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10/04/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0300.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 avril 2020, C.19.0300.F


N° C.19.0300.F
TALISMAN CONSTRUCTION, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Mouscron, boulevard Industriel, 80, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0660.684.816,
demanderesse en cassation,
admise au bénéfice de l'assistance judiciaire par décision du bureau d'assistance judiciaire du 6 juin 2019 (n° G.19.0063.F),
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre
>1. Damien CATFOLIS, avocat, curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée Tal...

N° C.19.0300.F
TALISMAN CONSTRUCTION, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Mouscron, boulevard Industriel, 80, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0660.684.816,
demanderesse en cassation,
admise au bénéfice de l'assistance judiciaire par décision du bureau d'assistance judiciaire du 6 juin 2019 (n° G.19.0063.F),
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

1. Damien CATFOLIS, avocat, curateur à la faillite de la société à responsabilité limitée Talisman Contruction,
2. COGETRINA, société anonyme, dont le siège est établi à Tournai (Marquain), rue de la Terre à briques, 18, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0402.490.018,
défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Mons.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 28 et 1050, alinéa 1er, du Code judiciaire ;
- articles XX.108, spécialement §§ 2 et 3, alinéas 1er et 4, et, en tant que de besoin, XX.106 et XX.107 du Code de droit économique.

Décisions et motifs critiqués

Après avoir relevé que la demanderesse a « été déclarée en faillite par un jugement [rendu par défaut] prononcé par le tribunal de commerce [...] le 23 octobre 2018 à la requête de la défenderesse », que ce jugement a été signifié le 2 novembre 2018 et que la demanderesse a relevé appel de cette décision par une requête déposée au greffe de la cour d'appel le 12 décembre 2018, l'arrêt dit cet appel irrecevable et condamne la demanderesse aux dépens, aux motifs suivants :
« La [demanderesse] considère que son appel est recevable car il a été formé dans les quinze jours de la publication au Moniteur belge. La seule circonstance que le délai d'opposition était expiré n'exclut pas qu'elle puisse encore faire appel ;
Les conditions de recevabilité d'un appel sont identiques à une demande originaire tandis qu'elles s'apprécient avant que la décision soit passée en force de chose jugée (G. de Leval et H. Boularbah, Droit judiciaire - Manuel de procédure civile, t. 2, Larcier, 2015, 774) ;
La signification du jugement a eu lieu le 2 novembre 2018 selon toutes les parties et sans contestation ;
L'article XX.108 du Code de droit économique prévoit, en son paragraphe 2, que ‘le jugement est susceptible d'opposition par les parties défaillantes et de tierce opposition de la part des intéressés qui n'y ont pas été parties' ;
En ce cas, selon le paragraphe 3, l'opposition n'est recevable que si elle est formée dans les quinze jours de la signification du jugement ;
Le délai pour former appel du jugement est de quinze jours à compter de la publication de la faillite au Moniteur belge visée à l'article XX.107 ;
Or, la [demanderesse] était défaillante devant les premiers juges et le jugement entrepris a été prononcé par défaut. Étant partie défaillante, la voie de l'opposition lui était ouverte, ce qu'elle n'a pas fait dans le délai requis à l'article XX.108, § 3, à partir de la signification ;
Une décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel, selon l'article 28 du Code judiciaire ;
La [demanderesse] soutient qu'elle n'a pas formé opposition mais qu'il subsiste l'appel, le ‘ou' inclus dans l'article 28 du Code judiciaire lui offrant ces voies de recours ordinaires. Or, il faut au contraire comprendre de l'article 28 du Code judiciaire qu'une décision passe en force de chose jugée dès lors qu'elle n'est plus susceptible de l'une ou l'autre des voies de recours - et non pas l'une et l'autre. Le ‘ou' présente un caractère exclusif, et non cumulatif.
En l'espèce, le jugement entrepris a été signifié le [2] novembre 2018, il n'est plus susceptible d'opposition et, par conséquent, il est passé en force de chose jugée ;
Par conséquent, l'appel formé le 12 décembre 2018 est fait hors délai et il est irrecevable ».

Griefs

1. D'une part, un jugement ne passe en force de chose jugée que s'il n'est plus susceptible ni d'opposition ni d'appel (article 28 du Code judiciaire).
D'autre part, suivant l'article 1050, alinéa 1er, du Code judiciaire, « en toutes matières, l'appel peut être formé dès la prononciation du jugement, même si celui-ci a été rendu par défaut ».
Enfin, l'article XX.108, §§ 2 et 3, alinéa 1er, du Code de droit économique prévoit que la partie défaillante à un jugement déclaratif de faillite peut faire opposition à celui-ci dans les quinze jours de sa signification prescrite à l'article XX.106 de ce code, tandis que l'article XX.108, § 3, alinéa 4, du même code énonce que le délai pour former appel du jugement de faillite « est de quinze jours à compter de la publication de la faillite au Moniteur belge visée à l'article XX.107 ».

2. Il suit de la combinaison de ces dispositions que le failli défaillant peut, à son option, soit former opposition dans les quinze jours de la signification du jugement qui le déclare en faillite, soit faire appel de celui-ci dans les quinze jours de sa publication conformément à l'article XX.107 du Code de droit économique (articles 1050, alinéa 1er, du Code judiciaire et XX.108, §§ 2 et 3, alinéas 1er et 4, du Code de droit économique), sans que l'expiration du délai d'opposition l'empêche de faire appel dans le délai légal ou, à l'inverse, que l'expiration du délai d'appel l'empêche de faire opposition si le délai d'opposition n'est pas encore expiré (articles 28 et 1050, alinéa 1er, du Code judiciaire et XX.108, §§ 2 et 3, alinéas 1er et 4, du Code de droit économique).
3. La demanderesse faisait valoir dans ses conclusions après mise en continuation que le jugement de faillite rendu par défaut le 23 octobre 2018 avait été publié au Moniteur belge du 29 novembre 2018, en sorte que son appel formé par requête déposée au greffe de la cour d'appel le 12 [décembre] 2018 était recevable, le délai d'opposition fût-il expiré en raison de la signification du jugement déclaratif du 2 novembre 2018.
4. L'arrêt, qui ne dénie pas que le jugement déclaratif de faillite n'a été publié au Moniteur belge que le 29 novembre 2018 et qui constate que la requête d'appel de la demanderesse a été déposée le 12 décembre suivant, donc dans les quinze jours de la publication, n'a pu légalement déclarer l'appel de la demanderesse irrecevable au motif que son appel a été formé après l'expiration du délai d'opposition, en sorte que le jugement entrepris était passé en force de chose jugée, car il faut « comprendre de l'article 28 du Code judiciaire qu'une décision passe en force de chose jugée dès lors qu'elle n'est plus susceptible de l'une ou l'autre des voies de recours [ordinaires] - et non pas l'une et l'autre », le « ou » présentant « un caractère exclusif, et non cumulatif ».
Ce faisant, en effet, l'arrêt
1° confère à l'article 28 du Code judiciaire une portée qu'il n'a pas, une décision ne passant en force de chose jugée que si elle n'est plus susceptible ni d'opposition ni d'appel (violation dudit article 28 du Code judiciaire) ;

2° viole les articles 1050, alinéa 1er, du Code judiciaire et XX.108, §§ 2 et 3, alinéas 1er et 4, du Code de droit économique, dont il résulte que le failli défaillant peut, après l'expiration du délai d'opposition, former appel contre le jugement déclaratif de faillite, si le délai d'appel n'est pas expiré.
Il n'est donc pas légalement justifié (violation de toutes les dispositions visées au moyen).

III. La décision de la Cour

Aux termes de l'article 28 du Code judiciaire, toute décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible d'opposition ou d'appel, sauf les exceptions prévues par la loi et sans préjudice des effets des recours extraordinaires.
Il suit de cette disposition qu'une décision ne passe pas en force de chose jugée tant qu'elle demeure susceptible d'opposition ou d'appel.
En vertu de l'article XX.108, § 2, du Code de droit économique, le jugement déclaratif de faillite est susceptible d'opposition par les parties défaillantes.
Suivant l'article XX.108, § 3, alinéa 1er, de ce code, l'opposition n'est recevable que si elle est formée dans les quinze jours de la signification du jugement.
L'article XX.108, § 3, alinéa 4, du même code dispose que le délai pour former appel du jugement est de quinze jours à compter de la publication au Moniteur belge visée à l'article XX.107.
L'arrêt constate que le jugement déclarant la faillite de la demanderesse a été rendu par défaut à l'égard de celle-ci le 23 octobre 2018, qu'il lui a été signifié le 2 novembre 2018 et qu'elle en a relevé appel le 12 décembre 2018.
En considérant, sans avoir égard à la date à laquelle le jugement déclarant la faillite a été publié au Moniteur belge, que « les conditions de recevabilité d'un appel [...] s'apprécient avant que la décision soit passée en force de chose jugée », qu'une décision passe en force de chose jugée dès qu'elle n'est plus susceptible « de l'une ou l'autre des voies de recours » visées à l'article 28 du Code judiciaire, que, la demanderesse n'ayant pas usé « de la voie de l'opposition qui lui était ouverte », le jugement déclaratif de sa faillite « est passé en force de chose jugée » et que, « par conséquent », l'appel a été « fait hors délai » et « est irrecevable », l'arrêt viole les articles 28 du Code judiciaire et XX.108, § 3, alinéa 4, du Code de droit économique.
Le moyen est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liège.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du dix avril deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0300.F
Date de la décision : 10/04/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-04-10;c.19.0300.f ?

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