La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/01/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0291.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 janvier 2020, C.19.0291.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0291.F
BELFIUS BANQUE, société anonyme, dont le siège social est établi à Saint-Josse-ten-Noode, place Charles Rogier, 11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.201.185,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

B. L.,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en

cassation est dirigé contre le jugement rendu le 28 décembre 2018 par le tribunal de première instance de L...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0291.F
BELFIUS BANQUE, société anonyme, dont le siège social est établi à Saint-Josse-ten-Noode, place Charles Rogier, 11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.201.185,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

B. L.,
défendeur en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 28 décembre 2018 par le tribunal de première instance de Liège, statuant en degré d'appel.
Le 8 janvier 2020, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 1er, 20°, 10, 11, §§ 1er, alinéa 2, et 4, 14, § 2, 7°, 15, 19, 86 et 93 de la loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation, telle qu'elle était applicable avant son abrogation par la loi du 19 avril 2014 portant insertion du livre VII « Services de paiement et de crédit » dans le Code de droit économique, portant insertion des définitions propres au livre VII et des peines relatives aux infractions au livre VII dans les livres Ier et XV du Code de droit économique, et portant diverses autres dispositions ;
- articles 1146, 1147, 1149, 1150, 1151, 1370, 1371 et 1376 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués

1. Le jugement attaqué reçoit les appels, déclare l'appel de la demanderesse non fondé et l'appel [du défendeur] fondé. En conséquence, il confirme le jugement entrepris en ce qu'il libère le défendeur de toute obligation future concernant le contrat de prêt litigieux mais le réforme en ce qu'il condamne la demanderesse à payer [au défendeur] la somme de 12.870 euros à majorer des intérêts au taux légal depuis le 22 février 2016 jusqu'au complet paiement. Il condamne enfin [la demanderesse] aux dépens de première instance et d'appel [du défendeur].
2. Le jugement attaqué se fonde sur l'ensemble de ses motifs, tenus ici pour intégralement reproduits et, en particulier, sur les motifs suivants :
« La loi sur le crédit à la consommation et, en particulier, les articles 10, 11 et 15 de celle-ci, imposent le devoir de conseiller la meilleure forme de crédit eu égard au but de celui-ci et, partant, oblige le prêteur à s'enquérir du but du crédit ; la [demanderesse] avait ainsi un rôle actif, devant interroger adéquatement [le défendeur] afin d'avoir les informations nécessaires lui permettant de prendre une décision d'octroi de crédit la plus adéquate pour ce dernier.
De plus, l'article 14, en son second paragraphe, au point 7, de la loi sur le crédit à la consommation impose de mentionner dans le contrat, le cas échéant, la spécification du bien ou du service financé.
La [demanderesse] ne peut donc pas invoquer son ignorance du but du crédit pour justifier l'absence de mention dans le contrat qui, in casu, reprend la mention ‘Éco-crédit habitation'.
En outre, il ressort des éléments du dossier que la [demanderesse] avait une parfaite connaissance du but du crédit.
En effet, il ressort des éléments du dossier que :
 Home Vision a établi une facture d'un montant de 35.000 euros pour une installation photovoltaïque en date du 17 janvier 2013 ;
 Home Vision a écrit en date du 29 janvier 2013 une attestation selon laquelle, ‘conformément au contrat conclu le 18 décembre 2012 (...), nous nous engageons à vous verser, après réception de votre paiement de 35.000 euros, une mensualité de 385,61 euros sur votre compte Belfius (....) et ce, pour une durée de 120 mois (....)' ;
 le contrat de crédit avec la [demanderesse] est conclu le 6 février 2013 pour un montant emprunté de 35.000 euros et une mensualité de 385,61 euros pendant 120 mois ;
 tous les documents Belfius relatifs au crédit sont tous du même jour (le 6 février 2013) avec la référence ‘U.V.001537' et de l'agence ..., à savoir le contrat d'assurance, le Belfius Credit Project, la cession de rémunérations et de créances, le contrat de prêt à tempérament, l'annexe au dossier, le paiement crédit et le décompte moyens de paiement ;
 il est ainsi repris à l'annexe du contrat quant aux autres revenus [du défendeur] la somme mensuelle de ‘385,81 euros', soit le montant que Home Vision s'est engagée à verser mensuellement sur le compte Belfius [du défendeur] ;
 le document ‘paiement crédit Xi' avec ladite référence ‘U.V.001537' mentionne ainsi le paiement de 35.000 euros sur le compte [du défendeur] (numéro d'archivage 05001EX26/2 002) puis le document ‘décompte moyens de paiement Xi' avec ladite référence ‘U.V.001537' mentionne le versement du compte [du défendeur] sur le compte de Home Vision avec en communication la référence de la facture de Home Vision (numéro d'archivage 05001EX26 / 2 003) ;
 enfin, par courrier du 7 août 2014, la [demanderesse] a écrit [au défendeur], avec un cynisme et une mauvaise foi certains, notamment ce qui suit : ‘En effet, l'article 19 sur lequel vous vous basez suppose que le contrat de crédit mentionne le bien ou la prestation de service financé ou que le montant du contrat de crédit soit versé directement par le prêteur au vendeur ou prestataire de services. En l'espèce, aucune de ces deux conditions n'est remplie. S'il est vrai que la banque connaissait l'objet du crédit souscrit, le contrat de prêt ne mentionne pas le bien financé et le montant du crédit a été mis à disposition sur votre compte (....), il apparaît qu'ensuite vous avez effectué vous-même un virement en faveur de la société installatrice de panneaux solaires'.
Ces éléments factuels démontrent que la [demanderesse] a manqué à ses obligations contractuelles de conseil et a volontairement omis, alors qu'elle en avait l'obligation légale, de mentionner le but du crédit pour éviter l'application des articles 1er, 20°, et 19 de la loi sur le crédit à la consommation, loi qu'elle pratique couramment en sa qualité de professionnelle du crédit à la consommation et dont elle a omis fautivement d'informer [le défendeur] du contenu.
Au vu de ces mêmes éléments et des articles ci-avant repris, les conditions d'application de l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation étaient en réalité remplies puisque, non seulement la [demanderesse] savait que le but du crédit était de financer une installation de panneaux photovoltaïques et a volontairement omis de le mentionner au contrat, mais en outre elle en connaissait le bénéficiaire et a fait le nécessaire pour que le montant lui soit versé le jour même, à l'occasion de la signature du contrat de crédit.
Le fait que la [demanderesse] ait, ici encore, voulu se soustraire à ses obligations légales, en faisant transiter pendant quelques minutes le montant de 35.000 euros par le compte [du défendeur] pour échapper à ses obligations démontre sa mauvaise foi, évidente au vu de ses propres documents, ainsi que le tribunal [d'appel] les a relevés ci-avant.
En outre, l'article 19 suspend la prise de cours des obligations du consommateur jusqu'à la livraison du bien ou la fourniture du service et interdit par ailleurs au prêteur de remettre le montant du crédit au vendeur ou fournisseur de services avant la notification de la livraison.
En l'espèce aucune notification de la livraison (telle qu'elle est prévue par l'article 19) n'a eu lieu.
Ainsi, alors qu'il lui appartenait de conseiller au mieux [le défendeur] dans le cadre de l'octroi d'un crédit, la [demanderesse] a tout fait pour octroyer un crédit et en toucher les intérêts rémunérateurs sans se soucier de la situation [du défendeur] (pourtant son client) et sans le conseiller, puisque, au contraire, elle a mis en place un système précis pour contourner l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation (omission volontaire du but du crédit et faire transiter l'argent pendant quelques minutes par le compte du client) sans en avertir loyalement son client.
Elle a ainsi volontairement tu [au défendeur] l'existence de la protection particulière dont il pouvait bénéficier, alors qu'elle aurait au contraire dû la lui donner en lui spécifiant qu'il renonçait, s'il suivait sa banque dans le système litigieux, à cette protection ».
3. Le jugement attaqué en conclut que, « en conséquence de l'ensemble de ces éléments, compte tenu des manquements fautifs de la [demanderesse] ainsi relevés, il y a lieu, que ce soit en application de l'article 86 de la loi sur le crédit à la consommation ou en application de la réparation intégrale du dommage subi par [le défendeur] en lien causal avec les fautes commises par la [demanderesse] dans le cadre de conseiller professionnel de crédit, non seulement de libérer [le défendeur] de toute obligation de remboursement futur, mais également de condamner la [demanderesse] à le rembourser des sommes qu'il a versées en exécution du contrat litigieux ».

Griefs

Première branche

1. Aux termes de l'article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation :
« le contrat de crédit lié [est] un contrat de crédit en vertu duquel :
a) le crédit en question sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou à la prestation de services particuliers, et
b) ces deux contrats constituent, d'un point de vue objectif, une unité commerciale. Une unité commerciale est réputée exister lorsque le fournisseur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit au consommateur ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du fournisseur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou lorsque des biens particuliers ou la fourniture d'un service particulier sont mentionnés spécifiquement dans le contrat de crédit ».
Il en résulte qu'il est question de « crédit lié » lorsque le crédit a pour unique but de financer l'achat d'un bien particulier et que la vente forme avec le crédit une unité commerciale, qui est réputée exister dans trois hypothèses :
 lorsque le vendeur finance lui-même le crédit au consommateur : le vendeur endosse également le rôle de prêteur en concluant une vente à tempérament avec le consommateur ;
 lorsque le prêteur fait appel aux services du vendeur pour la conclusion ou à tout le moins la préparation du contrat de crédit : il s'agit notamment des hypothèses dans lesquelles le vendeur intervient en tant que sous-agent ou agent à titre accessoire, à tout le moins, du moins, si le prêteur a connaissance de son intervention en une telle qualité ;
 lorsqu'un bien particulier est spécifiquement mentionné dans le contrat de crédit : à savoir, lorsque l'article 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation impose de mentionner dans le contrat de crédit le bien financé et son prix au comptant, le législateur semblant, à première vue, consacrer de la sorte un regrettable renvoi circulaire entre ces deux dispositions.
Aux termes de cette dernière disposition, en effet, « le contrat de crédit mentionne, de façon claire et concise : (...) 7° si le crédit est accordé sous la forme d'un délai de paiement pour un bien ou un service donné ou, dans le cas des contrats de crédit liés, ce produit ou service et son prix au comptant ».
La Cour a précisé, par un arrêt du 28 mars 2019, que lorsque (i) il n'est pas établi que la banque avait connaissance de l'existence du contrat financé et que (ii) l'identité du vendeur ou prestataire de services n'était pas connue par le prêteur, le juge ne peut légalement décider que le crédit litigieux est un crédit lié au sens de l'article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation sur la base des seuls motifs suivant lesquels (i) les deux contrats constituent, d'un point de vue objectif, une unité commerciale car l'un n'allait pas sans l'autre et (ii) que, parce que la préparation du contrat de crédit s'est faite grâce aux services du fournisseur, la loi réputerait cette unité commerciale.
Il en résulte que le simple fait qu'un contrat de crédit soit conclu avec pour objet le financement d'un bien ou d'un service particulier ne suffit pas à le qualifier de « lié » au sens de l'article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation, à défaut d'unité commerciale objective suffisante.
Cet arrêt confirme qu'il ne suffit pas que la préparation du contrat de crédit ait été effectuée grâce aux services du vendeur car il faut également que cette intervention traduise une certaine association entre lui et le prêteur dans le cadre de l'opération en question, seul élément de nature à établir qu'il existe une unité commerciale objective entre eux et, partant, un lien entre le contrat de crédit et le bien (ou le service) financé au sens de la loi sur le crédit à la consommation.
Ainsi, le fait qu'un bien ou un service particulier spécifiquement mentionné dans le contrat de crédit est réputé par la loi établir l'existence d'une unité commerciale s'explique parce qu'il peut s'analyser comme une reconnaissance par le prêteur de l'existence d'un lien commercial entre lui et le fournisseur du bien ou du produit en question ; c'est d'ailleurs un tel lien qui est visé par les deux autres hypothèses de l'article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation (confusion des qualités de vendeur et de prêteur ou rôle du vendeur dans la conclusion ou la préparation du crédit).
La formalité requise par l'article 14, § 2, 7°, de cette loi ne s'impose donc au prêteur que lorsque le crédit est effectivement lié au contrat financé, à savoir lorsqu'il existe une unité commerciale objective entre eux au sens défini ci-avant.
Ce n'est que dans un tel cas que l'article 86 de cette loi, qui prévoit qu'en cas de non-respect de son obligation de reconnaître que le contrat en cause est un crédit lié au moyen de la mention du bien ou du produit financé, « sans préjudice des sanctions de droit commun, le juge annule le contrat ou réduit les obligations du consommateur au maximum jusqu'au prix au comptant ou au montant emprunté », peut valablement sortir ses effets.

2. Sur la base des seules constatations suivant lesquelles :
 le contrat de crédit litigieux contient la mention « Éco-crédit habitation » ;
 les mensualités de remboursement du crédit litigieux étaient identiques à celles que Home Vision s'engageait à verser au défendeur en contrepartie de la cession des primes liées à la pose des panneaux solaires financés ;
 « il est (...) repris à l'annexe du contrat [de crédit] quant aux autres revenus [du défendeur] la somme mensuelle de ‘385,81 euros', soit le montant que Home Vision s'est engagée à verser mensuellement sur le compte Belfius [du défendeur] »,
le jugement attaqué décide que :
 « [la demanderesse] a manqué à ses obligations contractuelles de conseil et a volontairement omis, alors qu'elle en avait l'obligation légale [en vertu de l'article 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation], de mentionner le but du crédit pour éviter l'application des articles 1er, 20°, et 19 de cette loi », et que
 « compte tenu des manquements fautifs de la [demanderesse] ainsi relevés, il y a lieu (...), en application de l'article 86 de la loi sur le crédit à la consommation (...), non seulement de libérer [le défendeur] de toute obligation de remboursement futur, mais également de condamner la [demanderesse] à le rembourser des sommes qu'il a versées en exécution du contrat litigieux »,
en se fondant sur les motifs que :
 « [la demanderesse] a manqué à ses obligations contractuelles de conseil et a volontairement omis, alors qu'elle en avait l'obligation légale [en vertu de l'article 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation], de mentionner le but du crédit pour éviter l'application des articles 1er, 20°, et 19 de la loi sur le crédit à la consommation », et que,
 « compte tenu des manquements fautifs de la [demanderesse] ainsi relevés, il y a lieu (...), en application de l'article 86 de la loi sur le crédit à la consommation (...), non seulement de libérer [le défendeur] de toute obligation de remboursement futur, mais également de condamner la [demanderesse] à le rembourser des sommes qu'il a versées en exécution du contrat litigieux ».
Ce faisant, le jugement attaqué déduit l'existence d'une obligation contractuelle de conseil au regard des articles 1134, 1135, 1146, 1147, 1149, 1150 et 1151 du Code civil et de mentionner le bien ou le service financé dans le contrat de crédit, pour le prêteur, des seules circonstances qu'il connaissait l'identité du fournisseur de ce bien ou de ce service ainsi que du fait que le crédit était exclusivement destiné à financer un contrat relatif à la fourniture de biens ou de services particuliers.
Or, c'est l'existence d'une unité commerciale objective entre le contrat de crédit et le contrat financé dans les circonstances décrites à l'article 1er, 20°, de la loi sur le crédit à la consommation qui rend applicable l'exigence de forme visée à l'article 14, § 2, 7, de cette loi.
Le jugement attaqué assimile de la sorte la connaissance du fait que le crédit est destiné à financer un bien ou un service particulier et de l'identité du fournisseur de ce bien ou de ce service avec le fait qu'il existerait une unité commerciale objective entre le contrat de crédit et le contrat financé.
3. En conséquence, le jugement attaqué qui, sans constater l'existence d'une unité commerciale objective entre le contrat de crédit et le contrat financé, décide que le prêteur était tenu de reconnaître à ce crédit la qualité de crédit lié au moyen de la mention visée à l'article 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation, n'est pas légalement justifié (violation de cette disposition, des articles 1er, 20°, et 86 de cette loi, ainsi que des articles 1134, 1135, 1146, 1147, 1149, 1150 et 1151 du Code civil).

Deuxième branche

La nullité est un mode de dissolution des contrats ex tunc, opérant donc avec effet rétroactif.

Il découle de la combinaison des articles 1134, 1135, 1146, 1147, 1149, 1150, 1151, 1370, 1371 et 1376 du Code civil que l'annulation d'une convention emporte, en principe, l'obligation pour les parties de se restituer réciproquement l'objet des prestations reçues en vertu de celle-ci.
En matière de crédit à la consommation, l'article 86 de la loi sur le crédit à la consommation prévoit que, « sans préjudice des sanctions de droit commun, le juge annule le contrat ou réduit les obligations du consommateur au maximum jusqu'au prix au comptant ou au montant emprunté, lorsque le prêteur ne respecte pas les mentions visées [à l'article 14, § 2, 7°, de cette loi] ».
Lorsque le juge fait application de l'article 86 précité pour annuler une convention de crédit, il doit condamner le prêteur et le consommateur à se rembourser les montants perçus de part et d'autre.
Il ne peut en revanche modaliser ou supprimer, en tout ou en partie, ces restitutions.
1. Après avoir constaté que :
 le contrat de crédit litigieux contient la mention « Éco-crédit habitation » ;
 les mensualités de remboursement du crédit litigieux étaient identiques à celles que Home Vision s'engageait à verser au défendeur en contrepartie de la cession des primes liées à la pose des panneaux solaires financés ;
 « il est (...) repris à l'annexe du contrat [de crédit] quant aux autres revenus [du défendeur] la somme mensuelle de ‘385,81 euros', soit le montant que Home Vision s'est engagée à verser mensuellement sur le compte Belfius [du défendeur] »,
le jugement attaqué décide que :
 « compte tenu des manquements fautifs de la [demanderesse], (...) il y a lieu (...), en application de l'article 86 de la loi sur le crédit à la consommation (...), non seulement de libérer [le défendeur] de toute obligation de remboursement futur, mais également de condamner la [demanderesse] à le rembourser des sommes qu'il a versées en exécution du contrat litigieux »,
au motif que :
 « [la demanderesse] a manqué à ses obligations contractuelles de conseil et a volontairement omis, alors qu'elle en avait l'obligation légale [en vertu de l'article 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation], de mentionner le but du crédit pour éviter l'application des articles 1er, 20°, et 19 de cette loi ».
Or, conformément aux principes rappelés ci-avant, l'annulation du contrat litigieux que l'article 86 précité permet au juge de prononcer devait nécessairement entraîner des restitutions réciproques entre les parties, qui ne peuvent, en règle, être ni modalisées ni supprimées en tout ou en partie.
2. En conséquence, le jugement attaqué qui, sur la base des considérations qui précèdent, décide que le défendeur ne doit pas restituer le montant du crédit, n'est pas légalement justifié au regard des articles 1146, 1147, 1149, 1150, 1151, 1370, 1371 et 1376 du Code civil, ainsi que 86 de la loi sur le crédit à la consommation (violation de ces dispositions légales).

Troisième branche

1. L'article 10 de la loi sur le crédit à la consommation prévoit que « le prêteur et l'intermédiaire de crédit sont tenus de demander au consommateur sollicitant un contrat de crédit (...) les renseignements exacts et complets qu'ils jugent nécessaires afin d'apprécier leur situation financière et leurs facultés de remboursement et, en tout état de cause, leurs engagements financiers en cours ».
L'article 11 de la même loi complète cette obligation en disposant que :
« § 1er. En temps utile avant que le consommateur ne soit lié par un contrat ou une offre de crédit, le prêteur (...) donne (...) à celui-ci, sur la base des clauses et conditions du crédit proposé par le prêteur et, éventuellement, des préférences exprimées par le consommateur et des informations fournies par ce dernier, les informations nécessaires à la comparaison des différentes offres pour prendre une décision en connaissance de cause sur la conclusion d'un contrat de crédit (...). Le prêteur est présumé avoir respecté les exigences en matière d'information prévues au présent paragraphe et à l'article 50 de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur s'il a fourni les informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs.
Ces informations portent sur :
1° le type de crédit ; (...)
5° en cas de crédit accordé sous la forme d'un délai de paiement pour un bien ou un service donné et de contrats de crédit liés, ce bien ou service et son prix au comptant. (...)
§ 4. Les prêteurs et, le cas échéant, les intermédiaires de crédit fournissent au consommateur des explications adéquates grâce auxquelles celui-ci sera en mesure de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, le cas échéant en expliquant l'information précontractuelle qui doit être fournie conformément au paragraphe 1er, les caractéristiques essentielles des produits proposés et les effets particuliers qu'ils peuvent avoir sur le consommateur, y compris les conséquences d'un défaut de paiement du consommateur ».
Enfin, l'article 15 de cette loi consacre un devoir de conseil du prêteur dans les termes suivants : « le prêteur et l'intermédiaire de crédit sont tenus de rechercher, dans le cadre des contrats de crédit qu'ils offrent habituellement ou pour lesquels ils interviennent habituellement, le type et le montant du crédit les mieux adaptés, compte tenu de la situation financière du consommateur au moment de la conclusion du contrat et du but du crédit ».
Les devoirs d'information, d'explication et de conseil visés par les articles 10, 11 et 15 de la loi sur le crédit à la consommation ne concernent donc que le type de produit proposé au consommateur (prêt ou vente à tempérament, ouverture de crédit ...), ainsi que leur adéquation tant à la situation financière du consommateur qu'à ce pour quoi celui-ci entend le souscrire.
Ils ne portent par contre en aucune manière sur le fait qu'une mention expresse du bien ou service financé dans le contrat de crédit pourrait permettre au consommateur de bénéficier de la protection offerte par la loi en cas de crédits liés même lorsqu'il n'existe pas d'unité commerciale objective entre le contrat de crédit et le contrat financé au sens des articles 1er, 20°, et 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation.
Ce n'est dès lors que dans cette dernière hypothèse qu'il serait coupable, pour le prêteur, de taire au consommateur les conséquences découlant de la mention visée à l'article 14, § 2, 7°, et, de la sorte, de le priver volontairement de la protection découlant du lien entre le contrat de crédit et le contrat financé en vertu de l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation, qui prévoit que :
« Lorsque le contrat de crédit mentionne le bien ou la prestation de service financé ou que le montant du contrat de crédit est versé directement par le prêteur au vendeur ou prestataire de services, les obligations du consommateur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la prestation du service : en cas de vente ou de prestation de services à exécution successive, elles prennent effet à compter du début de la livraison du produit ou de la prestation du service et cessent en cas d'interruption de celles-ci, sauf si le consommateur reçoit lui-même le montant du crédit et que l'identité du vendeur ou du prestataire de service n'est pas connue du prêteur.
Le montant du crédit ne peut être remis au vendeur ou au prestataire de services qu'après notification au prêteur de la livraison du bien ou de la prestation du service.
La notification visée au deuxième alinéa est constituée sur un support papier ou un autre support durable, notamment un document de livraison, daté et signé par le consommateur.
L'intérêt dû en vertu du contrat de crédit ne prend cours qu'à la date de cette notification ».
De la même manière, en l'absence d'une quelconque unité commerciale entre le vendeur et le prêteur, rien n'oblige ce dernier à conseiller au consommateur de prévoir que le montant du crédit sera directement versé au fournisseur du bien ou du service, en vue de lui permettre d'opposer au prêteur la prescription de l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation et de l'article 93 de cette loi, qui en sanctionne le non-respect.

La référence que l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation fait au paiement au vendeur est en effet destinée à pallier l'absence coupable de mention du bien ou du service financé dans le contrat de crédit (en violation de l'article 14, § 2, 7°, de la loi sur le crédit à la consommation) et non à créer artificiellement une unité commerciale entre le contrat de crédit et le contrat financé.
2. Après avoir constaté que :
 le contrat de crédit litigieux contient la mention « Éco-crédit habitation » ;
 les mensualités de remboursement du crédit litigieux étaient identiques à celles que Home Vision s'engageait à verser au défendeur en contrepartie de la cession des primes liées à la pose des panneaux solaires financés,
 « il est (...) repris à l'annexe du contrat [de crédit] quant aux autres revenus [du défendeur] la somme mensuelle de ‘385,81 euros', soit le montant que Home Vision s'est engagée à verser mensuellement sur le compte Belfius [du défendeur] »,
le jugement attaqué décide que le comportement de la demanderesse « dans le cadre de conseiller professionnel de crédit » était fautif et, en conséquence, décide également qu'« en application de la réparation intégrale du dommage subi par le défendeur en lien causal avec les fautes commises par la [demanderesse], [il y a lieu], non seulement de libérer le défendeur de toute obligation de remboursement futur, mais également de condamner la [demanderesse] à le rembourser des sommes qu'il a versées en exécution du contrat litigieux », aux motifs que :
 « il ressort des éléments du dossier que la [demanderesse] avait une parfaite connaissance du but du crédit » ;
 « la [demanderesse] savait que le but du crédit était de financer une installation de panneaux photovoltaïques et a volontairement omis de le mentionner au contrat, mais en outre elle en connaissait le bénéficiaire et a fait le nécessaire pour que le montant lui soit versé le jour même » ;
 « les conditions d'application de l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation étaient en réalité remplies puisque, non seulement la [demanderesse] savait que le but du crédit était de financer une installation de panneaux photovoltaïques et a volontairement omis de le mentionner au contrat, mais en outre elle en connaissait le bénéficiaire et a fait le nécessaire pour que le montant lui soit versé le jour même, à l'occasion de la signature du contrat de crédit » ;
 « la [demanderesse] avait ainsi un rôle actif, devant interroger adéquatement [le défendeur] afin d'avoir les informations nécessaires lui permettant de prendre une décision d'octroi de crédit la plus adéquate pour ce dernier » ;
 « la [demanderesse] a manqué à ses obligations contractuelles de conseil et a volontairement omis, alors qu'elle en avait l'obligation légale, de mentionner le but du crédit pour éviter l'application des articles 1er, 20°, et 19 de la loi sur le crédit à la consommation, loi qu'elle pratique couramment en sa qualité de professionnelle du crédit à la consommation et dont elle a omis fautivement d'informer [le défendeur] du contenu » ;
 « alors qu'il lui appartenait de conseiller au mieux [le défendeur] dans le cadre de l'octroi d'un crédit, la [demanderesse] a tout fait pour octroyer un crédit et en toucher les intérêts rémunérateurs sans se soucier de la situation [du défendeur] (pourtant son client) et sans le conseiller, puisque, au contraire, elle a mis en place un système précis pour contourner l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation (omission volontaire du but du crédit et faire transiter l'argent quelques minutes par le compte du client) sans en avertir loyalement son client ».
De la sorte, le jugement attaqué, sans avoir constaté l'existence d'une quelconque unité commerciale entre le contrat de crédit litigieux et le contrat liant le défendeur à Home Vision, considère que la demanderesse était tenue de faire bénéficier le défendeur du régime protecteur que l'article 19 de la loi sur le crédit à la consommation offre au consommateur lorsqu'il existe un lien entre le contrat de crédit et le contrat en vue duquel le financement est demandé et en déduit qu'elle aurait violé ses obligations légales d'information, d'explication et de conseil, cette dernière étant également de nature contractuelle.
Or, ce régime protecteur n'est pas applicable en l'espèce car rien n'impose au prêteur, ni de conseiller à l'emprunteur d'ajouter une mention qui ne correspondrait à aucune réalité économique ou juridique, ni de lui suggérer une modalisation de la mise à disposition des fonds prêtés, destinée à créer artificiellement un lien juridique entre le prêteur et le fournisseur du bien ou du service financé alors qu'il n'existe aucune unité commerciale objective entre eux.
3. En conséquence, le jugement attaqué, qui, sur la base des considérations qui précèdent, décide que [la demanderesse] a commis un comportement fautif envers le défendeur, n'est pas légalement justifié au regard des articles 1er, 20°, 10, 11, 14, § 2, 7°, 15, 19 et 93 de la loi sur le crédit à la consommation, 1146, 1147, 1150 et 1151 du Code civil.

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

En vertu de l'article 1er, 20°, de la loi du 12 juin 1991 sur le crédit à la consommation qui assure la transposition en droit belge de l'article 3, n), de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, le contrat de crédit lié est un contrat de crédit en vertu duquel le crédit en question sert exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou à la prestation de services particuliers, et ces deux contrats constituent, d'un point de vue objectif, une unité commerciale. Une unité commerciale est réputée exister lorsque le fournisseur ou le prestataire de services finance lui-même le crédit au consommateur ou, en cas de financement par un tiers, lorsque le prêteur recourt aux services du fournisseur ou du prestataire pour la conclusion ou la préparation du contrat de crédit ou lorsque des biens particuliers ou la fourniture d'un service particulier sont mentionnés spécifiquement dans le contrat de crédit.
En son considérant 37, la directive précitée précise, à propos du droit de rétractation dans le cas d'un contrat de crédit lié au sens de l'article 3, n), qu'en cas de contrats de crédit liés, il existe un rapport de dépendance réciproque entre l'achat de biens ou services et le contrat de crédit conclu à cette fin.
Il s'ensuit sans aucun doute raisonnable que l'unité commerciale objective requise doit exister, non entre le prêteur et le fournisseur ou le prestataire, mais entre l'achat de biens ou services et le contrat de crédit conclu à cette fin.
Le moyen, qui, en cette branche, repose tout entier sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la troisième branche :

Le moyen, qui, en cette branche, est entièrement déduit de l'absence de constatation de l'existence d'une unité commerciale objective entre le contrat de crédit et le contrat financé par le jugement attaqué, vainement dénoncée par la première branche du moyen, est irrecevable.

Quant à la deuxième branche :

Le jugement attaqué considère, sans être critiqué, que, « compte tenu des manquements fautifs de la [demanderesse], il y a lieu [...], en application de la réparation intégrale du dommage subi par [le défendeur] en lien causal avec les fautes commises par la [demanderesse] dans le cadre de conseiller professionnel de crédit, non seulement de libérer [le défendeur] de toute obligation de remboursement futur, mais également de condamner la [demanderesse] à le rembourser des sommes qu'il a versées en exécution du contrat litigieux ».
Cette considération suffit à fonder la décision du jugement attaqué de libérer le défendeur de toute obligation de remboursement futur et de condamner la demanderesse à le rembourser des sommes déjà versées.
Dirigé contre la considération surabondante qu'une telle sanction trouve également son fondement dans l'article 86 de la loi du 12 juin 1991, le moyen, qui, en cette branche, ne saurait entraîner la cassation, est dénué d'intérêt, partant, irrecevable.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent quatre-vingt-un euros trente-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et à la somme de six cent cinquante euros due à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du vingt-quatre janvier deux mille vingt par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0291.F
Date de la décision : 24/01/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-24;c.19.0291.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award