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25/03/2020 | BELGIQUE | N°P.19.1306.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 mars 2020, P.19.1306.F


N° P.19.1306.F
I. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,

contre

1. EL G. B.
2. M. D.
3. B. A.
4. D. D.
prévenus,
défendeurs en cassation,

II. AJ. A.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Véronique Laurent et Marc-Léon Levaux, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le premier demandeur

fait valoir cinq moyens et le deuxième en invoque deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée...

N° P.19.1306.F
I. LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE LIEGE,
demandeur en cassation,

contre

1. EL G. B.
2. M. D.
3. B. A.
4. D. D.
prévenus,
défendeurs en cassation,

II. AJ. A.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Véronique Laurent et Marc-Léon Levaux, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 13 novembre 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le premier demandeur fait valoir cinq moyens et le deuxième en invoque deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. Sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Liège :

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Quant à la première branche :

Le demandeur reproche à l'arrêt d'écarter des débats « tous les procès-verbaux d'enquête dans lesquels l'enquêteur D. B. et/ou ses collègues namurois sont intervenus », sans faire référence à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Selon le moyen, la cour d'appel a ainsi méconnu l'obligation de motivation de cette décision et l'a privée de base légale.

Aucune disposition légale n'impose au juge qui décide la nullité ou l'écartement d'un élément de preuve de mentionner l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Fondé sur la prémisse contraire, le moyen manque en droit.

Quant aux deuxième et troisième branches :

Le moyen soutient que la cour d'appel, pour écarter les procès-verbaux précités, s'est limitée à constater que certains enquêteurs avaient violé la présomption d'innocence et manqué à leur devoir de loyauté, sans avoir vérifié concrètement si ces irrégularités avaient entaché la fiabilité des preuves ou si l'usage de celles-ci était contraire au droit à un procès équitable, ainsi que l'exige l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale lorsque l'irrégularité ne consiste pas dans le non-respect de conditions formelles prescrites à peine de nullité.

Les juges d'appel ont d'abord considéré que « c'est à bon droit que les prévenus, suivis en cela par les premiers juges, concluent que les enquêteurs ont été, dès l'origine, habités de la conviction de la réalité des faits infractionnels dans leurs chefs et que, partant, la présomption d'innocence et les droits de la défense ont été, de manière répétée, sérieusement bafoués par certains enquêteurs, ces violations constituant des actes déloyaux qui doivent être écartés des débats ».

L'arrêt précise que « ce constat ressort encore des éléments suivants », en substance :
- la rapidité avec laquelle les policiers ont orienté leurs recherches en direction des premier, troisième et quatrième défendeurs et d'A.A. sur la base de la téléphonie brute qui fait partie des pièces à conviction et qui est difficile à interpréter de manière univoque, certaine et objective ;
- les questions posées lors des premiers interrogatoires, qui décrivent de manière péremptoire le rôle coupable attribué à chacun d'eux ;
- le refus d'opérer une comparaison faciale entre le premier défendeur et la personne apparaissant sur l'image de vidéo-surveillance comme le meneur de la bande, alors qu'il n'a pas été reconnu par les victimes lors de la présentation cachée du premier panel de photos le 15 juin 2017, qu'il a expressément demandé l'accomplissement de ce devoir et que cette technique a été utilisée pour le prévenu A. ; au sujet de cette présentation cachée de photographies, l'arrêt précise que l'enquêteur n'en a dressé procès-verbal que le 12 juillet 2018, en exécution du jugement avant dire droit demandant si des albums photos comprenant celles des prévenus avaient ou non été présentés aux victimes et, dans l'affirmative, à quelle date ;
- la méthode consistant à ne présenter aux victimes que des photos de personnes suspectées, qui n'est pas acceptable ;
- l'interprétation du refus de collaborer à l'enquête comme étant une preuve de culpabilité ;
- le fait d'effectuer une perquisition en l'absence de l'occupant de l'habitation, alors qu'il était disponible.

Les juges d'appel ont ensuite considéré qu'il en ressortait « une impression de profond malaise quant aux conditions dans lesquelles les éléments de preuve ont été recueillis et quant à l'accumulation de lacunes dans l'instruction, ce qui laisse planer l'hypothèse que l'on voulait des coupables à tout prix parce que les faits étaient crapuleux, en manière telle que les hypothèses de travail sont vite devenues des affirmations péremptoires des enquêteurs namurois qui n'ont eu de cesse de démontrer le bien-fondé de leur conviction en affirmant tout au long de leurs procès-verbaux que les quatre prévenus ‘sont coupables de', ‘avancent de soi-disant alibis' pour se disculper, etc.. » et que, « par conséquent [...], ce sont tous les procès-verbaux dans lesquels l'enquêteur Bodson et/ou ses collègues namurois sont intervenus qui sont viciés et pollués de manière irrémédiable, en manière telle qu'ils doivent tous être écartés des débats ».

En ayant, par ces motifs, considéré que les procès-verbaux relatant des éléments de preuve recueillis dans les conditions décrites étaient « viciés et pollués de manière irrémédiable », la cour d'appel a vérifié concrètement si les irrégularités commises avaient entaché leur fiabilité, et a constaté que tel était le cas.

Le moyen manque en fait.

Quant à la quatrième branche :

Le moyen fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir mis en balance l'intérêt de l'individu à ce que les preuves à sa charge soient recueillies régulièrement et le poids de l'intérêt public à la poursuite de l'infraction.

Par les motifs énoncés dans la réponse aux deux précédentes branches du moyen, les juges d'appel ont considéré que les irrégularités commises avaient entaché la fiabilité des éléments de preuve recueillis dans les conditions décrites. Par conséquent, ils ne devaient plus, pour justifier légalement leur décision à la lumière de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, vérifier si l'usage de ces éléments était contraire au droit à un procès équitable, notamment en prenant en compte l'intérêt de la société à la répression de l'infraction.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la cinquième branche :

Le demandeur reproche à la cour d'appel d'avoir écarté indistinctement tous les procès-verbaux d'enquête dans lesquels sont intervenus les enquêteurs précités, sans avoir désigné avec précision les preuves qu'elle entendait frapper de nullité, ni expliqué concrètement en quoi les irrégularités commises ont entaché la fiabilité de tous les éléments de preuve relatés dans les procès-verbaux écartés, ni en quoi leur usage est contraire au droit à un procès équitable. Le moyen ajoute que les motifs de l'arrêt ne permettent pas de comprendre les raisons qui ont entraîné l'exclusion de procès-verbaux « neutres », comme par exemple ceux qui se limitent à relater le dépôt au greffe d'une pièce à conviction ou la restitution d'un objet.

Ainsi qu'il est exposé dans la réponse aux deuxième et troisième branches du moyen, les juges d'appel ont considéré que tous les procès-verbaux d'enquête des enquêteurs précités étaient irrémédiablement « viciés et pollués » parce que ces enquêteurs ont été, dès l'origine, habités de la conviction que les défendeurs étaient les auteurs de l'attaque, voulaient à tout prix désigner des coupables et n'ont cessé de démontrer le bien-fondé de leur conviction en affirmant la culpabilité des défendeurs tout au long de leurs procès-verbaux.

Après avoir constaté que, pour ces raisons, l'ensemble des procès-verbaux d'enquête de ces policiers étaient dépourvus de fiabilité, la cour d'appel ne devait plus, pour justifier légalement sa décision, désigner chacun des éléments de preuve mentionnés dans les procès-verbaux écartés.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

En tant qu'il soutient que l'arrêt n'explique pas concrètement en quoi les irrégularités commises auraient entaché la fiabilité des éléments de preuve recueillis par les enquêteurs, ou que l'arrêt ne vérifie pas si l'usage de ces éléments est contraire au droit à un procès équitable, le moyen, en cette branche, réitère les griefs vainement invoqués dans les deuxième et troisième branches.

A cet égard, le moyen est irrecevable.

Par ailleurs, en ayant décidé qu'ils fonderaient leur conviction sur les procès-verbaux relatant « des éléments bruts, objectifs, non viciés par les supputations et interprétations des enquêteurs », qu'ils ont limitativement énumérés aux feuillets 29 et 30 de l'arrêt, les juges d'appel ont indiqué les procès-verbaux « neutres » qu'ils n'ont pas écartés.

A cet égard, le moyen manque en fait.

Pour le surplus, en tant qu'il critique l'appréciation souveraine en fait de la cour d'appel quant à l'étendue de l'effet des irrégularités constatées sur la fiabilité des éléments de preuve rassemblés par les enquêteurs, le moyen est irrecevable.
Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

Selon le moyen, la décision d'écarter tous les procès-verbaux dans lesquels l'enquêteur précité ou ses collègues namurois sont intervenus est ambiguë car elle ne permet pas de savoir si elle vise uniquement les rédacteurs ou intervenants qui appartiennent au même service de police que cet enquêteur, c'est-à-dire la police judiciaire fédérale de Namur, ou si elle englobe également les opérateurs du laboratoire de police technique et scientifique de ce service, ou encore les policiers locaux ou fédéraux exerçant leur fonction à Namur.

L'ambiguïté de la motivation s'entend du motif susceptible de deux interprétations, l'une dans laquelle le considérant critiqué est légal, et l'autre dans laquelle il ne l'est pas.

Tel qu'invoqué par le demandeur, le grief est étranger à l'ambiguïté de la motivation comme cas d'ouverture à cassation.

Le moyen est irrecevable.

Quant à la deuxième branche :

Il n'est pas contradictoire d'énoncer que « certains enquêteurs » ont méconnu la présomption d'innocence et manqué à leur devoir de loyauté, et d'écarter tous les procès-verbaux rédigés par « D. B. et/ou ses collègues namurois ».

Le moyen manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Le demandeur soutient qu'il est contradictoire, d'une part, d'écarter tous les procès-verbaux dans lesquels le policier mentionné ou ses collègues namurois sont intervenus et, d'autre part, de maintenir dans le débat le procès-verbal actant les premières déclarations des victimes du home invasion, qui est également rédigé par des membres de la police judiciaire fédérale de Namur, c'est-à-dire des « collègues namurois ». Il en va de même pour les constatations du laboratoire de police technique et scientifique, qui fait partie de ce service de police.

Il n'est pas contradictoire, d'une part, d'écarter tous les procès-verbaux auxquels des policiers ont participé, au motif que leur manque d'impartialité et de loyauté a entaché la fiabilité des éléments de preuve qu'ils ont rassemblés et, d'autre part, de considérer ensuite que, néanmoins, certains procès-verbaux de ces mêmes policiers ne doivent pas être écartés dès lors qu'ils se bornent à relater des constatations brutes, réalisées sur le lieu des faits le jour où ils ont été commis ou le lendemain, qui n'ont pas été altérées par les irrégularités commises.

Le moyen manque en fait.

Sur le troisième moyen :

Il n'est pas contradictoire, d'une part, de décider en application de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale que des éléments de preuve obtenus irrégulièrement doivent être écartés parce que leur fiabilité est entachée, et, d'autre part, de considérer, ces éléments étant écartés, que l'irrégularité commise n'a pas irrémédiablement eu pour effet d'empêcher la poursuite de la procédure sur la base exclusive d'autres éléments de preuve précisément désignés, qui n'ont pas été obtenus de manière irrégulière.

Le moyen manque en fait.

Sur le quatrième moyen :

Parmi les circonstances dont la cour d'appel a déduit que les enquêteurs avaient méconnu la présomption d'innocence et manqué à leur devoir de loyauté, l'arrêt mentionne le fait que « toute comparaison faciale sera néanmoins refusée [au premier défendeur] qui le sollicite pourtant expressément sur la base du procès-verbal des enquêteurs qui indiquent qu'elle est impossible, ce qui interpelle à nouveau dès lors que sur la base de ces mêmes images, la comparaison faciale sera possible et positive en ce qui concerne le prévenu A. ».

Pour déclarer ce prévenu coupable des faits mis à sa charge, l'arrêt considère que la comparaison faciale entre ses photographies et les images filmées du faux policier a été effectuée par trois enquêteurs de la direction centrale de la police technique et scientifique, que ces enquêteurs « ne peuvent en aucun cas être suspectés de déloyauté » et que « la façon dont ils ont rempli leur mission est à l'abri de toute critique ».

Le demandeur soutient que ces motifs sont contradictoires. Il fait valoir que le refus, attribué aux enquêteurs, d'effectuer une comparaison faciale entre les photographies du premier défendeur et les images du meneur de la bande, prend appui sur le procès-verbal 2091/17 du 11 octobre 2017, qui a été rédigé par deux membres de la direction centrale de la police technique et scientifique et qui constate « une qualité trop limitée des images issues de la vidéo-surveillance ». Selon le moyen, l'arrêt ne peut pas, sans se contredire, critiquer l'enquêteur précité et ses collègues namurois lorsqu'ils refusent une comparaison faciale sur la base des constatations des membres de la police technique et scientifique et, en même temps, donner du crédit à ces derniers lorsqu'ils établissent une comparaison faciale pour le prévenu A.

Il n'y a pas de contradiction au sens des articles 149 de la Constitution et 1138, 4°, du Code judiciaire lorsque la contradiction alléguée entre les motifs d'une décision, ou entre les motifs et le dispositif de la décision, ou encore entre les éléments du dispositif, n'apparaît qu'en prenant en considération une pièce ou un fait que la décision attaquée ne mentionne pas.

Pour soutenir l'existence d'une contradiction, le demandeur se fonde sur le procès-verbal précité du 11 octobre 2017, auquel ni les deux termes de la contradiction alléguée ni les autres motifs de l'arrêt ne se réfèrent.

Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le cinquième moyen :

Le moyen soutient qu'en considérant, comme il est indiqué au précédent moyen, que « toute comparaison faciale sera [...] refusée [...] sur la base du procès-verbal des enquêteurs qui indiquent qu'elle est impossible », l'arrêt fait croire que ce sont l'enquêteur précité et ses collègues qui ont estimé que l'application de cette technique au premier défendeur était impossible, alors que ce refus n'émane pas d'eux mais est motivé par le procès-verbal n° 2091/17 du 11 octobre 2017 rédigé par deux membres de la direction centrale de la police technique et scientifique à Bruxelles.

En énonçant le motif critiqué, les juges d'appel ne se sont pas référés à ce procès-verbal.

Ils ne sauraient, dès lors, avoir violé la foi due à cet acte.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

B. Sur le pourvoi d'A.A.:

Sur le premier moyen :

Pris de la violation des articles 6.1 à 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 149 de la Constitution, le moyen soutient qu'après avoir constaté qu'un enquêteur avait omis d'établir un procès-verbal relatif à des présentations de photos au cours desquelles, à deux reprises, les victimes n'ont pas reconnu le demandeur, la cour d'appel ne pouvait pas décider qu'il n'y avait pas eu d'atteinte irrémédiable à ses droits de la défense. Le moyen fait valoir que même si les droits de la défense ont été respectés durant la phase du procès et qu'un procès-verbal relatant les devoirs d'enquête dissimulés a finalement été rédigé et joint au dossier, la déloyauté dont le policier a ainsi fait preuve jette le discrédit sur l'ensemble de l'enquête, puisqu'il est impossible de savoir si d'autres éléments favorables au demandeur n'ont pas été passés sous silence.

Le constat qu'au cours de l'information ou de l'instruction un enquêteur a manqué à son devoir de rassembler les preuves loyalement n'implique pas nécessairement qu'un procès équitable ne peut plus avoir lieu et que les poursuites doivent être déclarées irrecevables. Le juge ne peut déclarer les poursuites irrecevables que s'il constate concrètement, au regard des circonstances de la procédure considérée dans son ensemble, que ce manquement a eu pour effet d'empêcher définitivement la tenue d'un procès équitable.

Le juge apprécie souverainement en fait si un acte déloyal commis au cours de la phase préliminaire du procès pénal a ou n'a pas irrémédiablement compromis l'équité du procès. La Cour vérifie si, des faits qu'il a constatés, le juge n'a pas déduit des conséquences qui seraient sans lien avec eux ou qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

En tant qu'il critique cette appréciation des juges d'appel quant aux conséquences des irrégularités que les policiers en charge de l'enquête ont commises, le moyen est irrecevable.

Après avoir constaté, notamment, le manquement visé au moyen, l'arrêt considère que « ces violations ne rendent pas caduc l'ensemble du dossier, puisqu'aucune atteinte irrémédiable aux droits de la défense n'a été portée en l'espèce : en effet, des débats contradictoires se sont tenus tant devant les premiers juges que devant la cour [d'appel], le dossier a été complété suite aux devoirs complémentaires sollicités par le jugement avant dire droit du 28 juin 2018, des questions ont pu être posées aux prévenus tant en instance que devant la cour [d'appel], tous éléments, librement débattus, qui ont permis aux prévenus d'exercer leur droit de défense et par là même de bénéficier d'un procès équitable ».

Par ces motifs, les juges d'appel ont légalement justifié leur décision de ne pas déclarer l'action publique irrecevable.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Pour le surplus, en tant qu'il est fondé sur l'affirmation que les enquêteurs auraient dissimulé d'autres actes d'enquête que celui dont l'absence a été révélée devant les premiers juges, le moyen repose sur une hypothèse.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 44 du Code d'instruction criminelle. Le demandeur reproche à la cour d'appel de l'avoir condamné en s'étant fondée sur le rapport de comparaison faciale établi par trois enquêteurs de la direction centrale de la police technique et scientifique de la police fédérale, alors que ces enquêteurs n'ont pas prêté serment en tant qu'experts et que cette expertise ne s'est pas déroulée de manière contradictoire. Selon le moyen, un rapport de « reconnaissance » faciale est une expertise, puisque cette technique requiert une compétence particulière.

L'arrêt prend en considération la comparaison faciale, effectuée par trois enquêteurs de la direction précitée, entre les photographies du demandeur provenant de la banque de données nationale et celle du faux policier apparaissant à visage découvert sur les images de vidéo-surveillance de l'habitation des victimes.

Le fonctionnaire de police qui, en cette qualité, procède à des constatations et analyses dans le cadre d'une enquête n'est pas un expert judiciaire, même si leur mise en œuvre requiert des connaissances techniques ou scientifiques.
Contrairement à l'expert judiciaire, ce fonctionnaire ne donne pas un avis au juge mais, en vertu de l'article 8 du Code d'instruction criminelle, est chargé de rechercher les infractions et d'en rassembler les preuves. En application des articles 28ter, § 3, et 56, § 2, du Code d'instruction criminelle, et 8/2 et 8/6 de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police, il reçoit et exécute les réquisitions que le procureur du Roi ou le juge d'instruction lui adresse.

Le procès-verbal dans lequel un policier acte ses constatations et analyses quant à la comparaison de la photographie du visage d'une personne connue à celle d'une personne dont l'identité est recherchée, n'est pas un rapport d'expertise.

Entièrement fondé sur l'affirmation du contraire, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Rejette les pourvois.
Laisse les frais du pourvoi du premier demandeur à charge de l'Etat ;
Condamne le second demandeur aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de cent quatre-vingt-neuf euros quatre-vingt-un centimes dont I) sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Liège : trois euros trente centimes dus et II) sur le pourvoi d'A. A. : cent quatre-vingt-six euros cinquante et un centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.1306.F
Date de la décision : 25/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-25;p.19.1306.f ?

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