N° P.19.1251.F
I. N. M.
II. SH. M.
prévenus,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Adrien Masset, avocat au barreau de Verviers.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Les pourvois sont dirigés contre deux arrêts rendus les 1er octobre et 20 novembre 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Les demandeurs invoquent un moyen, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le président chevalier Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
A. Sur les pourvois formés contre l'arrêt interlocutoire du 1er octobre 2019 :
Les demandeurs se désistent de leur pourvoi.
B. Sur les pourvois formés contre l'arrêt du 20 novembre 2019 :
Sur le moyen unique, commun aux deux demandeurs :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 21, 4°, et 22 à 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Les demandeurs font grief à la cour d'appel de les avoir condamnés alors que l'action publique était prescrite.
2. En cas de délit collectif par unité d'intention, la prescription ne court pas à partir du dernier fait reproché au prévenu mais à partir du dernier fait déclaré établi à sa charge. Si le second est plus ancien que le premier, la prescription doit être revérifiée.
3. Pour dire que le délai de la prescription n'était pas expiré, l'arrêt interlocutoire du 1er octobre 2019 en a fixé le point de départ au 2 juillet 2008.
Mais cette date est celle d'une prévention qui n'a pas été déclarée établie par l'arrêt de condamnation.
4. La demanderesse a été déclarée coupable de faux et usage de faux en écritures, blanchiment et appartenance à une association de malfaiteurs. A charge du demandeur, seuls des faits de blanchiment et d'association de malfaiteurs ont été jugés établis.
Les faux portent sur des factures émises entre le 9 juin 2004 et le 21 décembre 2007. Les actes de blanchiment sont réputés avoir été commis entre le 30 septembre 2004 et le 30 novembre 2007. La période au cours de laquelle les demandeurs ont fait partie d'une association de malfaiteurs n'est pas indiquée.
5. Dès lors qu'il ne constate pas l'existence d'une infraction établie après le 20 décembre 2007 pour la demanderesse ou au-delà du 29 novembre 2007 pour le demandeur, l'arrêt, qui ne permet pas à la Cour de vérifier si les faits sont, ou non, prescrits, encourt la censure.
6. En effet, si le point de départ de la prescription se situait le 20 décembre 2007 pour la demanderesse, ou le 29 novembre 2007 pour le demandeur, le délai primaire expirerait le 19 décembre 2012 quant à la première, le 28 novembre 2012 quant au second.
7. A supposer qu'un acte interruptif de la prescription ait été accompli le dernier jour de ce délai, l'échéance serait reportée au 18 décembre 2017 en ce qui concerne la demanderesse, et au 27 novembre 2017 en ce qui concerne le demandeur.
Les deux causes de suspension de la prescription retenues par l'arrêt interlocutoire, à savoir la demande de devoirs complémentaires lors du règlement de la procédure et l'introduction d'un pourvoi en cassation contre l'arrêt de renvoi, auraient alors pour effet de différer encore la prescription en la reportant respectivement d'un an et de 225 jours, ce qui aurait pour conséquence d'en amener le terme au 30 juillet 2019 pour la demanderesse, au 10 juillet 2019 pour le demandeur.
Les demandeurs relèvent une dernière cause de suspension de la prescription, d'une durée de huit jours, étant le traitement d'une exception d'incompétence devant la cour d'appel, en manière telle que la prescription serait acquise le 7 août 2019 pour M. N. et le 18 juillet 2019 pour M. Sh., soit en tout état de cause avant la condamnation.
Ainsi que le moyen le fait valoir, la condamnation n'est dès lors pas légalement justifiée.
8. Les demandeurs sollicitent la cassation sans renvoi. Ils ne peuvent pas être suivis sur ce point.
En effet, le délit collectif par unité d'intention, déclaré établi par la cour d'appel, comprend également une prévention d'association de malfaiteurs dont l'arrêt ne précise pas la durée d'existence.
Les articles 322 et suivants du Code pénal répriment l'association comme telle et non les infractions que le groupe a l'intention de commettre. L'appartenance à une telle association est punissable même si les infractions en vue desquelles le groupe s'est constitué n'ont pas été commises effectivement ou ne l'ont été qu'en partie.
Partant, de la circonstance que les actes de blanchiment du 2 juillet 2008 n'ont pas été retenus à charge des prévenus, il ne résulte pas nécessairement qu'ils aient cessé, avant la fin de l'année 2007, d'appartenir à l'association incriminée.
Il n'appartient pas à la Cour mais aux juges d'appel de définir la période au cours de laquelle celle-ci aurait existé, raison pour laquelle le renvoi sera ordonné comme dit ci-après.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement des pourvois formés contre l'arrêt du 1er octobre 2019 ;
Casse l'arrêt du 20 novembre 2019, sauf en tant qu'il acquitte les demandeurs et qu'il déclare irrecevables les poursuites exercées du chef de la prévention B.2, k ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre mars deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.