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22/05/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0169.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 22 mai 2020, C.19.0169.F


N° C.19.0169.F
G. C.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

1. S.E.G., société anonyme, dont le siège est établi à Woluwe-Saint-Lambert, avenue du Prince héritier, 196 (bte 4), inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0422.550.311,
représentée par Maître Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Louvain, Koning Leopold I-st

raat, 3, où il est fait élection de domicile,
2. B. V., avocat, agissant en qualité de curateur ...

N° C.19.0169.F
G. C.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

1. S.E.G., société anonyme, dont le siège est établi à Woluwe-Saint-Lambert, avenue du Prince héritier, 196 (bte 4), inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0422.550.311,
représentée par Maître Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Louvain, Koning Leopold I-straat, 3, où il est fait élection de domicile,
2. B. V., avocat, agissant en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme Maintenance-Constructions-Management,
défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8 décembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Après avoir rappelé que, « selon [la demanderesse], le prêt litigieux de 385.000 euros aurait servi à financer, à l'intervention de monsieur T. - un des co-emprunteurs avec feu monsieur V. et la société Maintenance- Constructions-Management (M.C.M.) -, d'autres sociétés contrôlées par lui, ce qui aurait méconnu l'intérêt de la société M.C.M. et partant l'ordre public de telle sorte que le contrat serait entaché de nullité absolue pour cause illicite », l'arrêt considère que la défenderesse dispose d'un intérêt légitime, par les motifs que, « tout d'abord, la somme de 385.000 euros a bien été réceptionnée par la société M.C.M. puisque le virement a été effectué au compte [...] mentionné dans la convention comme étant celui de la société » et que « [la défenderesse] ne porte aucune responsabilité quant à ce qui a été fait ultérieurement de la somme, sauf collusion, par ailleurs non démontrée », que le fait que « la somme litigieuse a été prêtée à trois co-emprunteurs - la société M.C.M., monsieur V. et monsieur T. - et non à la seule société M.C.M., [...] atténue - voire annihile - le grief d'abus de biens sociaux » et que, « à tout le moins, [....] le caractère illicite de cette convention de prêt n'est pas démontré ».
Contrairement à ce que suppose le moyen, en cette branche, l'arrêt ne fonde pas sa décision sur les seules circonstances que, le contrat de prêt ayant été exécuté par la remise des fonds à la société M.C.M., la défenderesse ne supportait pas la responsabilité de leur affectation ultérieure.

Quant à la deuxième branche :

En énonçant que le fait que « la somme litigieuse a été prêtée à trois co-emprunteurs [...] et non à la seule société M.C.M. [...] atténue - voire annihile - le grief d'abus de biens sociaux », l'arrêt considère que ce grief n'est pas établi.

Quant à la troisième branche :

L'arrêt considère qu'« il devient inopérant de faire droit à [la] demande [avant dire droit de production de documents] dès lors que la solution du litige résulte des considérations ci-avant et que cette production ne pourrait amener la cour [d'appel] à une autre conclusion ».
Il ne suit pas de ces énonciations que l'arrêt refuse de faire droit à la demande de production de documents de la demanderesse en présence d'éléments rendant vraisemblables les faits avancés à l'appui de sa demande.

Le moyen, en chacune de ses branches, manque en fait.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

Suivant l'article 7 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, quiconque est obligé personnellement est tenu de remplir ses engagements sur tous ses biens mobiliers ou immobiliers, présents et à venir et, en vertu de l'article 8 de cette loi, les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers.

Conformément à l'article 1122, alinéa 1er, du Code judiciaire, toute personne qui n'a point été dûment appelée ou n'est pas intervenue à la cause en la même qualité peut former tierce opposition à la décision, même provisoire, qui préjudicie à ses droits et, en vertu de l'alinéa 2, 3°, de cette disposition, néanmoins, le recours n'est ouvert aux créanciers qu'en cas de fraude de leur débiteur ou s'ils peuvent invoquer une hypothèque, un privilège ou tout autre droit distinct de leur droit de créance.
Aux termes de l'article 1124 de ce code, le défaut d'exercice de la tierce opposition ne prive pas le tiers des droits, actions et exceptions qui lui appartiennent.
Il s'ensuit que, si le créancier ne peut former tierce opposition à la décision à laquelle son débiteur était partie et qui affecte le patrimoine de celui-ci qu'en cas de fraude, il ne doit en revanche pas établir l'existence d'une telle fraude lorsque cette décision porte sur le droit même qu'il a à l'égard de ce débiteur.
En relevant que « [la défenderesse] a cité en tierce opposition [...] en vue de l'annulation du jugement du 6 octobre 2014 prononcé par le tribunal de commerce de Nivelles en ce qu'il a déchargé [la demanderesse] des engagements [...] de sûreté personnelle [pris à titre gratuit par] son époux décédé [...] aux droits duquel elle vient, à l'égard de [la défenderesse] », l'arrêt, qui n'était pas tenu de constater l'existence d'une fraude de la demanderesse, justifie légalement sa décision de déclarer recevable la tierce opposition de la défenderesse audit jugement.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Il suit de la réponse à la première branche du moyen que le moyen, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, partant, est irrecevable.

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

En vertu de l'article 80, alinéa 3, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, applicable au litige, sauf lorsqu'elle a frauduleusement organisé son insolvabilité, le tribunal décharge en tout ou en partie la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle du failli lorsqu'il constate que son obligation est disproportionnée à ses revenus et à son patrimoine.
Le caractère gratuit de la sûreté personnelle est l'absence de tout avantage économique, tant direct qu'indirect, que celui qui s'est constitué sûreté personnelle peut retirer par la suite de son engagement.
L'arrêt relève que « monsieur V. en qualité de codébiteur solidaire s'est [...] valablement engagé en qualité de sûreté personnelle » dès lors que, ainsi que cela résulte des « travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 2005, [...] l'article 80, alinéa 3, concerne ‘toute personne qui, par l'effet de sa volonté, est obligée à la dette du failli alors même qu'il n'a pas un intérêt personnel au paiement de celle-ci, c'est-à-dire notamment la caution mais encore le codébiteur qui agit en qualité de sûreté personnelle' » et qu'« il s'agit d'ailleurs de l'application de l'article 1216 du Code civil qui prévoit que si la dette garantie ne concerne que l'un des codébiteurs solidaires, les autres sont considérés dans leur rapport à son égard comme des cautions ».
Après s'être limité à constater que monsieur V. ne bénéficiait directement d'aucun montant résultant du prêt pour lequel il s'était porté codébiteur solidaire, l'arrêt, qui relève que la société « VDS Management, [dont il] était administrateur et manifestement la cheville ouvrière, [celle-ci portant] les premières lettres des trois syllabes composant son nom, [...] a facturé en 2007 pour plus de 41.000 euros » à la société faillie et considère qu'« il est dès lors indiscutable que monsieur V. en s'engageant en qualité de codébiteur solidaire ne s'est pas engagé à titre de pure bienfaisance mais entendait en retirer indirectement un avantage économique dès lors qu'il lui était ainsi possible de facturer à [la société faillie] par le biais de [la] société [VDS Management] et donc de se procurer des revenus », justifie légalement sa décision que « son engagement de sûreté n'était donc pas à titre gratuit ».
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

Il résulte des énonciations reproduites dans la réponse à la première branche du moyen qu'il n'est pas contradictoire de considérer, d'une part, que monsieur V. n'avait pas d'intérêt personnel au paiement de la dette dont il n'avait reçu directement aucun montant, d'autre part, qu'il retirait de son engagement un avantage économique indirect dès lors qu'il garantissait la santé financière de la société faillie à laquelle sa propre société facturait des montants importants.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de six cent nonante-quatre euros dix-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-deux mai deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0169.F
Date de la décision : 22/05/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-05-22;c.19.0169.f ?

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