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07/02/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0308.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 07 février 2020, C.19.0308.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0308.F
ELIA SYSTEM OPERATOR, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 20, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0476.388.378,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,
contre

1. MS AMLIN INSURANCE SE, société européenne, dont le siège social est établi à Schaerbeek, boulev

ard du Roi Albert II, 37, inscrite à la banque- carrefour des entreprises sous le numéro 0644....

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0308.F
ELIA SYSTEM OPERATOR, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 20, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0476.388.378,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,
contre

1. MS AMLIN INSURANCE SE, société européenne, dont le siège social est établi à Schaerbeek, boulevard du Roi Albert II, 37, inscrite à la banque- carrefour des entreprises sous le numéro 0644.921.425,
2. RECYBOIS, société anonyme, dont le siège social est établi à Virton (Ruette), zoning industriel de Ruette-Latour, 13, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0464.376.018,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Liège, rue de Chaudfontaine, 11, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2019 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les faits

Les faits de la cause, tels qu'ils ressortent des constatations de l'arrêt, peuvent être ainsi résumés :
La seconde défenderesse est propriétaire d'une installation de cogénération d'électricité au départ de déchets de bois, qui lui permet de produire l'électricité nécessaire à l'exploitation de son entreprise, l'électricité supplémentaire étant revendue à la société S.P.E., fournisseur d'électricité avec laquelle elle a conclu un contrat de vente-achat d'électricité et de certificats verts.
L'installation comprend un groupe turbo-alternateur et une chaudière qui assure l'alimentation en vapeur de la turbine. L'alternateur est connecté au réseau géré par la société Interlux, gestionnaire de réseau de distribution avec qui la seconde défenderesse a conclu un contrat de raccordement, ce qui permet en période de surproduction d'électricité de revendre le surplus.
Pour éviter que les équipements soient endommagés en cas d'incidents sur le réseau, l'installation peut également fonctionner de manière autonome, déconnectée du réseau, par mise en îlotage.
À la suite d'une erreur de manipulation lors de travaux réalisés par le personnel de la demanderesse, gestionnaire du réseau de transport, sur la ligne à moyenne tension, est survenu un court-circuit triphasé avec mise à la terre qui a provoqué un creux de tension, soit une chute soudaine, abrupte et de courte durée de la tension électrique.
Ce creux de tension s'est propagé sur le réseau et a atteint le groupe de production de la seconde défenderesse qui, en quelques millisecondes, s'est mis en îlotage.
Malgré cette mise en îlotage, l'installation de la seconde défenderesse a subi d'importants dégâts, entraînant l'arrêt complet de l'activité pendant plusieurs semaines.
La seconde défenderesse et la première défenderesse, subrogée jusqu'à due concurrence dans les droits de celle-là qu'elle avait partiellement indemnisée, ont réclamé à la demanderesse l'indemnisation des dommages causés à cette occasion par les fautes des préposés de cette dernière.

III. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 1134, 1146 à 1151, 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil ;
- articles 1er, 6°, 7°, 11°, 12°, 15°bis et 16°, 8, § 1er, alinéas 2 et 3, 1°, 3° et 5°, et 15, § 1er, de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, telle qu'elle était d'application avant sa modification par la loi du 8 janvier 2012.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt déclare l'appel principal de la demanderesse recevable mais non fondé et l'appel incident recevable et uniquement fondé en ce qui concerne le point de départ des intérêts, confirme, en conséquence, le jugement entrepris, qui avait reçu les demandes principales et les avait déclarées fondées, avait reçu la demande en intervention forcée et garantie mais l'avait déclarée non fondée et en avait débouté la demanderesse, avait dit pour droit que l'entière responsabilité de l'incident survenu le 14 novembre 2006 au poste de Latour incombe à la demanderesse, l'avait condamnée à payer à la première défenderesse les sommes de 1.560.680,80 euros, à majorer des intérêts compensatoires aux taux légaux successifs applicables en matière civile et ce, depuis la date des décaissements jusqu'à la prononciation du jugement, le tout devant être majoré des intérêts judiciaires au même taux à compter de la prononciation du jugement jusqu'au parfait paiement, et de 76.862,29 euros à titre de frais de conseils techniques, à majorer des intérêts aux taux légaux successifs applicables en matière civile et ce, à compter de la date des décaissements jusqu'à la prononciation du jugement, le tout devant être majoré des intérêts judiciaires au même taux à compter de la prononciation du jugement jusqu'au parfait paiement, et à payer à la seconde défenderesse la somme de 320.690,90 euros, à augmenter des intérêts compensatoires aux taux légaux successifs applicables en matière civile et ce, depuis le 26 avril 2011 ainsi que les intérêts judiciaires au même taux à compter de la prononciation du jugement jusqu'au parfait paiement, et avait condamné la demanderesse aux dépens, en toutes ses dispositions, sous la seule réserve que les intérêts sur le montant de la condamnation en faveur de la seconde défenderesse prendront cours le 1er janvier 2007 et non le 26 novembre 2011, aux motifs que :

« Quant à la responsabilité de [la demanderesse]
[Les défenderesses] mettent en cause la responsabilité de [la demanderesse] sur la base des articles 18 de la loi du 10 mars 1925 sur les distributions d'énergie électrique et 1382 du Code civil.
a) Immunité de l'agent d'exécution
[La demanderesse] estime que sa responsabilité extracontractuelle ne peut être mise en cause dès lors qu'elle a agi en qualité d'agent d'exécution.
Elle relève que, s'il n'existe aucune relation contractuelle entre elle et la [seconde défenderesse], cette dernière a, par contre, conclu, d'une part, un contrat de fourniture d'électricité avec la société anonyme S.P.E., d'autre part, un contrat de raccordement avec Interlux, gestionnaire de réseau de distribution.
En vertu de ces contrats, la société S.P.E. s'est notamment engagée à fournir de l'électricité à [la seconde défenderesse] tandis qu'Interlux lui assure un accès à son réseau de distribution et s'engage notamment, dans ce cadre, ‘à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à mettre à disposition la tension à un point d'accès qui correspond à la norme NBN EN 50160 et ce, dans des conditions normales de consommation sur le raccordement de l'utilisateur de réseau' (article 5.1.4 du contrat de raccordement).
[La demanderesse] expose que, pour l'exécution de leurs obligations contractuelles, tant S.P.E. qu'Interlux ont recours à ses services, le transport d'électricité effectué par elle - en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport - du lieu de production ou d'importation vers les différents réseaux de distribution étant la condition sine qua non pour qu'Interlux puisse la transmettre jusqu'à l'utilisateur de réseau [la seconde défenderesse] et que celui-ci puisse être alimenté en courant électrique acheté à son producteur-fournisseur S.P.E.
[La demanderesse] estime, en conséquence, être intervenue en qualité d'agent d'exécution, son intervention étant une condition matérielle nécessaire pour l'exécution des conventions de fourniture et de raccordement.
L'agent d'exécution est celui qui a été chargé par le débiteur principal d'exécuter tout ou partie des obligations du contrat de base qu'il a souscrit avec le créancier.
Pour que l'on puisse parler d'agent d'exécution, il faut que les prestations fournies par celui-ci portent sur des prestations ou des services dus par le débiteur principal. Cette notion ne peut donc être étendue à toute personne à laquelle le débiteur doit s'adresser pour obtenir des prestations distinctes des siennes ou la livraison de choses nécessaires pour lui permettre d'exécuter ses propres obligations (P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, 2010, t. I, p. 760).
La circonstance que ses prestations constituent une condition matérielle de l'exécution du contrat principal est, en conséquence, insuffisante pour qu'une personne puisse se voir reconnaître la qualité d'agent d'exécution (B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, La responsabilité civile, vol. 1 : Le fait générateur et le lien causal, Dossier J.T., 74, p. 495 ; B. Dubuisson, ‘Responsabilité contractuelle et responsabilité extracontractuelle', in Responsabilités ̶ Traité théorique et pratique, Livre 3bis, vol. 2, p. 39).
En l'espèce, [la demanderesse] a, conformément à l'article 10 de la loi du 29 avril 1999, été désignée en qualité de gestionnaire unique du réseau de transport et est, en cette qualité, responsable de l'exploitation, de l'entretien et du développement du réseau de transport, y compris ses interconnexions avec d'autres réseaux électriques, en vue d'assurer la sécurité d'approvisionnement (article 8 de la loi du 29 avril 1999).
Elle dispose d'un statut de monopole légal pour la gestion du réseau de transport. C'est elle qui - comme elle le précise en conclusions - assure, via son réseau de transport, que l'électricité - qui est, soit produite en Belgique, soit importée de l'étranger - soit effectivement transportée du lieu de production ou d'importation jusqu'au réseau de distribution concerné.
En conséquence, lorsqu'elle assure le transport de l'électricité - prestation effectivement indispensable pour permettre à Interlux et S.P.E. d'exécuter leurs obligations contractuelles à l'égard de [la seconde défenderesse] -, [la demanderesse] exécute la mission de service public qui lui a été confiée par la loi.
Elle n'agit ni comme préposé ni comme sous-traitant des sociétés S.P.E. et Interlux et ne se substitue pas à ces dernières pour exécuter une obligation contractuelle qui leur incombe.
C'est partant à bon droit que le premier juge a considéré que [la demanderesse] ne pouvait être considérée comme un agent d'exécution d'Interlux ou de S.P.E.
La responsabilité extracontractuelle de [la demanderesse] peut donc être recherchée par [la seconde défenderesse] et son assureur, [la première défenderesse], subrogée dans les droits de cette dernière ».

Griefs

Il est de jurisprudence constante que la responsabilité extracontractuelle d'une partie à un contrat à l'égard d'un cocontractant n'est engagée que si cette partie commet une faute dans l'exécution de son contrat et que cette faute constitue un manquement, non à une des obligations du contrat, mais à l'obligation générale de prudence, et cause un préjudice autre que celui qui résulterait d'une exécution fautive du contrat.
Cette interdiction de concours entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle résulte des articles 1134, 1146 à 1151, 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil.
Elle vaut également à l'égard de l'agent d'exécution, auquel la partie a eu recours pour exécuter tout ou partie de ses propres obligations.
Le contractant se substituant un tiers pour l'exécution d'une partie d'une obligation contractuelle est lui-même contractuellement responsable du dommage causé par celui qui exécute et ce, quel que soit le lien juridique existant entre le débiteur au contrat principal et le tiers à qui il fait appel pour exécuter une partie de ses obligations contractuelles.
La responsabilité aquilienne de cet agent d'exécution ne peut être engagée que dans les conditions où celle du cocontractant lui-même pourrait l'être.
Est un agent d'exécution, non seulement celui qu'un contractant se substitue totalement ou partiellement dans l'exécution d'une obligation, mais plus généralement toute personne dont l'intervention est la condition matérielle pour l'exécution d'une obligation contractuelle, la qualification d'agent d'exécution ne requérant nullement l'existence d'une relation contractuelle entre le cocontractant et le tiers ; il suffit qu'un cocontractant fasse, de fait, appel à un tiers lors de l'exécution du contrat ou que le contrat ne puisse s'exécuter sans l'intervention dudit tiers.
Que ce tiers jouisse d'un monopole en la matière n'exclut pas davantage la quasi-immunité dudit tiers. Il suffit que ce tiers exécute en partie l'obligation contractuelle à laquelle s'est engagé le cocontractant.
En l'occurrence, la demanderesse faisait valoir que la seconde défenderesse avait conclu, d'une part, un contrat de fourniture d'électricité avec S.P.E., d'autre part, un contrat de raccordement avec Interlux, gestionnaire du réseau de distribution, et qu'en vertu de ces contrats, S.P.E. s'était engagée à fournir de l'électricité à la seconde défenderesse, tandis qu'Interlux lui assurait un accès à son réseau de distribution et s'engageait dans ce cadre « à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à mettre à disposition la tension à un point d'accès qui correspond à la norme NBN en 50160 et ce, dans des conditions normales de consommation sur le raccordement de l'utilisateur de réseau ». Il convient toutefois de noter qu'en l'occurrence, la faute de la demanderesse n'a provoqué qu'un creux de tension et non pas une interruption de l'accès.
Cette électricité devait transiter nécessairement par le réseau, dont la demanderesse est le gestionnaire, le transport d'électricité du lieu de production ou d'importation vers les différents réseaux de distribution, qui est la condition sine qua non pour qu'Interlux puisse la transmettre jusqu'à l'utilisateur de réseau [la seconde défenderesse] et que celui-ci puisse être alimenté en courant électrique acheté à son producteur-fournisseur S.P.E., étant effectué par la demanderesse en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport.
Il s'ensuit que S.P.E. et Interlux ne pouvaient s'acquitter de leurs obligations que moyennant le concours de la demanderesse, gestionnaire du réseau de transport.
L'article 8, § 1er, alinéas 2 et 3, de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, d'application avant sa modification par la loi du 8 janvier 2012, dispose en effet que le gestionnaire du réseau est responsable de l'exploitation, de l'entretien et du développement du réseau de transport, y compris ses interconnexions avec d'autres réseaux électriques, en vue d'assurer la sécurité d'approvisionnement, étant notamment chargé de : 1° l'exploitation du réseau de transport et l'entretien de celui-ci, 3° la gestion technique des flux d'électricité sur le réseau de transport et, dans ce cadre, la coordination de l'appel des installations de production et la détermination de l'utilisation des interconnexions de manière, avec les moyens dont il dispose, à assurer un équilibre permanent des flux d'électricité résultant de l'offre et la demande d'électricité et 5° le transport pour des tiers en application de l'article 15, cet article disposant que les clients éligibles ont un droit d'accès au réseau de transport aux tarifs fixés conformément à l'article 12. Le gestionnaire du réseau ne peut refuser l'accès au réseau que s'il ne dispose pas de la capacité nécessaire ou si le demandeur ne satisfait pas aux prescriptions techniques prévues dans le règlement technique.
L'article 1er de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, d'application avant sa modification par la loi du 8 janvier 2012, précise que la loi entend par : 6° « transport » : le transport d'électricité sur le réseau de transport aux fins de fourniture à des clients finals ou à des distributeurs ; 7° « réseau de transport » : le réseau national de transport d'électricité, qui comprend les lignes aériennes, câbles souterrains et installations servant à la transmission d'électricité de pays à pays et à destination de clients directs des producteurs et de distributeurs établis en Belgique, ainsi qu'à l'interconnexion entre centrales électriques et entre réseaux électriques ; 11° « distributeur » : toute personne physique ou morale assurant la distribution d'électricité sur le territoire belge, qu'elle vende cette électricité ou non ; 12° « réseau de distribution » : tout réseau, opérant à une tension égale ou inférieure à 70 kilovolts pour la transmission d'électricité à des clients au niveau régional ou local ; 15°bis « fournisseur » : toute personne physique ou morale qui vend de l'électricité à un ou des clients finals ; le fournisseur produit ou achète l'électricité vendue aux clients finals, et 16° « client éligible » : tout client qui, en vertu de l'article 16 ou, s'il n'est pas établi en Belgique, en vertu du droit d'un autre État membre de l'Union européenne, a le droit de conclure des contrats de fourniture d'électricité avec un producteur, distributeur, fournisseur ou intermédiaire de son choix et, à ces fins, le droit d'obtenir un accès au réseau de transport aux conditions énoncées à l'article 15, § 1er.
Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que le gestionnaire du réseau de distribution ou celui qui s'engage « à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à mettre à disposition la tension à un point d'accès qui correspond à la norme NBN en 50160 et ce, dans des conditions normales de consommation sur le raccordement de l'utilisateur de réseau », ne peut exécuter ses obligations se rapportant à la distribution d'électricité sans l'intervention matérielle de la demanderesse, qui est chargée du transport.
Il s'ensuit que l'intervention de la demanderesse était une condition sine qua non pour qu'Interlux puisse exécuter ses obligations à l'égard de la seconde défenderesse, le transport d'électricité effectué par la demanderesse - en sa qualité de gestionnaire du réseau de transport - du lieu de production ou d'importation vers les différents réseaux de distribution étant la condition sine qua non pour qu'Interlux puisse la transmettre jusqu'à l'utilisateur de réseau [la seconde défenderesse] et que celui-ci puisse être alimenté en courant électrique acheté à son producteur-fournisseur S.P.E.
Les relations entre le gestionnaire du réseau de transport et le gestionnaire du réseau de distribution sont par ailleurs régies par des contrats en exécution de la loi du 29 avril 1999 et ses arrêtés d'exécution.
L'arrêt constate lui-même que, via son réseau de transport, la demanderesse assure que l'électricité soit effectivement transportée du lieu de production ou d'importation jusqu'au réseau de distribution concerné, qu'elle assure le transport de l'électricité et que cette prestation est effectivement indispensable pour permettre à Interlux et S.P.E. d'exécuter leurs obligations contractuelles à l'égard de la défenderesse.
Il s'ensuit que les conditions pour la qualifier d'agent d'exécution étaient remplies.
Partant, l'arrêt, qui dénie à la demanderesse la qualité d'agent de S.P.E. et Interlux, alors qu'elle constate explicitement que la demanderesse assure le transport de l'électricité et que cette prestation était indispensable pour permettre à Interlux et à S.P.E. d'exécuter leurs obligations contractuelles à l'égard de la seconde défenderesse, ce qui implique qu'une partie de leurs obligations contractuelles était exécutée par la demanderesse, et la condamne néanmoins sur une base extracontractuelle à dédommager les défenderesses du dommage survenu en raison d'un creux de tension, survenu lors dudit transport d'électricité, causé par une erreur de manipulation d'un de ses préposés, ne justifie pas légalement sa décision (violation des articles 1134, 1146 à 1151, 1382, 1383 et 1384, alinéa 3, du Code civil et 1er, 6°, 7°, 11°, 12°, 15°bis et 16°, 8, § 1er, alinéas 2 et 3, 1°, 3° et 5°, et 15, § 1er, de la loi du 29 avril 1999 relative à l'organisation du marché de l'électricité, d'application avant sa modification par la loi du 8 janvier 2012).

IV. La décision de la Cour

L'agent d'exécution est une personne qu'un contractant s'est substitué pour exécuter une obligation contractuelle.
L'arrêt relève que la demanderesse « a, conformément à l'article 10 de la loi du 29 avril 1999 [relative à l'organisation du marché de l'électricité], été désignée en qualité de gestionnaire unique du réseau de transport et est, en cette qualité, responsable de l'exploitation, de l'entretien et du développement du réseau de transport, y compris ses interconnexions avec d'autres réseaux électriques, en vue d'assurer la sécurité d'approvisionnement (article 8 de la loi du 29 avril 1999) », qu'« elle dispose d'un statut de monopole légal pour la gestion du réseau de transport » et que c'est elle qui « assure, via son réseau de transport, que l'électricité - qui est, soit produite en Belgique, soit importée de l'étranger - soit effectivement transportée du lieu de production ou d'importation jusqu'au réseau de distribution concerné ».

Il en déduit que, « lorsqu'elle assure le transport de l'électricité - prestation effectivement indispensable pour permettre à Interlux et S.P.E. d'exécuter leurs obligations contractuelles à l'égard de [la seconde défenderesse] -, la [demanderesse] exécute la mission de service public qui lui a été confiée par la loi » et qu'« elle n'agit ni comme préposé ni comme sous-traitant des sociétés S.P.E. et Interlux et ne se substitue pas à ces dernières pour exécuter une obligation contractuelle qui leur incombe ».
L'arrêt, qui considère ainsi qu'en assurant le transport de l'électricité, la demanderesse exécute, non une obligation contractuelle des sociétés S.P.E. et Interlux dont elle a été chargée par celles-ci, mais une mission qui lui a été confiée par la loi et dont elle a le monopole, décide légalement que la demanderesse ne peut être considérée comme un agent d'exécution de ces sociétés.
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille deux cent quarante-six euros vingt-huit centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal,
Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du sept février deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0308.F
Date de la décision : 07/02/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-07;c.19.0308.f ?

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