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29/05/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0292.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 mai 2020, C.19.0292.F


N° C.19.0292.F
1. C. N.,
2. SOLARQUEST, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Oreye, rue Louis Maréchal, 101 B, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0897.668.583,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,

contre

1. F. F., avocat, en qualité de curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée Immo 2001,
2. G. C.,
3. SOCIÉ

TÉ WALLONNE DES EAUX, société coopérative de droit public, dont le siège est établi à Verviers, rue de la...

N° C.19.0292.F
1. C. N.,
2. SOLARQUEST, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Oreye, rue Louis Maréchal, 101 B, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0897.668.583,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 250, où il est fait élection de domicile,

contre

1. F. F., avocat, en qualité de curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée Immo 2001,
2. G. C.,
3. SOCIÉTÉ WALLONNE DES EAUX, société coopérative de droit public, dont le siège est établi à Verviers, rue de la Concorde, 41, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0230.132.005,
défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 25 avril et 10 décembre 2018 par la cour d'appel de Liège.
Le 7 mai 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Les demandeurs présentent deux moyens libellés dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions légales violées

- articles 1134, 1138, 1624 et 1647 du Code civil ;
- article 149 de la Constitution.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir, dans l'arrêt attaqué du 25 avril 2018, ordonné la réouverture des débats, invitant les parties à expliquer qui doit supporter [le] risque [du] passage d'un terrain classé en risque d'inondation faible devenu à risque élevé après la conclusion du contrat, dès lors que :
- les parties demanderesses étaient restées propriétaires du terrain,
- en principe, un contrat synallagmatique comporte une obligation de dare dans le chef de l'une des parties et donc de transmission du droit de propriété non encore réalisée,
- « res perit domino »,
l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 prononce la résolution de la vente et dit la demande des demandeurs non fondée en tant qu'elle est dirigée contre [la société Immo 2001 et le second défendeur].

Cette décision est fondée sur les considérations suivantes de l'arrêt attaqué du 25 avril 2018 :
« 2.1. La convention litigieuse
À l'époque de la conclusion du contrat, le permis de lotir avait été octroyé pour des terrains sis en zone inondable à aléa faible qui, postérieurement à la vente, est devenu [un] risque élevé, ce qui ne signifie pas qu'ils soient devenus inconstructibles.
Dans la convention, les [demandeurs] restent les propriétaires des terrains jusqu'au jour de la passation de l'acte authentique.
Le fait d'avoir annexé le permis d'urbanisation à la convention a eu pour effet de faire connaître à l'acquéreur les normes, contraintes et caractéristiques qui se rapportaient au terrain, objet de la convention.
Le changement de zone d'inondabilité n'est en rien le fait des [demandeurs] mais est celui de l'autorité publique, il faut souligner que, lors de la conclusion, le terrain était déjà classé en zone d'inondation, à risque faible certes mais néanmoins en zone d'inondation.
La [société Immo 2001] invoque l'impossibilité d'obtenir de la commune la délivrance des permis sollicités ; les documents déposés permettent en effet de constater que le permis d'urbanisme n'a pas été octroyé suite à la demande formulée par différents candidats constructeurs.
[La société Immo 2001 et le second défendeur] considèrent que la vente est caduque et invoquent également divers moyens tels que le vice du consentement ou l'erreur sur la substance pour obtenir l'annulation de la convention.
Or, les éléments invoqués qui affecteraient la validité de la convention sont postérieurs à celle-ci et indépendants du cocontractant de sorte qu'ils ne peuvent être pris en considération pour justifier l'annulation de la convention qui, lorsqu'elle s'est formée, ne souffrait d'aucun vice quant à sa validité.

Au moment de la conclusion de la convention, il n'y avait aucune erreur sur la qualité de la chose vendue puisqu'il s'agissait, comme annoncé par le vendeur, d'un terrain classé en risque d'inondation faible devenu à risque élevé après la conclusion du contrat.
L'analogie faite par [la société Immo 2001 et le second défendeur] entre la situation qui est la leur et celle où [ils] seraient si un acte administratif avait été annulé par le Conseil d'État postérieurement à la conclusion d'une convention et modifiant ainsi l'économie de celle-ci appelle les réflexions suivantes :
- le transfert de propriété ne s'est pas réalisé solo consensu puisque les [demandeurs] doivent comparaître aux actes passés entre [la société Immo 2001] et le client de celle-ci ;
- [la société Immo 2001] a conclu la convention en vue d'exercer son activité professionnelle ;
- l'ajout du permis d'urbanisme à la convention n'est pas anodin, il qualifiait la nature des terrains, objet de la convention qui ne peut être exécutée comme telle en raison du changement de classement du terrain.

2.2. Il y a lieu que les parties s'expliquent pour savoir qui doit supporter ce risque dès lors que :
- les [demandeurs] étaient restés propriétaires du terrain [...],
- en principe, un contrat synallagmatique comporte une obligation de dare dans le chef de l'une des parties et donc de transmission du droit de propriété non encore réalisée,
- ‘res perit domino' ».
Elle est fondée sur les considérations suivantes de l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 :
« 2. Le sort de la convention avenue entre les parties
Les [demandeurs] sont restés propriétaires du terrain litigieux pour plusieurs raisons :
- le transfert de propriété ne s'est pas réalisé solo consensu en fonction du libellé même de la convention,
- passé la date du 31 mai 2014, les lots non encore vendus n'ont pas été achetés par le promoteur et sont restés la propriété des [demandeurs], selon le libellé même de la convention.
Cette seule qualité de propriétaire justifie que les [demandeurs] ont poursuivi le lotissement du terrain et ont fait réaliser les travaux relatifs aux impétrants.
Les risques sont donc restés à la charge des [demandeurs] jusqu'au moment où les actes translatifs de propriété devaient être passés, tant sur la base du droit commun que sur la base de la convention qui ne prévoyait pas de renversement de la charge des risques ; or, au moment où l'acte authentique devait être passé, les terrains, objet de la convention de vente, avaient changé de nature puisqu'ils étaient passés de zone inondable à aléa faible à zone inondable à risque élevé.
Cette circonstance a bouleversé l'économie de la convention puisque la [société Immo 2001] l'avait conclue en vue de réaliser ses activités de promotion et les parties avaient fait rentrer dans le champ contractuel la nature des terrains litigieux telle qu'elle résultait du permis d'urbanisme, annexé à la convention.
En conséquence, la vente doit être résolue à défaut pour la partie venderesse de pouvoir délivrer la chose convenue, soit des terres en zone inondable de risque faible, en raison d'une force majeure et du fait du prince.
Même si les terrains classés en zone inondable à risque élevé ne sont pas inconstructibles, ils ne présentent plus l'attrait de terrains situés en zone faible et ne correspondent plus à l'objet convenu ».

Griefs

Première branche

1. En vertu de l'article 1134, alinéas 1er et 2, du Code civil, la convention légalement formée tient lieu de loi aux parties et ne peut être révoquée que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Selon l'alinéa 3, elle doit être exécutée de bonne foi et sans abus de droit.
Il s'ensuit que le juge ne peut prononcer la dissolution d'une convention pour des considérations d'équité. La règle de l'exécution de bonne foi n'implique pas que, si des circonstances nouvelles et non prévues par les parties lors de la conclusion de la convention rendent son exécution plus difficile en en bouleversant l'économie, le juge puisse, en l'absence d'une clause contractuelle le prévoyant ou d'un abus de droit, en prononcer la dissolution.
2. Le juge d'appel a considéré que le changement de nature des terrains litigieux a bouleversé l'économie de la convention avenue « puisque la société Immo 2001 l'avait conclue en vue de réaliser ses activités de promotion et les parties avaient fait rentrer dans le champ contractuel la nature des terrains litigieux telle qu'elle résultait du permis d'urbanisme, annexé à la convention litigieuse » et a ensuite prononcé la résolution de la vente.
L'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 décide ainsi que, lorsqu'à la suite de circonstances nouvelles n'ayant pas été prévues par les parties lors de la conclusion de la convention, l'exécution de celle-ci est devenue manifestement plus difficile pour le débiteur, la bonne foi requiert que le juge puisse en prononcer la dissolution. Il ne considère toutefois ni que l'exécution de la convention était devenue impossible pour la [société Immo 2001], ni que les parties avaient prévu dans leur convention une possibilité de dissolution ou de révision de celle-ci en cas de circonstances imprévues bouleversant son économie, ni que les demandeurs ont abusé de leur droit en en demandant l'exécution.
3. En admettant ainsi que soit remise en question la force obligatoire de la convention pour le motif que le changement de nature des terrains a bouleversé l'économie de la convention, l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 viole l'article 1134 du Code civil.

Deuxième branche

1. Il résulte de l'article 1138 du Code civil, applicable au contrat de vente en vertu de l'article 1624 du même code, que, dans les contrats portant transfert de propriété, les risques sont, par dérogation au droit commun des contrats synallagmatiques, à charge du créancier de l'obligation de livrer la chose (« res perit creditori »).
Dans la vente, l'acheteur d'une chose certaine supporte ainsi les risques dès la conclusion du contrat, qu'il ait ou non immédiatement acquis la propriété du bien vendu (articles 1138, 1624 et 1647 du Code civil ; « res perit emptori »).
La charge des risques est ainsi décorellée du transfert de propriété.
2. Après avoir relevé que les demandeurs sont restés propriétaires du terrain litigieux et que les risques sont donc restés à leur charge jusqu'au moment où les actes translatifs de propriété devaient être passés, l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 décide, dans la logique de l'arrêt du 25 avril 2018, que la vente doit être résolue à défaut pour les demandeurs de pouvoir délivrer la chose convenue - soit des terres en zone inondable de risque faible - en raison d'un cas de force majeure, postérieur à la vente.
Dans la mesure où ils mettent les risques à charge des demandeurs au motif [que ces derniers] sont restés propriétaires du terrain litigieux jusqu'au jour de la passation de l'acte authentique, alors qu'à moins qu'il ne soit convenu autrement, les risques sont à charge de l'acheteur dès la conclusion du contrat de vente même s'il n'a pas encore acquis la propriété de la chose certaine qui en forme l'objet, les arrêts attaqués violent les articles 1138, 1624 et 1647 du Code civil.

Troisième branche

1. Conformément à l'article 149 de la Constitution, le juge doit répondre à tous les moyens formulés en conclusions et régulièrement soumis à son appréciation.
2. Les demandeurs faisaient valoir en conclusions que :
« Transfert de propriété et délivrance de la chose peuvent donc intervenir successivement, la délivrance postérieurement au transfert de propriété, sans pour autant que le risque de la perte de la chose pèse encore sur le vendeur.
Force est de constater que la délivrance avait bien eu lieu puisque la société Immo 2001 était, par la convention, autorisée à réaliser des constructions et tenue d'effectuer les travaux concernant les impétrants.
Le report de la date de signature de l'acte authentique, soit à la vente de chacun des lots, soit au plus tard le 31 mai 2014, n'est pas de nature à impliquer un retard de transfert ou de délivrance ».
Les demandeurs faisaient ainsi valoir que la délivrance était intervenue dès la convention du 14 décembre 2012, puisque la société Immo 2001 avait la jouissance des lieux.
3. L'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 décide que la vente doit être résolue à défaut pour les demandeurs de pouvoir délivrer la chose convenue - soit des terres en zone inondable de risque faible - en raison d'un cas de force majeure, postérieur à la vente.
À défaut d'indiquer dans ses motifs les raisons pour lesquelles les demandeurs sont dans l'impossibilité de pouvoir délivrer la chose convenue, alors que la [société Immo 2001] avait la jouissance des lieux, cet arrêt attaqué :
1°) laisse sans réponse les conclusions des demandeurs indiquées ci-dessus et n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution),
2°) à tout le moins, ne permet pas à la Cour d'exercer le contrôle de légalité qui lui est confié et n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).

Second moyen

Disposition légale violée

Article 1017 du Code judiciaire

Décisions et motifs critiqués

Après avoir dit l'appel de [la société Immo 2001 et du second défendeur] dirigé contre la défenderesse irrecevable et celui des demandeurs non fondé, l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 condamne ces derniers à payer à la défenderesse le montant de l'indemnité de procédure d'appel, soit 480 euros.
« 3. Le recours contre la [défenderesse]
[Les demandeurs] avaient mis la [défenderesse] à la cause devant le premier juge, qui a dit que la position de la [défenderesse] qui ne voulait pas être l'otage des parties en litige était fondée, n'étant pas démontré [qu'elle] ne voulait pas exécuter les travaux qu'elle devait réaliser.
Le premier juge a constaté à bon droit que la [défenderesse] ne succombait en rien et que les demandeurs étaient condamnés à lui payer ses dépens, soit une indemnité de procédure de 1.320 euros.
Au stade de l'appel, la mise à la cause de [la défenderesse] par [la société Immo 2001 et le second défendeur] n'a aucune justification, [ces derniers et la défenderesse] n'avaient aucun lien d'instance et n'ont pas conclu l'un contre l'autre.
L'appel incident dirigé contre la [défenderesse] par [les demandeurs] n'est pas fondé, il portait sur le montant de l'indemnité de procédure de première instance selon les conclusions déposées le 4 mars 2016 et cette demande n'a plus été reproduite ensuite.
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris par les justes motifs qu'il contient que la [défenderesse] n'avait commis aucune faute et pouvait prétendre à une indemnité de procédure à la charge des [demandeurs] qui l'avaient mise à la cause devant le premier juge.
En appel, [la société Immo 2001 et le second défendeur] ont mis la [défenderesse] à la cause, tout en confirmant qu'ils n'ont aucun lien d'instance avec [elle] ; une indemnité de procédure ne peut être mise à la charge [de la société Immo 2001 et du second défendeur], à défaut de demande de condamnation, et aucune autre condamnation n'est sollicitée par la [défenderesse] contre [la société Immo 2001 et le second défendeur].
Par contre, les [demandeurs], appelants sur incident, ont postulé une réformation sur un objet de 1.320 euros, montant de l'indemnité de procédure de première instance de sorte qu'une indemnité de procédure de 480 euros est due ».

Griefs

1. Conformément à l'article 1017, alinéa 1er, du Code judiciaire, tout jugement définitif prononce, même d'office, la condamnation aux dépens contre la partie qui a succombé, à moins que des lois particulières n'en disposent autrement et sans préjudice de l'accord des parties que, le cas échéant, le jugement décrète. Toutefois, les frais inutiles, y compris l'indemnité de procédure visée à l'article 1022, sont mis à la charge, même d'office, de la partie qui les a causés fautivement.
En vertu de cette disposition, les dépens peuvent être mis à la charge de la partie qui n'a pas succombé s'ils ont été causés par sa faute.

2. L'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 constate qu'« au stade de l'appel, la mise à la cause de [la défenderesse] n'a aucune justification, [la société Immo 2001 et le second défendeur] et la [défenderesse] n'avaient aucun lien d'instance et n'ont pas conclu l'un contre l'autre ». Il décide toutefois qu'« une indemnité ne peut être mise à la charge de [la société Immo 2001 et du second défendeur], à défaut de demande de condamnation, et aucune autre condamnation n'est sollicitée par la [défenderesse] contre [la société Immo 2001 et le second défendeur] » et que, « par contre, [les demandeurs] ont postulé une réformation sur un objet de 1.320 euros, montant de l'indemnité de procédure de première instance, de sorte qu'une indemnité de procédure de 480 euros est due ».
Dans la mesure où il condamne les demandeurs à payer à la [défenderesse] le montant de l'indemnité de procédure d'appel, soit 480 euros, tout en constatant que la mise à la cause en degré d'appel de la [défenderesse] par [la société Immo 2001 et le second défendeur] était inutile et sans se prononcer sur la question de la faute éventuelle [de ces derniers] justifiant leur condamnation aux dépens en vertu de l'article 1017 du Code judiciaire, l'arrêt attaqué viole cette disposition légale.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt attaqué du 25 avril 2018 relève que, dans la « convention sous seing privé de renonciation au droit d'accession conclue le 14 décembre 2012 [au profit] de la société Immo 2001 », les demandeurs « restent les propriétaires des terrains jusqu'au jour de la passation de l'acte authentique » et que cette renonciation porte sur « une pâture y identifiée, ayant fait l'objet d'un permis de lotir [pour un prix] total de 329.080 euros hors frais à charge du promoteur ». Il souligne que « l'ajout du permis d'urbanisme à la convention n'est pas anodin » et « a eu pour effet de faire connaître à l'acquéreur les normes, contraintes et caractéristiques qui se rapportaient au terrain, objet de la convention ».
L'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 en déduit que « les parties avaient fait rentrer dans le champ contractuel la nature des terrains litigieux telle qu'elle résultait du permis d'urbanisme, annexé à la convention ». Il relève qu'« au moment où l'acte authentique devait être passé, les terrains, objet de la convention de vente, avaient changé de nature puisqu'ils étaient passés de zone inondable à aléa faible à zone inondable à risque élevé », et considère que « les terrains classés en zone inondable à risque élevé [...] ne correspondent plus à l'objet convenu » et que « la vente doit être résolue à défaut pour la partie venderesse, [les demandeurs], de pouvoir délivrer la chose convenue, soit des terres en zone inondable de risque faible, en raison d'une force majeure et du fait du prince ».
Il suit de ces énonciations que ce dernier arrêt considère, non que le changement de nature des terrains a rendu l'exécution du contrat manifestement plus difficile pour la société Immo 2001, l'acquéreur, mais qu'il a entraîné une impossibilité pour les demandeurs d'exécuter leur obligation de délivrer l'objet convenu en raison du fait du prince.
Le moyen, qui, en cette branche, procède d'une lecture inexacte de l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

En vertu de l'article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
L'article 1624 de ce code dispose que la question de savoir sur lequel, du vendeur ou de l'acquéreur, doit tomber la perte ou la détérioration de la chose vendue avant la livraison, est jugée d'après les règles prescrites au titre « des contrats ou des obligations conventionnelles en général ».
Aux termes de l'article 1138 de ce même code, l'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes ; elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l'instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n'en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer, auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier.
Il s'ensuit que le transfert des risques est lié au transfert de la propriété, lequel se réalise, en règle, au moment de l'échange des consentements.
Lorsque les parties prévoient un transfert différé de la propriété, le vendeur continue à supporter les risques, à moins qu'elles conviennent de dissocier le transfert des risques de celui de la propriété.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la troisième branche :

Dans la mesure où le moyen, en cette branche, fait grief à l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 de ne pas permettre à la Cour d'exercer son contrôle de légalité sans indiquer la disposition légale dont la Cour ne pourrait contrôler l'application, il est imprécis, partant, irrecevable.
Pour le surplus, après avoir relevé que « [les demandeurs] sont restés propriétaires du terrain litigieux », cet arrêt attaqué considère, en ce qui concerne la demande d'indemnisation des demandeurs pour « la jouissance des terrains » par la société Immo 2001, que ceux-ci « ne s'expliquent pas sur cette notion de jouissance dès lors que le transfert de propriété n'était pas réalisé solo consensu » et que « cette seule qualité de propriétaire justifie qu'[ils] ont poursuivi le lotissement du terrain et ont fait réaliser les travaux relatifs aux impétrants », et qu'il n'est « pas démontré que, dans les circonstances de la cause, la jouissance était significative ».

Par ces énonciations, l'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 répond, en les contredisant, aux conclusions des demandeurs qui soutenaient avoir délivré le bien dès la convention sous seing privé du 14 décembre 2012.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le second moyen :

L'arrêt attaqué du 10 décembre 2018 considère que la société Immo 2001 et le second défendeur, d'une part, et la défenderesse, d'autre part, « n'avaient aucun lien d'instance et n'ont pas conclu l'un contre l'autre » en sorte que « la mise à la cause de [la défenderesse] par [la société Immo 2001 et le second défendeur] n'a aucune justification », « qu'aucune demande de condamnation n'a été formée de part et d'autre en appel » et que, « par contre, [les demandeurs] ont postulé [à l'égard de la défenderesse] une réformation sur un objet de 1.320 euros, montant de l'indemnité de procédure de première instance », ce qui justifie leur condamnation « à payer à [la défenderesse] le montant de l'indemnité de procédure d'appel, soit 480 euros ».
En relevant que les demandeurs ont formé un appel contre la défenderesse, cet arrêt attaqué exclut que la mise à la cause de celle-ci en degré d'appel par la société Immo 2001 et le second défendeur ait été inutile.
Le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille cinq cent soixante euros quarante-quatre centimes envers les parties demanderesses, y compris la contribution au fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, limitée à vingt euros, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-neuf mai deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0292.F
Date de la décision : 29/05/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-29;c.19.0292.f ?

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