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05/02/2020 | BELGIQUE | N°P.19.0623.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 05 février 2020, P.19.0623.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0623.F
1. V. E.
2. BOVEME, société privée à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Diepenbeek, Reigersstraat, 2,
ayant pour conseils Maîtres Melissa Vervaeke, avocat au barreau de Mons, Cédric Vergauwen et Olivia Venet, avocats au barreau de Bruxelles,
prévenus,
demandeurs en cassation,

contre

AUVIBEL, société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86C/201a,
partie civile,
défenderesse en cassation.



I. LA

PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 13 mai 2019 par la cour d'appel de Mons...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0623.F
1. V. E.
2. BOVEME, société privée à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Diepenbeek, Reigersstraat, 2,
ayant pour conseils Maîtres Melissa Vervaeke, avocat au barreau de Mons, Cédric Vergauwen et Olivia Venet, avocats au barreau de Bruxelles,
prévenus,
demandeurs en cassation,

contre

AUVIBEL, société coopérative à responsabilité limitée, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue du Port, 86C/201a,
partie civile,
défenderesse en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 13 mai 2019 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
Les demandeurs font valoir un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions rendues sur l'action publique exercée à charge des demandeurs :

L'arrêt attaqué constate que la prescription de l'action publique est acquise en ce qui concerne les demandeurs.

Pareille décision ne leur inflige aucun grief.

Partant, dépourvus d'intérêt, les pourvois sont irrecevables.

B. En tant que les pourvois sont dirigés contre les décisions rendues sur l'action civile exercée contre les demandeurs par la défenderesse :

Sur le moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 et 6.3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 47bis, § 6, 9), du Code d'instruction criminelle.

Il reproche d'abord à l'arrêt de considérer que les demandeurs n'établissent pas que, lors des auditions du premier par la police, le défaut d'assistance par un conseil et de notification de son droit au silence ont porté atteinte à leur droit à un procès équitable. Selon les demandeurs, ces circonstances faisaient présumer qu'il y avait eu une violation du droit à un procès équitable et, s'il est admis que cette présomption peut être renversée, les demandeurs n'avaient en tout état de cause pas à en rapporter la preuve. Ils soutiennent que c'était à l'accusation de démontrer, sur la base de critères dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme, que l'équité procédurale avait été rétablie et il appartenait ensuite aux juges d'appel d'avoir eux-mêmes égard à ces critères, pour décider que la présomption de violation du droit à un procès équitable était en l'espèce renversée.

Contrairement à ce que le moyen soutient, par aucune considération de leur décision, les juges d'appel n'ont reproché aux demandeurs de ne pas établir que les auditions du premier d'entre eux avaient été effectuées en violation du droit de l'intéressé à un procès équitable, au motif qu'il se trouvait en état de vulnérabilité ou qu'il n'avait pu faire appel à un conseil.

À cet égard, procédant d'une lecture erronée de l'arrêt attaqué, le moyen manque en fait.

Par ailleurs, selon les demandeurs, pour refuser d'écarter les déclarations du premier d'entre eux, au contenu desquelles ils se sont ensuite référés, les juges d'appel se sont limités à prendre en considération la seule circonstance que ce dernier, lors de ses auditions, ne s'était pas trouvé en position de vulnérabilité, alors qu'ils auraient également dû avoir égard aux autres critères dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme.

En principe, il est porté atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable lorsqu'un suspect qui se trouve en position particulièrement vulnérable, par exemple ensuite de sa privation de liberté, fait des déclarations incriminantes durant son audition par la police sans avoir la possibilité d'être assisté d'un avocat. Toutefois, même en l'absence de raisons impérieuses de restreindre ce droit à l'assistance d'un conseil, il peut ne pas y avoir de violation de l'article 6 de la Convention. En effet, dans l'interprétation de cette disposition par la Cour européenne des droits de l'homme, le juge peut considérer sur la base d'autres facteurs que, dans son ensemble, le procès s'est néanmoins déroulé de manière équitable. Le fait que le défaut d'assistance par un avocat ne se fonde pas sur un motif impérieux n'y fait pas obstacle, mais a pour seule conséquence que le juge doit examiner avec d'autant plus de rigueur si, dans son ensemble, le procès s'est déroulé de manière équitable. Dans ce cadre, les facteurs dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme ne doivent être pris en considération que s'ils sont pertinents, au regard des circonstances de la cause.

Il ressort de l'arrêt attaqué que, lorsqu'il fit des déclarations auto-incriminantes et remit des documents aux enquêteurs, le premier demandeur n'était pas arrêté. Pour cette raison et en l'absence d'autres éléments, les juges d'appel ont exclu que ce dernier se soit trouvé dans une situation de vulnérabilité lors de ses auditions.

En outre, contrairement à ce que le moyen postule, pour écarter les griefs des demandeurs déduits de l'absence d'assistance d'un avocat et de notification du droit au silence à l'occasion des interrogatoires du premier demandeur, les juges d'appel ne se sont pas bornés à considérer que ce dernier ne s'était pas trouvé dans une situation de vulnérabilité.

Au terme d'une appréciation qui gît en fait, par motifs propres, ils ont en outre d'abord énoncé que le premier demandeur n'avait été soumis à aucune forme de coercition et qu'il n'avait d'ailleurs pas soutenu le contraire, cette considération rendant sans pertinence plusieurs des critères dégagés par la Cour européenne des droits de l'homme.

Ils ont ensuite considéré qu'il n'apparaissait pas que le premier demandeur n'avait pu consulter un avocat en dehors de ses auditions, ni qu'il avait été privé de la possibilité de contester l'authenticité des factures et des lettres de voiture qu'il avait remises aux enquêteurs, ni qu'il ait jamais sollicité que ses déclarations soient rectifiées, tandis que la décision que les demandeurs ont commis les faits des préventions de faux, d'usage de faux et d'atteinte méchante ou frauduleuse aux droits d'auteur, repose sur plusieurs preuves, énumérées par les juges d'appel à la page 25 de l'arrêt, et dont les déclarations du premier demandeur ne constituent qu'un élément.
Enfin, par renvoi aux motifs du premier juge, ils ont estimé que le premier demandeur avait été averti, avant toute audition, que ses déclarations pouvaient être utilisées comme preuve en justice, qu'il n'a jamais été contraint de s'incriminer lui-même, qu'il a volontairement remis des documents aux enquêteurs et que la décision rendue sur la culpabilité ne prendrait pas seulement appui sur ces déclarations, mais également sur les constatations de la police, les éléments matériels figurant au dossier et les dires d'autres prévenus.

Par ces motifs, l'arrêt examine avec la précision requise l'incidence de la circonstance que le premier demandeur n'a pas été assisté d'un conseil, lors de ses auditions par la police, sur le caractère équitable de la procédure dans son ensemble et sur son droit de garder le silence et de ne pas être contraint de faire des déclarations en particulier. Partant, la décision que le procès dans son ensemble s'est déroulé de manière équitable est légalement justifiée.

Le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de cent quarante-trois euros soixante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du cinq février deux mille vingt par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0623.F
Date de la décision : 05/02/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-02-05;p.19.0623.f ?

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