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14/02/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0124.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 février 2020, C.18.0124.F


N° C.18.0124.F
CESI, association sans but lucratif, anciennement dénommée Centre de services interentreprises - Prévention et Protection au travail, en abrégé CESI - Prévention et Protection, dont le siège social est établi à Woluwe-Saint-Lambert, avenue Konrad Adenauer, 8,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. ERGORESEARCH, société privée à responsabilité limitée, dont le siège so

cial est établi à Ramillies, rue G. Villers, 18,
2. N. H.,
3. S. B.,
défendeurs en cassatio...

N° C.18.0124.F
CESI, association sans but lucratif, anciennement dénommée Centre de services interentreprises - Prévention et Protection au travail, en abrégé CESI - Prévention et Protection, dont le siège social est établi à Woluwe-Saint-Lambert, avenue Konrad Adenauer, 8,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Werner Derijcke, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65, où il est fait élection de domicile,

contre

1. ERGORESEARCH, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Ramillies, rue G. Villers, 18,
2. N. H.,
3. S. B.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 3 novembre 2017 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 28 janvier 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant aux deux branches réunies :

L'arrêt relève que, « hormis l'hypothèse très spécifique des litiges entre l'Union et ses agents (article 270 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), un contrat conclu par une institution de l'Union ne peut en principe être soumis à la Cour de justice de l'Union européenne qu'en vertu de l'article 272 dudit traité ou dans le cadre du contentieux des actes détachables », que l'article 272 précité « n'est [...] pas applicable au cas d'espèce », que, si « un recours en annulation peut être introduit par une entreprise qui conteste la décision d'attribution d'un marché à un concurrent, [...] encore faut-il, cependant, qu'elle fasse valoir des moyens permettant d'obtenir l'annulation de cette décision » dès lors que, « conformément à l'article 263 du même traité, la Cour de justice de l'Union européenne [...] n'est compétente que pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit dérivé relative à leur application, ou détournement de pouvoir » et qu'elle « n'est par contre pas compétente pour contrôler le respect, par l'institution qui a adopté l'acte attaqué, de la législation nationale [...], la seule façon de pouvoir invoquer une telle législation [étant] d'établir que sa violation résulte de la violation, par l'institution concernée, d'une règle du droit de l'Union ».
Il considère, d'une part, que « les griefs [des défendeurs] concernent principalement, sinon exclusivement, la violation de règles de droit belge », l'invocation d'« un moyen tiré du droit de l'Union [n'étant] pas alléguée et, a fortiori, établie », d'autre part, qu'« aucun élément du dossier ne permet de considérer que le secrétariat du Conseil de l'Union européenne aurait incité [la demanderesse] à violer son droit national [alors qu'] au contraire, l'avis de marché invite tout soumissionnaire à produire un document prouvant son autorisation ‘à produire l'objet visé par le marché selon le droit national de l'État membre où il est établi' » et qu'« aucun élément ne permet de considérer qu'un tel document [....] n'aurait pas été produit de sorte que l'offre de [la demanderesse] serait, sur ce point uniquement et au regard des règles d'attribution du marché, irrégulière ».
Par ces énonciations, l'arrêt ne se borne pas à considérer que les chances de succès d'un recours en annulation des défendeurs auprès de la Cour de justice de l'Union européenne étaient minimes, mais bien qu'elles étaient inexistantes.
Dans cette mesure, le moyen, en ces branches, manque en fait.
Pour le surplus, ces énonciations, vainement critiquées, suffisent à fonder la décision de l'arrêt « qu'il ne peut être fait grief [aux défendeurs] de ne pas avoir introduit de recours en annulation contre la décision d'attribution du marché litigieux » et que « l'article XVII.5 du Code de droit économique [...] n'est pas incompatible avec la réglementation européenne applicable aux marchés publics passés par les organes de l'Union européenne ».
Dans la mesure où il est dirigé contre les considérations surabondantes tenant au droit applicable au contrat, le moyen, en ces branches, ne saurait entraîner la cassation et est, partant, dénué d'intérêt.
Et la violation des articles VI.104 et XVII.1 du Code de droit économique est tout entière déduite de celle vainement alléguée des autres dispositions visées au moyen, en ces branches.
Dans cette mesure, celui-ci est irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

Le grief que le moyen fait à l'arrêt de ne pas déterminer le droit applicable est étranger aux articles 1138, 3°, du Code judiciaire, qui impose au juge de prononcer sur tous les chefs de demande dont il est saisi, et 5 de ce code, qui a trait au déni de justice.
Dans cette mesure, il est irrecevable.
Pour le surplus, le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable.
Après avoir relevé que « [la demanderesse] invoque, à titre subsidiaire, l'irrecevabilité des demandes en raison de leur objet [dès lors] que le contrat de marché public litigieux passé par l'Union européenne n'est pas soumis au droit belge mais est régi par la réglementation européenne relative aux marchés publics » et que, par conséquent, « le fait de lui interdire de poursuivre l'exécution du contrat reviendrait nécessairement à remettre en cause la légalité de la décision d'attribution adoptée par un organe de l'Union européenne », l'arrêt, qui énonce qu'il y a « un doute sérieux quant au fait que le contrat litigieux serait régi par le droit de l'Union », considère que, « contrairement à ce que soutient [la demanderesse], lui interdire de poursuivre l'exécution du contrat litigieux ne revient pas nécessairement à remettre en cause la légalité de la décision d'attribution » et que, si « la décision que prendrait un juge national d'interdire la poursuite de l'exécution du contrat litigieux aurait pour conséquence de priver de tout effet la décision d'attribution du marché litigieux », « dans la mesure où la procédure nationale poursuivant cet objectif ne constitue pas un détournement des voies de recours prévues par le droit de l'Union, [cette condition étant remplie en l'espèce], cette circonstance s'explique par le système prévu par le droit primaire de l'Union qui fait des juridictions nationales les premiers juges des contrats européens et n'a pas confié à la Cour de justice de l'Union européenne la compétence pour contrôler la validité de ces contrats au regard du droit national applicable, le cas échéant, à ceux-ci » en sorte que « l'action en cessation n'est, en tout état de cause, pas irrecevable en raison de son objet ».
Par ces considérations, qui répondent aux conclusions de la demanderesse visées au moyen, l'arrêt tranche le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, sans être tenu de déterminer plus précisément le droit applicable au marché public litigieux.
Et la violation des articles VI.104 et XVII.1 du Code de droit économique est tout entière déduite de la méconnaissance vainement alléguée du principe de droit précité.
Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Sur le troisième moyen :

En vertu de l'article 4, § 1er, de la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, le Roi peut imposer aux employeurs et aux travailleurs toutes les mesures nécessaires au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail et le bien-être est recherché entre autres par des mesures qui ont trait à l'ergonomie.
Conformément à l'article 33, §§ 1er et 2, de la loi, chaque employeur a l'obligation de créer un service interne de prévention et de protection au travail et, si ce service ne peut pas exécuter lui-même toutes les missions qui lui ont été confiées, l'employeur doit faire appel, en complément, à un service externe agréé de prévention et de protection du travail.
En vertu de l'article 6 de l'arrêté royal du 27 mars 1998 relatif aux services externes pour la prévention et la protection au travail, applicable au litige, l'objet social de la personne morale créée pour être un service externe porte exclusivement sur 1° la gestion du service externe ; 2° l'exécution des missions d'un service externe et d'autres activités de prévention qui y sont liées directement, telles qu'elles sont déterminées par la loi et ses arrêtés d'exécution. En vertu du dernier alinéa de cette même disposition, le service externe est toujours tenu de conclure un contrat avec un employeur, pour autant que cet employeur s'engage à respecter les dispositions de la loi et de ses arrêtés d'exécution et celles du contrat.
Il suit de ces dispositions qu'un service externe pour la prévention et la protection au travail ne peut accomplir les missions de prévention déterminées par la loi, dont celle relative à l'ergonomie, que dans le cadre de la réglementation relative au bien-être des travailleurs au profit d'un employeur affilié.
Le moyen, qui soutient tout entier qu'un service externe pour la prévention et la protection au travail peut offrir les services déterminés par la loi à un tiers en dehors du cadre de la réglementation relative au bien-être des travailleurs lors de l'exécution de leur travail, manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille six cent deux euros nonante-deux centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin, Maxime Marchandise et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du quatorze février deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0124.F
Date de la décision : 14/02/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-14;c.18.0124.f ?

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