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13/02/2020 | BELGIQUE | N°F.17.0154.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 février 2020, F.17.0154.N


N° F.17.0154.N
WIFAC HOLDING, bv,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Me Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 juin 2014 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 26 décembre 2019, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Johan

Van der Fraenen a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe a...

N° F.17.0154.N
WIFAC HOLDING, bv,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, et Me Stefan De Vleeschouwer, avocat au barreau de Bruxelles.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 4 juin 2014 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 26 décembre 2019, l'avocat général Johan Van der Fraenen a déposé des conclusions.
Le conseiller Koenraad Moens a fait rapport.
L'avocat général Johan Van der Fraenen a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
1. L'article 4 de l'arrêté royal n° 3 du 10 décembre 1969 relatif aux déductions pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, tel qu'applicable en l'espèce, où sont repris le délai et les modalités du droit à déduction, dispose : « § 1er L'assujetti exerce globalement son droit à déduction en imputant sur le total des taxes dues pour une période de déclaration, le total des taxes pour lesquelles le droit à déduction a pris naissance au cours de la même période et peut être exercé en vertu de l'article 3. Lorsque les formalités auxquelles l'exercice du droit à déduction est subordonné sont remplies tardivement (...), ce droit est exercé dans la déclaration relative à la période au cours de laquelle les formalités sont remplies. § 2 Si l'assujetti n'a pas exercé son droit à déduction conformément au § 1er, il peut encore l'exercer dans les cinq ans à compter de la date à laquelle le droit à déduction a pris naissance ».
2. La Cour de justice de l'Union européenne considère selon une jurisprudence constante en ce qui concerne la déchéance du droit à déduction de la TVA (arrêts du 8 mai 2008 dans les affaires jointes C-95/07 et C-96/07, Ecotrade, points 39 à 46 ; arrêt du 12 juillet 2012 dans l'affaire C-284/11, EMS-Bulgaria Transport OOD, points 43 et suivants ; arrêt du 28 juillet 2016 dans l'affaire C-332/15, Giuseppe Antoni, points 29 et suivants ; arrêt du 21 mars 2018 dans l'affaire C-533/16, Volkswagen AG, points 37 et suivants) que :
- le droit à déduction fait partie intégrante du mécanisme de la TVA et ne peut, en principe, être limité ;
- le droit à déduction s'exerce immédiatement pour la totalité des taxes ayant grevé les opérations effectuées en amont ;
- le droit à déduction s'exerce, en principe, au cours de la même période que celle pendant laquelle ce droit a pris naissance ;
- néanmoins, un assujetti peut être autorisé à procéder à la déduction même s'il n'a pas exercé ce droit pendant la période au cours de laquelle ce droit a pris naissance, et que, dans ce cas, pour exercer son droit, l'assujetti doit cependant satisfaire à un certain nombre de conditions et modalités fixées par les États membres ;
- les États membres peuvent exiger que le droit à déduction soit exercé soit pendant la période au cours de laquelle il a pris naissance, soit pendant une période plus longue, sous réserve du respect de certaines conditions et modalités fixées par leurs réglementations nationales ;
- la conformité du délai de forclusion avec le principe d'effectivité doit être examiné à la lumière de l'ensemble des circonstances de l'espèce ;
- la possibilité d'exercer le droit à déduction sans aucune limitation dans le temps irait à l'encontre du principe de la sécurité juridique qui exige que la situation fiscale de l'assujetti, eu égard à ses droits et obligations vis-à-vis de l'administration fiscale, ne soit pas indéfiniment susceptible d'être remise en cause ;
- en outre, un délai de forclusion dont l'échéance a pour conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent, qui a omis de réclamer la déduction de la TVA en amont, en lui faisant perdre le droit à déduction, ne saurait être considéré comme incompatible avec le régime établi par la sixième directive, pour autant, d'une part, que ce délai s'applique de la même manière aux droits analogues en matière fiscale fondés sur le droit interne et à ceux fondés sur le droit de l'Union (principe d'équivalence) et, d'autre part, qu'il ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à déduction (principe d'effectivité).
3. Les juges d'appel ont constaté et considéré que :
- la demanderesse ne conteste pas qu'elle aurait pu introduire plus tôt que le 6 mars 2000 une demande d'obtention d'un numéro de TVA belge ;
- la demanderesse ne peut pas sérieusement prétendre que la pratique de l'administration n'aurait pas pu être évitée par elle ;
- la demanderesse connaissait ou, à tout le moins, aurait dû connaître le délai et les modalités du droit à déduction prévus à l'article 4 de l'arrêté royal n° 3 ;
- toutefois, lorsque la demanderesse a introduit, le 6 mars 2000, sa demande d'obtention d'un numéro belge d'identification à la TVA, elle n'a pas attiré l'attention de l'administration sur l'expiration imminente du délai de forclusion ;
- la demanderesse n'a pas non plus envoyé de rappel à l'administration lorsque la décision relative à sa demande s'est fait attendre ;
- la demanderesse cherche en vain à justifier la passivité de sa propre attitude par le fait que l'administration avait connaissance de la déduction de la TVA qu'elle entendait appliquer, étant donné que l'administration avait déjà rejeté la déduction de la TVA lors du contrôle TVA de la S.A. WIFAC en 1999, en prétendant que la demanderesse aurait dû déduire la TVA en question ;
- enfin et surtout, la demanderesse a fourni à l'administration des informations inexactes et trompeuses dans sa demande en joignant en annexe à celle-ci sa déclaration de début d'activité, dans laquelle elle a indiqué comme date de début le 26 décembre 1999, une date manifestement inexacte, puisqu'elle effectuait déjà des opérations imposables en 1995.
4. Par ces motifs, les juges d'appel ont fait savoir que la perte du droit à déduction de la TVA en raison de l'expiration du délai légal de cinq ans n'est imputable qu'à la seule demanderesse et que, compte tenu également des informations qui lui ont été fournies par la demanderesse concernant le début des activités, l'administration n'a pas rendu impossible la déduction de la TVA en acceptant la demande du demandeur du 6 mars 2000 pour l'attribution d'un numéro d'identification à la TVA le 28 septembre 2000 avec effet au 1er septembre 2000.
Le moyen ne peut être accueilli.
[...]
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Eric Dirix, président, le président de section Koen Mestdagh, les conseillers Bart Wylleman, Koenraad Moens et Eric Van Dooren, et prononcé en audience publique du treize février deux mille vingt par le président de section Eric Dirix, en présence de l'avocat général Johan Van der Fraenen, avec l'assistance du greffier Vanity Vanden Hende.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.17.0154.N
Date de la décision : 13/02/2020
Type d'affaire : Droit fiscal

Analyses

Le délai de forclusion de cinq ans dont l'échéance a pour conséquence de sanctionner le contribuable insuffisamment diligent, qui a omis de réclamer la déduction de la TVA en amont, en lui faisant perdre le droit à déduction, ne saurait être considéré comme incompatible avec le régime établi par la sixième directive, pour autant, d'une part, que ce délai s'applique de la même manière aux droits analogues en matière fiscale fondés sur le droit interne et à ceux fondés sur le droit de l'Union (principe d'équivalence) et, d'autre part, qu'il ne rend pas en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit à déduction (principe d'effectivité).

TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - Droit à déduction - Délai de forclusion - Comptabilité avec la sixième directive - Conditions [notice1]


Références :

[notice1]

Arrêté Royal numéroté - 3 - 10-12-1969 - Art. 4 - 31


Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2022
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-13;f.17.0154.n ?

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