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06/03/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0118.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 mars 2020, C.18.0118.F


N° C.18.0118.F
AUVIBEL, société civile ayant adopté la forme de la société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86 C/201 A,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre

N. H.,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2015 par la cour

d'appel de Bruxelles.
Le 18 février 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des c...

N° C.18.0118.F
AUVIBEL, société civile ayant adopté la forme de la société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86 C/201 A,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,
contre

N. H.,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 décembre 2015 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 18 février 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Quant à la seconde branche :

L'arrêt considère que « l'amende prévue à l'article 80, alinéa 5, de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins sanctionne les infractions aux règles de perception de la rémunération pour copie privée ; [qu']elle a clairement un caractère punitif et répressif et ne tend pas à la réparation pécuniaire du préjudice du fait de l'atteinte au droit d'auteur » mais revêt « un caractère dissuasif en raison de sa hauteur pécuniaire, ce qui constitue une des caractéristiques des sanctions administratives ».
Il ajoute que la réparation du préjudice subi « est au demeurant prévue à l'article 86bis de [cette] loi ».
Dans la mesure où il procède de l'affirmation que, dès lors que, comme le rappelle l'arrêt, les montants de la rémunération pour copie privée prévue à l'article 55 de la loi précitée « ont pour but de compenser forfaitairement la perte de revenus subie par les ayants droit en raison des actes de copie privée », par identité de motifs, il en va de même de l'amende de 200 p.c., laquelle serait l'accessoire de la rémunération et aurait un caractère indemnitaire forfaitaire à l'instar d'une clause pénale, le moyen, en cette branche, ne précise pas en quoi l'appréciation contraire de la cour d'appel, qui, pour exclure tout caractère indemnitaire à l'amende litigieuse, se fonde sur l'article 80, alinéa 5, mais également sur l'article 86bis de la loi du 30 juin 1994 précitée, violerait la première de ces deux dispositions.
Pour le surplus, d'une part, l'examen de la contradiction dénoncée par le moyen, en cette branche, suppose l'interprétation des dispositions légales dont l'arrêt fait application.
D'autre part, en tant qu'il est dirigé contre des motifs surabondants touchant à l'objet d'un éventuel dédommagement, le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d'intérêt.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant à la première branche :

L'article 55 de la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins, applicable à l'espèce, prévoit, en son aliéna 1er, que les auteurs, les artistes-interprètes ou exécutants et les producteurs de phonogrammes et d'œuvres audiovisuelles ont droit à une rémunération pour la reproduction privée de leurs œuvres et prestations, en son alinéa 3, que le Roi fixe les modalités de perception, de répartition et de contrôle de la rémunération ainsi que le moment où celle-ci est due et, en son alinéa 5, que, selon les conditions et les modalités qu'il fixe, le Roi charge une société représentative de l'ensemble des sociétés de gestion des droits d'assurer la perception et la répartition de la rémunération.
En vertu de l'article 73 de cette loi, les sociétés de gestion des droits ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge.
Depuis un arrêté royal du 2 octobre 1995, renouvelé le 26 juillet 1996 puis définitivement le 21 janvier 1997, après mise en conformité à la loi de ses statuts, la demanderesse est chargée d'assurer la perception et la répartition des droits à rémunération pour copie privée prévus à l'article 55 précité.
L'arrêt relève que, suivant l'article 3 de ses statuts, la demanderesse « a pour objet notamment ‘d'exploiter, d'administrer et de gérer, dans le sens le plus large, pour elle-même et pour ses associés, tous les droits dits de copie privée' [ainsi que] ‘d'agir en justice tant en qualité de demandeur que de défendeur pour la défense des intérêts de ses associés' » et que, suivant l'article 34, « ‘les perceptions de la société sont constituées de toutes les sommes encaissées au titre de l'exploitation des droits qui lui ont été apportés par ses membres ou dont elle possède la gestion [...], y compris les produits qui en découlent ainsi que les montants d'astreintes ou de dommages et intérêts qui y sont liés' ».
Il ne suit pas de ces dispositions que la demanderesse ait qualité pour poursuivre en justice le recouvrement de montants autres que des droits, astreintes ou dommages et intérêts.
Sous une section consacrée aux dispositions pénales, d'une part, l'article 80 de la loi du 30 juin 1994 définit le délit de contrefaçon et rend applicables, en son alinéa 5, aux infractions en matière de copie privée d'œuvres et de prestations, les dispositions du chapitre XI du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, le terme « taxe » étant remplacé par celui de « rémunération », d'autre part, l'article 81 fixe les peines d'emprisonnement et d'amende auxquelles les délits prévus à l'article 80 sont sujets.

Outre des peines correctionnelles pour violation, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, des dispositions propres à la taxe sur la valeur ajoutée, le chapitre XI du code précité institue des amendes fiscales et, notamment, sous l'article 70, § 1er, une amende égale à deux fois la taxe éludée ou payée tardivement pour toute infraction à l'obligation d'acquitter la taxe.
Pas plus que les peines correctionnelles, ces amendes, qui sont de nature administrative, ne constituent des droits à recouvrer au sens des articles 55 et 73 de la loi du 30 juin 1994, même si la rémunération prévue à l'article 55 leur sert de base de calcul.
L'arrêt relève que la demanderesse « admet qu'elle n'est pas une autorité administrative » et considère qu'à défaut d'en être une, la demanderesse ne tire de l'article 80, alinéa 5, de ladite loi aucun pouvoir d'infliger et de percevoir de telles amendes, d'autant que cette disposition « ne prévoit pas [...] que le produit de celles-ci reviendrait de droit aux ayants droit ». Il ajoute qu'il ne résulte pas davantage de l'article 55 de cette loi ou de l'arrêté royal pris en exécution de son alinéa 5 que la demanderesse aurait été chargée de percevoir l'amende visée à l'article 80, alinéa 5, de la loi et de répartir son produit entre ses membres.
Sur la base de ces considérations, l'arrêt décide légalement que la demanderesse n'est pas habilitée à réclamer une amende de 200 p.c. en vertu de l'article 80, alinéa 5, de la loi du 30 juin 1994.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille deux cent cinquante-neuf euros quarante-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du six mars deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0118.F
Date de la décision : 06/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 08/04/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-03-06;c.18.0118.f ?

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