N° P.19.1114.F
D-M. J.
prévenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Thibault Maudoux, avocat au barreau de Namur,
contre
ETAT BELGE, représenté par le service public fédéral finances, en la personne du receveur du premier bureau de recettes de la TVA de Namur, dont les bureaux sont établis à Namur, rue des Bourgeois, 7/C73,
partie civile,
défendeur en cassation.
I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 16 octobre 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Françoise Roggen a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.
II. LA DÉCISION DE LA COUR
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris, notamment, de la violation des articles 1382 du Code civil, 73sexies et 93undecies E du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, et 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Quant à la première branche :
Le demandeur fait valoir que le dommage dont le défendeur poursuit l'indemnisation s'identifie à la taxe que ce dernier dit avoir été éludée. Le moyen soutient que la juridiction répressive ne connaît, au civil, que d'une seule action, celle qui tend à la réparation du dommage causé par une infraction. Il énonce que la dette d'impôt ne résulte pas de la fraude mais de l'activité économique soumise à la taxation, que l'article 93undecies E du Code de la taxe sur la valeur ajoutée n'a pas pour but ou pour effet de modifier l'objet de l'action civile portée devant le juge pénal ni de détacher cette action du lien causal requis entre l'infraction et le dommage. Il en déduit que, l'administration ne rapportant pas la preuve d'un préjudice dont aucune disposition fiscale n'assurerait la réparation, la cour d'appel aurait dû déclarer irrecevable l'action civile exercée par le défendeur.
Mais l'arrêt constate que l'action civile se fonde sur le fait, pour le demandeur, d'avoir participé à un circuit de ventes de véhicules automobiles orchestré entre plusieurs sociétés dans le but de détourner la taxe sur la valeur ajoutée.
L'utilisation du mécanisme de la TVA afin de ne pas reverser l'impôt dû à l'Etat ou de bénéficier d'une créance sur l'administration fiscale est une infraction dont le produit, à l'instar d'un détournement ou d'une escroquerie, constitue le dommage que le délit a causé directement au Trésor. La dette d'impôt est, en pareil cas, le fruit immédiat de la fraude.
Partant, les juges d'appel n'ont pas, en recevant l'action civile fondée par le défendeur sur cette infraction, excédé la compétence attribuée à la juridiction répressive par les articles 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
En cette branche, le moyen ne peut être accueilli.
Quant à la seconde branche :
Le demandeur critique la considération de l'arrêt suivant laquelle l'article 93undecies E du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ne fait que valider l'attribution à l'Etat d'un monopole pour se constituer partie civile en cas de fraude fiscale.
Le motif critiqué est surabondant, dès lors que les constatations opérées par l'arrêt quant aux faits de la prévention servant de fondement à l'action civile, justifient légalement la compétence de la cour d'appel sur la base des articles 3 et 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale.
Dénué d'intérêt, le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Il est fait grief à l'arrêt de ne pas répondre aux conclusions du demandeur soutenant que l'article 93undecies E du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, ne peut pas avoir d'effet rétroactif.
Comme indiqué en réponse à la première branche du premier moyen, les juges d'appel ont donné, à leur décision, un autre fondement légal qui suffit à la justifier.
Ils n'avaient dès lors plus à répondre à cette défense, devenue sans pertinence.
Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de septante et un euros un centime dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre mars deux mille vingt par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.