La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2020 | BELGIQUE | N°P.19.0692.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 12 février 2020, P.19.0692.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0692.F
I.K.,
mineur d'âge au moment des faits,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège, Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles, et Magali Boeker, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, quai Godefroid Kurth, 12, où il est fait élection de domicile.



I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 mai 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre de la jeunesse.
Le dema

ndeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Par ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0692.F
I.K.,
mineur d'âge au moment des faits,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Sandra Berbuto, avocat au barreau de Liège, Nicolas Cohen, avocat au barreau de Bruxelles, et Magali Boeker, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, quai Godefroid Kurth, 12, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 20 mai 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre de la jeunesse.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Par un arrêt du 2 octobre 2019, la Cour a sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour constitutionnelle ait répondu à deux questions préjudicielles concernant l'article 20 de la loi du 14 février 2014 relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale.
Par l'arrêt numéro 161/2019 du 24 octobre 2019, la Cour constitutionnelle a répondu aux questions précitées.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur la recevabilité du pourvoi :

En tant qu'il vise la décision qui reçoit l'opposition du demandeur et confirme le jugement qui a refusé de faire droit aux réquisitions tendant au dessaisissement du juge de la jeunesse en ce qui concerne les préventions de vols commis à l'aide d'effraction et de tentative de commettre un tel vol, le pourvoi, dirigé contre des dispositifs qui n'infligent aucun grief au demandeur, est dépourvu d'intérêt et, partant, irrecevable.

Par des arrêts du 31 octobre 2018 et du 18 décembre 2018, la Cour a interrogé la Cour constitutionnelle, à titre préjudiciel, sur le point de savoir si l'article 420 du Code d'instruction criminelle qui, tel que modifié par l'article 20 de la loi du 14 février 2014 relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale, ne prévoit plus la possibilité d'un pourvoi immédiat contre un arrêt de dessaisissement et de renvoi rendu conformément à l'article 57bis de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par l'arrêt numéro 161/2019 du 24 octobre 2019, la Cour constitutionnelle a dit pour droit : « L'article 420 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 20 de la loi du 14 février 2014 "relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale", viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de dessaisissement ».

Par le même arrêt, elle a considéré que le constat de cette lacune est exprimé en des termes suffisamment précis et complets pour permettre, dans l'attente d'une intervention du législateur, l'application de la disposition en cause dans le respect du principe d'égalité et de non-discrimination.

Il s'ensuit que le pourvoi est recevable.

Sur le deuxième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 2 du Code pénal, 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 57bis de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait et 125 du décret du 18 janvier 2018 portant le code de la prévention, de l'Aide à la jeunesse et de la protection de la Jeunesse, ainsi que de la méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Le demandeur reproche à l'arrêt d'appliquer l'article 125 du décret précité aux faits commis avant son entrée en vigueur, le 1er mai 2019, alors qu'en subordonnant le dessaisissement du juge de la jeunesse à des conditions moins strictes que celles de l'article 57bis de la loi relative à la protection de la jeunesse, le nouveau régime répressif doit être tenu pour plus sévère que celui en vigueur au moment desdits faits.

Quant à la première branche :

Selon le demandeur, la loi nouvelle est plus sévère en ce que la motivation de la décision de dessaisissement des juridictions de la jeunesse ne doit plus prendre en considération la personnalité de l'entourage du mineur, seule la personnalité et la maturité de ce dernier étant prises en compte.

Conformément à l'article 2 du Code pénal, nulle infraction ne peut être punie de peines qui n'étaient pas portées par la loi avant que l'infraction fût commise et, si la peine établie au temps du jugement diffère de celle qui était portée au temps de l'infraction, la peine la moins forte sera appliquée.

Le demandeur est poursuivi du chef, à une date située entre le 23 et le 27 février 2016, de meurtre pour faciliter le vol ou en assurer l'impunité, soit une infraction visée à la fois à l'article 57bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la protection de la jeunesse, et à l'article 125, § 1er, alinéa 2, 2°, a), du décret du 18 janvier 2018, de sorte que tant avant qu'après l'entrée en vigueur de cette dernière disposition, le dessaisissement des juridictions de la jeunesse était admis. Le demandeur était par ailleurs poursuivi du chef, durant le mois de février 2016, de plusieurs vols à l'aide d'effraction et d'une tentative de commettre un tel vol.

Sous l'empire de l'article 57bis, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à la protection de la jeunesse, le tribunal de la jeunesse pouvait se dessaisir si, outre l'inadéquation des mesures de garde, de préservation ou d'éducation, le mineur était soupçonné d'avoir commis un délit ou un crime correctionnalisable, et, à moins qu'il s'agisse d'une infraction visée au second tiret de cette disposition, alors qu'il avait déjà fait l'objet d'une ou de plusieurs mesures visées à l'article 37, § 2, § 2bis ou § 2ter de ladite loi ou d'une offre restauratrice telle que visée aux articles 37bis à 37quinquies.

Désormais, conformément à l'article 125, § 1er, alinéa 2, 2°, du décret du 18 janvier 2018, le dessaisissement n'est plus permis que dans l'hypothèse où l'infraction imputée au jeune est un fait consistant en une atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui, qui, s'il avait été commis par une personne majeure, aurait été de nature à entraîner, au sens du Code pénal ou des lois particulières, une peine d'emprisonnement correctionnel principal de cinq ans ou une peine plus lourde.

Ainsi, subordonnant le dessaisissement des juridictions de la jeunesse à des conditions plus strictes que sous l'empire de la loi relative à la protection de la jeunesse, l'article 125 du décret du 18 janvier 2018 constitue une disposition moins sévère.

Procédant d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Selon le demandeur, la loi nouvelle est également plus sévère en ce que l'examen médico-psychologique obligatoire, préalable au dessaisissement, ne doit plus se prononcer sur les critères autrefois contenus dans l'article 57bis de la loi relative à la protection de la jeunesse, singulièrement le degré de maturité du jeune.

Mais, dans la mesure où le demandeur est poursuivi du chef de meurtre pour faciliter le vol, tant sous l'empire de la loi ancienne, soit conformément à l'article 57bis, § 2, 3°, de la loi relative à la protection de la jeunesse, qu'en application de l'article 125, § 2, alinéa 3, du décret du 18 janvier 2018, les juridictions de la jeunesse pouvaient se dessaisir sans disposer d'une étude sociale et d'un examen médico-psychologique lorsque, comme en l'espèce, le jeune n'est poursuivi qu'après avoir atteint l'âge de dix-huit ans.

Dès lors, dépourvu d'intérêt, le moyen est irrecevable.

Sur le troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 40 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Selon le demandeur, la primauté des normes de droit international public sur les règles de droit national exige d'écarter l'application de l'article 125 du décret du 18 janvier 2018, dès lors qu'il contrevient à l'article 40 précité, lequel n'autorise aucune exception à l'obligation, qu'il énonce, d'appliquer au mineur délinquant un traitement plutôt qu'une peine.

D'une part, l'article 37 de la Convention relative aux droits de l'enfant dispose : « Les Etats parties veillent à ce que : [...] b) Nul enfant ne soit privé de liberté de façon illégale ou arbitraire. L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible ».

D'autre part, ni les dispositions visées au moyen ni aucune autre n'interdisent aux États parties aux traités précités de prévoir qu'à partir d'un âge minimum, au-dessous duquel les mineurs ne peuvent relever des tribunaux de droit commun, les juridictions de la jeunesse, dans les conditions établies par la loi et, en particulier, lorsqu'elles estiment inadéquate une mesure de protection, peuvent se dessaisir et renvoyer la cause au ministère public aux fins de poursuite devant les juridictions répressives compétentes.

Entièrement déduit de la prémisse juridique contraire, le moyen manque en droit.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent trente euros quarante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du douze février deux mille vingt par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0692.F
Date de la décision : 12/02/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-12;p.19.0692.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award