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29/05/2020 | BELGIQUE | N°F.18.0145.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 mai 2020, F.18.0145.F


N° F.18.0145.F
CUMA DE FONTENELLE, société coopérative, dont le siège est établi à Ham-sur-Heure-Nalinnes (Nalinnes), rue de Gourdinne, 195,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurent Tainmont et Céline Joly, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 326 (bte 11), et André-Pierre André-Dumont, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile,
contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le c

abinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté ...

N° F.18.0145.F
CUMA DE FONTENELLE, société coopérative, dont le siège est établi à Ham-sur-Heure-Nalinnes (Nalinnes), rue de Gourdinne, 195,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Laurent Tainmont et Céline Joly, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 326 (bte 11), et André-Pierre André-Dumont, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile,
contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 18 juin 2018 par la cour d'appel de Mons.
Le 8 mai 2020, le procureur général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et le procureur général André Henkes a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant aux deux premières branches réunies :

Aux termes de l'article 96 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, les États membres appliquent un taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d'imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services.
L'article 98 de la directive dispose, au paragraphe 1er, que les États membres peuvent appliquer soit un soit deux taux réduits et, au paragraphe 2, alinéa 1er, que les taux réduits s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l'annexe III.
L'annexe III vise, au point 11, les livraisons de biens et les prestations de services d'un type normalement destiné à être utilisé dans la production agricole, à l'exclusion, toutefois, des biens d'équipement, tels que les machines ou les bâtiments.
En vertu de l'article 1er de l'arrêté royal n° 20 du 20 juillet 1970 fixant le taux de la taxe sur la valeur ajoutée et déterminant la répartition des biens et des services selon ces taux, pris en application de l'article 37 du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux biens et services visés par le code est fixé à 21 p.c. et, par dérogation à cette disposition, la taxe est perçue au taux réduit de 6 p.c. en ce qui concerne les biens et les services énumérés au tableau A.
Sous l'article XXIV « services agricoles » de ce tableau, sont visés les travaux de culture, de récolte et d'élevage.

Si le législateur a ainsi fait usage de la faculté de prévoir un taux réduit dans le cadre du point 11 de l'annexe III, il ressort de la formulation même de l'article XXIV qu'il s'est limité aux services agricoles qui relèvent, par leur nature, de l'activité de l'agriculteur.
La mise à disposition de matériel destiné à être utilisé dans la production agricole ne constitue pas des travaux de culture, de récolte et d'élevage.
Le moyen, qui, en ces branches, est fondé sur le soutènement qu'il suffit que la prestation de services concerne des travaux de culture, de récolte et d'élevage, manque en droit.

Quant aux troisième et quatrième branches réunies :

Il ressort des considérations reproduites dans la réponse aux deux premières branches du moyen que l'article 98 de la directive 2006/112/CE prévoit une faculté pour les États membres d'instaurer un taux réduit pour les livraisons de biens et les prestations de services énumérées à l'annexe III.
Cette disposition n'est pas contraignante pour les États membres et l'annexe III doit être interprétée de manière stricte.
Il s'ensuit que, si l'État membre qui décide d'user de la faculté de prévoir un taux réduit ne peut aller au-delà des cas prévus à l'annexe III, rien ne lui interdit de restreindre leur champ d'application.
Le moyen, qui, en ces branches, soutient que l'arrêt ajoute une condition au point 11 de l'annexe III et que seules sont exclues de cette disposition les livraisons de biens d'équipement, mais non la location de matériel normalement utilisé dans la production agricole, ne saurait entraîner la cassation, partant, est irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

Après avoir constaté que « [la demanderesse] est une coopérative d'utilisation de matériel agricole (CUMA) », l'arrêt énonce que celle-ci « relève qu'une CUMA peut louer (mise à disposition) son matériel à ses membres ou à des tiers [et] réaliser des prestations de service agricole lorsque la mise à disposition du matériel est assortie de main-d'œuvre, auquel cas le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable est le taux réduit de 6 p.c. », que « [la demanderesse] soutient qu'elle a effectué ces deux types d'opérations », qu'elle « précise que la main-d'œuvre était celle de ses coopérateurs [et qu'] elle attribuait une rémunération à ses dirigeants pour les travaux et services prestés ».
Après avoir décidé que « la mise à disposition de matériel agricole ne relève pas de l'activité normale des agriculteurs et constitue une prestation de service [...] soumise au taux de 21 p.c. », l'arrêt considère qu'« il convient d'examiner la nature réelle des prestations fournies afin de déterminer le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable ».
L'arrêt relève qu'à l'appui de sa thèse que « les prestations litigieuses doivent être qualifiées de prestations de services agricoles », la demanderesse « vante le libellé des factures et l'absence de contestations de celles-ci, l'existence de rémunérations accordées aux coopérateurs et des attestations quant à la réalité des opérations réalisées ».
Il considère, d'une part, que « ce qui importe, c'est la nature réelle des prestations fournies, et non le libellé des factures », tandis que « l'absence de contestation par les cocontractants n'est guère pertinente dès lors que ceux-ci n'avaient pas d'intérêt à critiquer ce libellé dès lors qu'ils obtenaient le résultat demandé pour le prix convenu », d'autre part, que « les attestations produites par [la demanderesse] sont peu probantes de ce que les prestations réalisées constituaient bien des services agricoles fournis par elle ». Il en déduit que « la question de la rémunération des coopérateurs apparaît dès lors déterminante en l'espèce ».

L'arrêt énonce qu'il appartient à la demanderesse d'établir que « les sommes versées l'ont bien été [au] titre [...] des prestations réalisées pour [son] compte » et considère que, « dans les circonstances concrètes de l'espèce, le montant particulièrement faible, et apparemment forfaitaire, des sommes versées aux coopérateurs, fait naître de sérieux doutes quant à ce, de tels versements pouvant parfaitement s'expliquer comme constituant une rémunération pour la gestion de la coopérative et les actes accomplis en qualité de dirigeants ».
Il relève encore, d'une part, que « les explications actuelles de [la demanderesse] précisant que la main-d'œuvre était exclusivement fournie par ses coopérateurs sont [...] difficilement conciliables avec les attestations qu'elle avait produites en première instance », d'autre part, qu'« il ressort [des] mentions de la requête [introductive d'instance] que l'activité de [la demanderesse] consiste en la location de matériel agricole [et qu'] à tout le moins, elles sont déjà de nature à elles seules à susciter le doute quant aux prétendues prestations de services vantées ».
Il conclut que, « eu égard à l'ensemble des éléments versés aux débats, [la demanderesse] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe » que les prestations invoquées constituent des services agricoles soumis au taux réduit de 6 p.c.

Quant aux première et troisième branches réunies :

Il ressort des énonciations reproduites en tête de la réponse au moyen que, après que l'arrêt a décidé qu'il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve de l'existence de services agricoles et a écarté deux des trois éléments avancés par la demanderesse au soutien de cette preuve, « la question de la rémunération des coopérateurs » apparaît, aux yeux de la cour d'appel, comme « déterminante » pour le motif qu'il s'agit de l'ultime élément de preuve invoqué par la demanderesse.
L'arrêt, qui se borne ainsi à apprécier la rémunération des coopérateurs en tant qu'élément de preuve avancé par la demanderesse, ne décide pas que la taxe sur la valeur ajoutée est établie sur la base des charges engagées par l'assujetti pour réaliser le chiffre d'affaires et ne fait pas dépendre l'existence de services agricoles du montant payé aux personnes physiques intervenant dans la réalisation des travaux invoqués.
Le moyen, en ces branches, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Il n'est pas contradictoire de considérer, d'une part, qu'« il convient d'examiner la nature réelle des prestations fournies », d'autre part, que « la question de la rémunération des coopérateurs », moyen avancé par la demanderesse pour établir la nature de ces prestations, est « déterminante » dès lors que les autres moyens de preuve de la demanderesse ont été rejetés.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la quatrième branche :

Il ressort des énonciations reproduites en tête de la réponse au moyen que l'arrêt se borne à examiner si l'existence d'une rémunération, vantée par la demanderesse, qui serait versée aux coopérateurs pour la main-d'œuvre assortissant la mise à disposition de matériel agricole, est établie et conclut que tel n'est pas le cas « dans les circonstances concrètes de l'espèce », dès lors que « le montant [est] particulièrement faible » et qu'il est « apparemment forfaitaire ».
Par ces énonciations, l'arrêt ne considère pas que la notion de services agricoles suppose qu'une rémunération suffisante soit payée aux personnes physiques qui accomplissent les prestations pour l'auteur du service.
Pour le surplus, il n'est pas contradictoire de considérer, d'une part, que « [la demanderesse] est évidemment libre de déterminer, avec ses coopérateurs, les modalités et le montant de la rétribution qui est attribuée à ces derniers pour les prestations réalisées pour [son] compte », d'autre part, dès lors que la demanderesse invoque l'existence d'une telle rémunération, que « le montant particulièrement faible, et apparemment forfaitaire, des sommes versées aux coopérateurs fait naître de sérieux doutes quant à ce ».
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la cinquième branche :

L'arrêt relève que, « selon les explications fournies à l'audience du 14 mai 2018 par les dirigeants [de la demanderesse], chacun des agriculteurs coopérateurs utilise son propre matériel pour certains travaux et fait appel à des entrepreneurs agricoles pour des travaux nécessitant un matériel onéreux [...] ; [la demanderesse] intervient pour d'autres travaux, ses engins étant conduits par les coopérateurs eux-mêmes ; elle intervient également, de manière relativement marginale, au profit de tiers, les engins étant conduits par les coopérateurs ; plus rarement encore, quelques matériels sont loués sans que de la main-d'œuvre soit fournie ».
En énonçant que « les explications actuelles de [la demanderesse précisent] que la main-d'œuvre était exclusivement fournie par ses coopérateurs », l'arrêt ne viole pas la foi due aux conclusions de la demanderesse dès lors qu'il ne s'y réfère pas.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la sixième branche :

Il suit des énonciations reproduites en tête de la réponse au moyen, qui permettent à la Cour d'exercer son contrôle, que l'arrêt considère que les mentions de l'acte introductif d'instance constituent, parmi d'autres, des indices de ce que l'activité de la demanderesse consiste en la location de matériel agricole.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

Quant aux deux branches réunies :
Dans la mesure où il est fondé sur l'affirmation que les données chiffrées du procès-verbal sur la base desquelles la rectification a été opérée sont inexactes en ce qu'elles incluent des prestations de manutention, alors qu'il suit des énonciations, vainement critiquées par le deuxième moyen, que l'arrêt considère que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de l'existence de prestations de services agricoles, le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est irrecevable.
Pour le surplus, l'arrêt n'était pas tenu de répondre aux conclusions de la demanderesse, qui se fondait sur cette affirmation pour dénoncer l'irrégularité du procès-verbal, que sa décision quant à la nature des prestations de la demanderesse privait de pertinence.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de quatre cent cinquante euros nonante-neuf centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence du procureur général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.18.0145.F
Date de la décision : 29/05/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-29;f.18.0145.f ?

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