas reçu des autorités requérantes les informations exigées par la loi en vue de statuer sur la demande de reconnaissance de la décision de saisie.

Mais par aucune considération, les juges d'appel n'ont estimé qu'ils ne disposaient pas des éléments d'information suffisants pour permettre l'exécution de la décision de saisie. D'une part, ils ont jugé que les conditions prévues par les articles 2, 2/1 et 3 de la loi du 5 août 2006 étaient remplies, que les faits sur lesquels repose la décision relevaient de l'article 6, § 2, de la loi et qu'aucune des causes de refus d'exécution qu'elle admet n'était applicable. D'autre part, l'arrêt décide qu'il n'appartient pas à la cour d'appel d'ordonner au ministère public la communication d'un relevé des avoirs déjà recouvrés et saisis.

Ainsi, les juges d'appel n'ont exprimé aucun doute à propos du caractère complet des informations communiquées par l'autorité judiciaire requérante.

Procédant d'une lecture erronée de l'arrêt, dans cette mesure, le moyen manque en fait.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quatre-vingts euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du trois juin deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0314.F
Date de la décision : 03/06/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-06-03;p.20.0314.f ?

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