La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2020 | BELGIQUE | N°P.20.0189.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 mars 2020, P.20.0189.F


N° P.20.0189.F
T. G. T.
étranger,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pachéco, 44,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un m

oyen dans un mémoire déposé au greffe le 11 février 2020.
A l'audience du 11 mars 2020, le conseill...

N° P.20.0189.F
T. G. T.
étranger,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Dominique Andrien, avocat au barreau de Liège,

contre

ETAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, et de l'Asile et la Migration, dont les bureaux sont établis à Bruxelles, boulevard Pachéco, 44,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 4 février 2020 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire déposé au greffe le 11 février 2020.
A l'audience du 11 mars 2020, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport, l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu et le demandeur a déposé une note en réponse.

II. LES FAITS

Le demandeur a introduit des demandes de protection internationale en Allemagne et en Suisse. Après avoir été transféré vers la Suisse le 13 mai 2019, il est revenu en Belgique et y a introduit une nouvelle demande de protection internationale.

Le 14 janvier 2020, le demandeur s'est vu notifier une décision de maintien dans un lieu déterminé pour la durée nécessaire à la mise en œuvre du transfert vers l'Allemagne, Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale.

Le 17 janvier 2020, le demandeur a introduit un recours contre cette mesure privative de liberté en déposant une requête auprès de la chambre du conseil du tribunal correctionnel de Liège.

Par une ordonnance du 24 janvier 2020, la chambre du conseil a déclaré la requête du demandeur recevable et fondée. Elle a ordonné sa remise en liberté aux motifs que, durant la procédure devant la chambre du conseil, il n'avait pas été assisté d'un interprète en tigrigna et que ses droits de la défense avaient été méconnus.

L'arrêt attaqué statue sur l'appel du défendeur contre cette ordonnance. Il déclare le recours fondé et ordonne le maintien du demandeur à la disposition de l'Office des étrangers.

Le 18 février 2020, le demandeur a été transféré vers l'Allemagne.

III. LA DÉCISION DE LA COUR

Dans sa note en réponse aux conclusions du ministère public, le demandeur soutient que le pourvoi ne peut être déclaré sans objet au motif qu'il a été transféré à l'Etat membre chargé de l'examen de sa demande de protection internationale. S'appuyant sur les articles 5.1 et 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il fait valoir qu'une telle décision reviendrait à permettre à l'autorité compétente d'empêcher la juridiction saisie de se prononcer sur le recours formé par l'étranger contre la mesure de détention dont il a fait l'objet, ce qui serait contraire au droit à un procès équitable et au principe de l'égalité des armes, et aurait pour effet de priver l'étranger de son droit à un recours effectif contre cette mesure.

En vertu des articles 71 à 74 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, la chambre du conseil et, en degré d'appel, la chambre des mises en accusation, sont chargées de vérifier si la mesure privative de liberté et d'éloignement du territoire est conforme à la loi et, si tel n'est pas le cas, d'ordonner la remise en liberté de l'étranger qui en fait l'objet. Ces juridictions ne sont pas compétentes pour se prononcer uniquement sur la légalité d'une mesure privative de liberté en vertu de laquelle l'étranger n'est plus détenu, lorsque soit l'étranger est détenu en vertu d'un nouveau titre autonome de privation de liberté qui est distinct de celui visé par le recours dont ces juridictions ont été saisies, soit a été remis en liberté, rapatrié, ou transféré vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande de protection internationale.

Les dispositions conventionnelles et les principes invoqués par le demandeur seraient méconnus si, après que la chambre du conseil, la chambre des mises en accusation ou la Cour de cassation ont constaté que la requête de mise en liberté est devenue sans objet en raison de la circonstance que l'étranger n'est plus détenu en vertu de la décision de rétention contre laquelle la requête est dirigée, il était privé d'un recours effectif pour faire constater l'éventuelle illégalité de cette décision et obtenir la réparation du dommage subi en raison de cette illégalité.

L'article 27 de la loi du 13 mars 1973 relative à l'indemnité en cas de détention préventive inopérante dispose :
« § 1er. Un droit à réparation est ouvert à toute personne qui a été privée de sa liberté dans des conditions incompatibles avec les dispositions de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 18 mai 1955.
§ 2. L'action est portée devant les juridictions ordinaires dans les formes prévues par le Code judiciaire et dirigée contre l'Etat belge en la personne du Ministre de la justice ».

L'article 27 de la loi du 13 mars 1973 permet à l'étranger qui a fait l'objet d'une mesure privative de liberté dans des conditions incompatibles avec les dispositions de l'article 5 de la Convention de faire constater l'illégalité de sa détention et d'obtenir la réparation de l'entièreté du dommage qu'il a subi, en ce compris le dommage moral.

La notion de « privation de liberté » visée à cette disposition couvre, en effet, non seulement toute mesure de détention préventive prise à l'égard d'une personne soupçonnée d'avoir commis un crime ou un délit, mais également toutes les autres formes de détention judiciaire ou administrative, dont notamment les mesures de rétention prises en vertu des dispositions applicables de la loi du 15 décembre 1980. A cet égard, l'article 27 ne requiert pas que, préalablement à l'exercice de l'action en réparation, l'illégalité de la détention soit constatée par une décision judiciaire antérieure.

Ni l'article 5.4 de la Convention, ni le principe général du droit à un procès équitable, en ce compris le principe de l'égalité des armes, ni le droit à un recours effectif, ne font obstacle à ce que le législateur juge plus approprié, tant que l'étranger est détenu en vertu de la mesure privative de liberté visée par son recours, que le contrôle de légalité de la détention soit confié à la chambre du conseil et à la chambre des mises en accusation statuant à bref délai conformément, en règle, aux dispositions légales relatives à la détention préventive, tandis que lorsque l'étranger a été libéré ou n'est plus détenu en vertu de ce titre, le constat de l'illégalité éventuelle de la détention subie et la question de la réparation du dommage causé par cette détention ressortissent aux juridictions ordinaires en vertu de l'article 27 de la loi du 13 mars 1973, précité.

Dès lors que le demandeur dispose du droit de faire constater l'illégalité alléguée de sa privation de liberté fondée sur le titre dont il a précédemment fait l'objet et d'obtenir la réparation du dommage subi en raison de cette détention, la décision constatant que le recours introduit contre cette mesure devant les juridictions d'instruction est devenu sans objet n'est pas contraire aux dispositions conventionnelles et aux principes invoqués.

La mesure privative de liberté visée par le recours du demandeur ayant pris fin en raison de son transfert à l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande de protection internationale, le pourvoi est devenu sans objet.

Il n'y a pas lieu d'avoir égard au moyen invoqué dans le mémoire du demandeur, étranger à la circonstance que le pourvoi est devenu sans objet.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Laisse les frais à charge de l'Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante et un euros quatre-vingts centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.20.0189.F
Date de la décision : 25/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-25;p.20.0189.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award