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15/04/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0389.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 avril 2020, P.20.0389.F


N° P.20.0389.F
D.J.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Christophe Marchand, avocat au barreau de Bruxelles, et Karim Itani, avocat au barreau de Mons.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 mars 2020 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. L

A DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 27, §...

N° P.20.0389.F
D.J.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Christophe Marchand, avocat au barreau de Bruxelles, et Karim Itani, avocat au barreau de Mons.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 31 mars 2020 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 27, § 3, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de la méconnaissance du principe général du droit relatif à l'obligation de motivation.

Quant aux deux premières branches réunies :

En sa première branche, le moyen reproche à l'arrêt de se borner à énoncer que le maintien de la détention préventive du demandeur en prison est absolument nécessaire pour la sécurité publique, alors que dans sa requête de mise en liberté provisoire il invoquait les conséquences de la situation sanitaire actuelle sur sa détention et le risque d'exposition accru au coronavirus Covid-19, et que, en outre, il avait déposé une pièce démontrant son appartenance à une catégorie de personnes vulnérables en raison de la circonstance qu'il souffre de problèmes respiratoires, à savoir d'asthme. Le moyen soutient qu'il appartenait à la cour d'appel de répondre de manière motivée à ces éléments et de justifier l'absolue nécessité pour la sécurité publique au regard de la situation sanitaire en général mais, surtout, de la propre condition médicale du demandeur. Selon le moyen, la cour d'appel ne pouvait pas faire abstraction des dangers que la crise sanitaire consécutive à la pandémie fait courir aux inculpés présentant, comme le demandeur, des problèmes de santé. Le demandeur fait valoir que la cour d'appel devait s'enquérir avec précision des conditions sanitaires dans lesquelles son intégrité physique et morale pouvait être sauvegardée, afin de lui offrir une protection renforcée, exceptionnelle et immédiate dans le cadre de l'obligation positive qui pèse sur les Etats afin d'exclure toute atteinte à l'article 3 de la Convention. Il soutient également qu'en adoptant les motifs du réquisitoire du procureur général, la cour d'appel n'a pas adéquatement motivé sa décision, puisque le ministère public se borne à y mentionner que le demandeur ne souffre pas d'une maladie dont le traitement serait incompatible avec la détention et qu'un tel critère classique ne prend pas en considération le risque d'infection ni l'extrême anxiété qui en résulte dans un endroit confiné comme la prison, particulièrement pour une personne vulnérable.

La deuxième branche du moyen ajoute que l'arrêt, en se bornant à indiquer par des termes abstraits que la cour d'appel se serait appropriée les motifs du réquisitoire du procureur général, sans aucune référence ni à la situation sanitaire exceptionnelle ni à la condition médicale du demandeur, ne fait pas apparaître qu'il a été procédé, pour décider qu'il est absolument nécessaire de maintenir la détention préventive, à un examen actualisé, précis et personnalisé des éléments de la cause ou, à tout le moins, à une mise en balance concrète des différents intérêts en présence.

Il ressort de la requête de mise en liberté provisoire déposée le 27 mars 2020 que le demandeur s'est borné, s'agissant de la crise sanitaire précitée, à invoquer ce qui suit : « Attendu que compte tenu, d'une part de la situation sanitaire actuelle qui rend la poursuite de la détention en milieu carcéral particulièrement peu indiquée et, d'autre part de l'engorgement des cours et tribunaux que ladite situation va susciter, son dossier, qui n'est même pas encore fixé, ne pourra être examiné avant plusieurs mois ».

Il ne ressort pas de cette énonciation, ni des autres considérations de la requête ou des pièces de la procédure, que le demandeur a fait valoir devant la cour d'appel que, comme le soutient le moyen, il était exposé à un risque accru de contamination au coronavirus Covid-19, qu'il souffrait de problèmes respiratoires ou d'asthme, qu'il appartenait à une catégorie de personnes vulnérables, qu'il ressentait une extrême anxiété dans un endroit confiné tel que la prison et que, pour ces motifs, le maintien de sa détention en prison constituait ou risquait de constituer à son égard un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention.

Par adoption des motifs du réquisitoire du ministère public, la cour d'appel a considéré que la situation sanitaire actuelle ne saurait à elle seule entraîner la levée d'un mandat d'arrêt valablement décerné, dès lors que, en effet, le demandeur ne prétend pas souffrir d'une quelconque maladie dont le traitement serait incompatible avec une détention.

Ces motifs tiennent compte tant de l'incidence de la crise sanitaire sur la détention des inculpés ou prévenus que de la situation médicale propre du demandeur. Ainsi, l'arrêt répond, en la rejetant, à la requête de mise en liberté.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Pour le surplus, lorsque, comme en l'espèce, il n'est pas soutenu devant le juge saisi d'une requête de mise en liberté provisoire que le maintien de la mesure de détention contreviendrait aux droits fondamentaux du détenu tels que garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3 de cette convention, ni l'article 27, § 3, alinéa 4, de la loi relative à la détention préventive n'obligent le juge à s'enquérir d'office des conditions sanitaires dans lesquelles l'intégrité physique et morale du détenu est sauvegardée afin de lui offrir une protection renforcée, exceptionnelle et immédiate.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le moyen reproche à l'arrêt de justifier le maintien de la détention préventive en s'appropriant les motifs du réquisitoire du ministère public, alors que ce réquisitoire mentionne que les faits mis à charge du demandeur sont de nature à entraîner une peine dépassant quinze ans de réclusion et que, en conséquence, il se borne à constater l'absolue nécessité pour la sécurité publique, en ne faisant état du risque de récidive qu'à titre subsidiaire. Ainsi, l'arrêt fait apparaître une répétition de motifs issus de la phase antérieure au règlement de la procédure et à la correctionnalisation des faits, qui est incompatible avec le caractère individuel et évolutif de la détention préventive.

En vertu de l'article 16, § 1er, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, si le maximum de la peine applicable ne dépasse pas quinze ans de réclusion, le mandat ne peut être décerné que s'il existe de sérieuses raisons de craindre que l'inculpé, s'il était laissé en liberté, commette de nouveaux crimes ou délits, se soustraie à l'action de la justice, tente de faire disparaître des preuves ou entre en collusion avec des tiers.

Le maximum de la peine applicable énoncé dans cette disposition vise le maximum de la peine prévue par la loi et non le maximum de la peine qui pourrait être prononcée par le juge après la correctionnalisation des faits en raison de l'admission de circonstances atténuantes.

Entièrement fondé sur la prémisse contraire, le moyen manque en droit.

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens réunis :

Le demandeur fait valoir que l'arrêt devait mettre en balance l'absolue nécessité pour la sécurité publique avec le droit du demandeur à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à ses droits fondamentaux tels que garantis par les articles 2, 3 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lus en combinaison avec l'article 5 de la Convention, et également avec l'intérêt public à éviter la propagation d'une épidémie inédite et grave. Les moyens soutiennent qu'en ayant ordonné le maintien de la détention préventive en prison, sans avoir eu égard, après quatorze mois de détention préventive, aux alternatives raisonnables proposées par le demandeur, qui appartient à une catégorie particulièrement vulnérable de détenus, la cour d'appel a violé les dispositions conventionnelles précitées.

En vertu de l'article 27, § 3, alinéa 4, de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la décision de rejet de la requête de mise en liberté provisoire doit être motivée en observant ce qui est prescrit à l'article 16, § 5, alinéas 1er et 2, de cette loi.

Il résulte de ces dispositions que la chambre des appels correctionnels saisie d'une requête de mise en liberté provisoire doit vérifier s'il subsiste des indices sérieux de culpabilité et si les circonstances de fait de la cause et celles liées à la personnalité du prévenu justifient le maintien de la détention préventive eu égard aux critères prévus par l'article 16, § 1er, de la loi. Cette juridiction doit, en outre, répondre aux conclusions du prévenu sur ces points.

Ainsi qu'il a été énoncé dans la réponse au premier moyen, il ne ressort pas des pièces de la procédure que le demandeur a soutenu devant la cour d'appel qu'il appartenait à une catégorie de personnes particulièrement vulnérables et que, en raison de sa situation personnelle, il était actuellement exposé, en raison de la crise sanitaire, à un risque accru de contamination susceptible de constituer un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention, ou, encore, de porter atteinte à son droit à la vie et au respect de sa vie privée et familiale, au sens des articles 2 et 8 de la Convention.

En l'absence d'une telle défense, la cour d'appel ne devait pas, pour motiver régulièrement et justifier légalement sa décision de rejeter la requête de mise en liberté provisoire du demandeur, énoncer les motifs pour lesquels elle n'a pas considéré que les droits fondamentaux du demandeur tels que garantis par les articles 2, 3 et 8 précités, ou encore l'intérêt public à éviter la propagation d'une épidémie inédite et grave, étaient menacés au point que le maintien de la détention préventive n'était plus absolument nécessaire pour la sécurité publique.

Les moyens ne peuvent être accueillis.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-quatre euros trente et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, Filip Van Volsem, Sidney Berneman, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze avril deux mille vingt par Eric de Formanoir, conseiller faisant fonction de président, en présence de Thierry Werquin, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0389.F
Date de la décision : 15/04/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-04-15;p.20.0389.f ?

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