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10/04/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0240.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 avril 2020, C.18.0240.F


N° C.18.0240.F
1. T. A. et
2. P. G.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

1. CORPORATE SERVICES GROUP, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Rhode-Saint-Genèse, place Royale, 24-26,
défenderesse en cassation,
2. SEB LIFE INTERNATIONAL ASSURANCE COMPANY DESIGNATED ACTIVITY COMPANY, anciennement dénommée Seb Life International Assurance Company Limited, soc

iété de droit irlandais, ayant son siège en Irlande,
défenderesse en cassation,
représentée par Ma...

N° C.18.0240.F
1. T. A. et
2. P. G.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

1. CORPORATE SERVICES GROUP, société à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Rhode-Saint-Genèse, place Royale, 24-26,
défenderesse en cassation,
2. SEB LIFE INTERNATIONAL ASSURANCE COMPANY DESIGNATED ACTIVITY COMPANY, anciennement dénommée Seb Life International Assurance Company Limited, société de droit irlandais, ayant son siège en Irlande,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,
3. SOCIÉTÉ BELGE DE GESTION D'ASSURANCES, en abrégé Sobegas, société coopérative, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Belliard, 4-6,
défenderesse en cassation ou, à tout le moins, partie appelée en déclaration d'arrêt commun,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent quatre moyens.

III. La décision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la société Sobegas en sa qualité de défenderesse et déduite de l'absence d'un lien d'instance entre elle-même et les demandeurs devant le juge du fond :

L'arrêt attaqué, qui met à néant le jugement entrepris, dit la demande des demandeurs à l'égard des première et deuxième défenderesses non fondées et dit en conséquence les demandes en garantie de ces dernières contre la société Sobegas sans objet.
Si aucune demande n'a été formée entre les demandeurs et la société Sobegas, celle-ci a toutefois conclu devant les juges d'appel au non-fondement de leur demande.
Il existait dès lors une instance liée entre ces parties.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

Dans leurs conclusions, les demandeurs soutenaient, sous le titre « nullité du contrat d'assurance-vie - contrariété à l'ordre public », que ce contrat devait être annulé au motif que la nomination de la première défenderesse comme représentant de l'assuré constituait un élément essentiel du contrat d'assurance et que la contrariété à l'ordre public de la nomination d'un représentant qui ne disposait pas de l'agrément requis entachait de nullité le contrat d'assurance en sorte que la deuxième défenderesse était tenue des conséquences de cette annulation, in solidum avec la première défenderesse, pour avoir fautivement confié la mission de conseiller à une personne non agréée.
Il suit de ces énonciations que les demandeurs invoquaient le défaut d'agrément pour fonder leur demande d'annulation du contrat d'assurance et de condamnation de la deuxième défenderesse à prendre en charge les conséquences de cette annulation et non pour fonder une demande autonome d'indemnisation fondée sur la responsabilité extracontractuelle de cette dernière.
Dans la mesure où il repose sur une hypothèse contraire, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Pour le surplus, l'arrêt, qui considère que la première défenderesse « est tiers par rapport au contrat d'assurance-vie litigieux qui ne lie que [les demandeurs] et [la deuxième défenderesse] », que ces derniers « ne peuvent être suivis lorsqu'ils prétendent que, [...] sans désignation d'un représentant, le contrat n'aurait pu être conclu faute de sélectif des actifs sous-jacents » dès lors que « la nomination d'un représentant ne constitue qu'une faculté pour le preneur d'assurance qui peut sélectionner seul les actifs » en sorte que « la capacité et les compétences de [la première défenderesse], tiers au contrat d'assurance-vie, ne constituent pas un élément essentiel dudit contrat et ne pourraient dès lors avoir de conséquence sur la validité de celui-ci », n'était pas tenu de répondre aux conclusions des demandeurs qui invoquaient une faute de la deuxième défenderesse pour avoir confié la mission de conseiller en investissement à une personne non agréée l'obligeant à réparer les conséquences de la nullité du contrat d'assurance, que sa décision de rejet de cette nullité privait de pertinence. Il ne devait pas davantage examiner, en raison de l'objet de la demande des demandeurs, si le fait pour la deuxième défenderesse de s'adresser à la première défenderesse constituait une faute susceptible de causer un dommage autre que celui qui résulte de l'annulation du contrat.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la première branche :

Les considérations vainement critiquées par la seconde branche du moyen suffisent à fonder la décision de l'arrêt de rejeter la demande d'annulation du contrat d'assurance en raison du défaut d'agrément de la première défenderesse.
Dirigé contre des considérations surabondantes, le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d'intérêt, partant, irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

1. Aux termes de l'article 3, § 1er, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
L'article 3, § 3, de la directive dispose que l'annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives.
L'annexe vise, en son point 1 q), les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d'entraver l'exercice d'actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en limitant indûment les moyens de preuve à la disposition du consommateur ou en imposant à celui-ci une charge de preuve qui, en vertu du droit applicable, devrait revenir normalement à une autre partie au contrat.
Les considérants de la directive précisent qu'« en l'état actuel des législations nationales, seule une harmonisation partielle est envisageable » et qu'« il importe de laisser la possibilité aux États membres, dans le respect du traité, d'assurer un niveau de protection plus élevé au consommateur au moyen de dispositions nationales plus strictes que celles de la [...] directive », qu'« il est nécessaire de fixer de façon générale les critères d'appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles » dont « l'exigence de bonne foi » constitue « un moyen d'évaluation globale des différents intérêts impliqués » et que, « pour les besoins de [...] la directive, la liste des clauses figurant en annexe ne saurait avoir qu'un caractère indicatif et que, en conséquence du caractère minimal, elle peut faire l'objet d'ajouts ou de formulations plus limitatives notamment en ce qui concerne la portée de ces clauses par les États membres dans le cadre de leur législation ».
Il s'ensuit, sans aucun doute raisonnable, d'une part, qu'en se référant aux notions de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et de bonne foi, l'article 3, § 1er, de la directive ne définit que de manière abstraite les éléments qui confèrent à une clause contractuelle un caractère abusif et qu'il appartient au juge de se prononcer sur l'application de ces critères généraux à une clause particulière en fonction des circonstances propres au cas d'espèce, d'autre part, qu'une clause figurant dans l'annexe ne doit pas nécessairement être considérée comme abusive.
2. Selon l'article 31, § 1er, de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur, applicable au litige, qui transpose l'article 3, § 1er, précité de la directive, il faut entendre par clause abusive toute clause ou condition qui, à elle seule ou combinée avec une ou plusieurs autres clauses ou conditions, crée un déséquilibre manifeste entre les droits et les obligations des parties.
L'article 32 de la loi contient une liste de clauses ou conditions, ou combinaison de celles-ci, qui, lorsqu'elles sont insérées dans les contrats conclus entre un vendeur et un consommateur, sont abusives, dont au point 18, celles ayant pour objet de limiter les moyens de preuve que le consommateur peut utiliser.
Le législateur a ainsi fait le choix, au-delà de ce qui était imposé par la directive précitée, d'arrêter une liste contraignante de clauses abusives.
Il s'ensuit que ces clauses ne peuvent être interprétées à la lumière de la finalité de la directive et pour atteindre le résultat visé par celle-ci, et que l'interdiction de la clause limitant les moyens de preuve du consommateur prévue à l'article 32.18 ne peut être étendue à celle qui impose un renversement de la charge de la preuve au détriment du consommateur comme prévu au point 1 q) de l'annexe de la directive précitée.
Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, dans la mesure où il soutient que la clause opérant un renversement de la charge de la preuve au détriment du consommateur est abusive au sens de l'article 31, § 1er, précité en ce qu'elle crée un déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties, il invite la Cour à procéder à une appréciation des faits, ce qui n'est pas en son pouvoir.
Et la violation prétendue des autres dispositions légales est tout entière déduite de celle vainement alléguée des articles 31, § 1er, et 32.18 précités.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

Après avoir relevé que « [les demandeurs] font grief [à la première défenderesse] d'avoir méconnu l'article 12 de la loi du 27 mars 1995 dès lors qu'elle n'aurait pas indiqué de quelle manière elle avait fondé ses conseils ni les raisons pour lesquelles elle avait choisi un fonds dédié et sélectionné les actifs sous-jacents [et] en déduisent que les choix de [la première défenderesse] ont été guidés par [ses] intérêts », l'arrêt énonce que cette dernière « a établi au mois de novembre 2007 un document intitulé ‘financial asset management' dans lequel elle décrit notamment les objectifs financiers, précise la répartition conseillée et présélectionne certains actifs » et que, « à la suite de l'établissement de ce document et avant la souscription de la police, différents entretiens ont eu lieu entre [la première défenderesse] et [le demandeur] qui s'est notamment vu communiquer la fiche des différents fonds sélectionnés le 30 novembre 2007 ». Il en déduit que les griefs des demandeurs sont « de pures suppositions ».
L'arrêt, qui considère que les informations requises ont été communiquées par écrit aux demandeurs, répond en les contredisant aux conclusions des demandeurs qui soutenaient le contraire.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen, qui, en cette branche, se borne à énoncer que le document litigieux « comporte essentiellement des données chiffrées à l'exclusion des raisons qui motivent le conseil donné », sans indiquer en quoi l'appréciation contraire de l'arrêt, qui se fonde sur la description des « objectifs financiers », l'indication de « la répartition conseillée et [la présélection de] certains actifs », serait inconciliable avec les termes de ce document et violerait l'article 12bis de la loi précitée du 27 mars 1995, est imprécis, partant, irrecevable.

Quant à la troisième branche :

Il suit des énonciations reproduites dans la première branche du moyen que l'arrêt considère que les informations ont été communiquées par écrit et ont pour le surplus été discutées entre les parties.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le quatrième moyen :

L'arrêt relève, sous le titre « quant à la responsabilité [des deuxième et première défenderesses] », que « [les demandeurs] font grief [...] de ne pas avoir respecté une série de dispositions légales et d'avoir ainsi manqué à [leur] devoir de mise en garde, de conseil et d'information ». Par les considérations de ses pages 18 à 24, il examine « les différentes dispositions légales qui, selon les [demandeurs], n'auraient pas été respectées [...] et l'incidence d'un éventuel manquement constaté » et en déduit que « [les demandeurs] restent en défaut d'établir que [la deuxième défenderesse ou la première défenderesse] auraient commis une faute en lien causal avec le dommage dont ils sollicitent réparation ».
L'arrêt, qui exclut la faute consistant en un manquement au devoir de conseil, répond, en les contredisant, aux conclusions des demandeurs reproduites au moyen.
Le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille deux cent vingt-huit euros cinquante-trois centimes envers les parties demanderesses, y compris la contribution au fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, limitée à vingt euros, et à la somme de trois cents euros quarante-six centimes envers la troisième partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du dix avril deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0240.F
Date de la décision : 10/04/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 29/04/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-04-10;c.18.0240.f ?

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