La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/2020 | BELGIQUE | N°C.19.0032.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 janvier 2020, C.19.0032.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0032.F
R. S.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

P. R.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dir

igé contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 6...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0032.F
R. S.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,

contre

P. R.,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Par ordonnance du 6 janvier 2020, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Mireille Delange a fait rapport.
L'avocat général Jean Marie Genicot a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la seconde branche :

L'obligation de motiver les jugements et arrêts est une règle de forme.
Le moyen, qui, en cette branche, se borne à critiquer le défaut pour la cour d'appel d'examiner in concreto les différences procédurales décrites par la demanderesse et leur influence sur la bonne administration de la justice, est étranger à l'article 149 de la Constitution, partant, irrecevable.

Quant à la première branche :

Par les considérations que « [la demanderesse n'a] pas été privée de liberté dès l'instant où elle a obstinément refusé de quitter la résidence secondaire de [..] comme le lui demandait le juge de paix (il lui était possible de loger à l'hôtel comme elle l'a fait notamment au Canada et de demander la levée des scellés et l'inventaire à très bref délai) » et que, dès lors, « les différences procédurales entre les deux pays n'[obèrent] pas le critère d'antériorité », l'arrêt examine l'effet sur l'égalité des armes entre les parties de la seule différence procédurale invoquée par la demanderesse, soit que le droit canadien exigerait, pour l'introduction d'une demande en divorce, l'accomplissement de formalités qui ne pouvaient être accomplies à distance.
À défaut de conclusions l'y invitant, l'arrêt n'était pas tenu d'examiner, au regard des exigences d'une bonne administration de la justice au sens de l'article 14 du Code de droit international privé, l'existence d'autres différences procédurales entre la Belgique et le Canada et leur incidence sur l'égalité des armes entre les parties.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

Dans ses conclusions, le défendeur faisait valoir qu'en application de l'article 42, 4°, du Code de droit international privé, les juridictions belges sont compétentes concernant la liquidation du régime matrimonial des parties, lorsque les époux sont belges lors de l'introduction de la demande, et soutenait que cette compétence était particulièrement légitime et naturelle en l'espèce.
Dans ses conclusions, la demanderesse énonçait que la cour d'appel « est également saisie d'une demande de liquidation du régime matrimonial existant entre les époux. [Le défendeur] soutient que les tribunaux belges sont compétents pour se prononcer sur cette demande en vertu de l'article 42 du Code de droit international privé compte tenu de la nationalité belge des deux époux. L'invocation de cette compétence internationale est sujette aux mêmes critiques que celles formulées à l'encontre de la compétence en matière de divorce, dans la mesure où le critère de la nationalité belge des deux époux présente une faiblesse manifeste ».
L'arrêt considère que « les parties semblent certes avoir choisi ensemble leurs lieux de résidence successifs, en fonction du régime fiscal le plus favorable, mais l'on soulignera cependant qu'elles ont choisi de vivre effectivement en Belgique pendant neuf ans, de se marier en Belgique, de conclure un contrat de mariage de droit belge alors qu'au moment du mariage, elles avaient les nationalités française et marocaine, d'acheter non moins de dix biens immobiliers en Belgique et d'y créer plusieurs sociétés ; [que], même si le processus d'installation au Québec était en cours en 2012, elles n'ont pas renoncé à leur demande d'acquisition de la nationalité belge qui est leur nationalité commune. Après leur installation au Québec, les époux ont conservé leur seconde résidence en Belgique, dans laquelle ils sont revenus durant les congés des enfants, ce qui démontre à tout le moins leur attachement certain à la Belgique qui a été leur pays d'accueil pendant près de neuf ans ; [qu']on relèvera encore que les enfants nés de la première union [du défendeur] sont également établis en Belgique ; [que] le critère de la nationalité commune n'est donc pas une coquille vide que [le défendeur] aurait saisie par pure opportunité, mais le reflet de liens réels avec la Belgique ».
Il s'ensuit que l'arrêt fonde la compétence internationale des juridictions belges sur la nationalité belge des époux, en application de l'article 42 du Code de droit international privé.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement que l'arrêt fonderait cette décision sur le seul article 3 du règlement de Bruxelles IIbis combiné avec l'article 9 du Code de droit international privé, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

L'arrêt relève que « la litispendance imparfaite a été créée par [la demanderesse] elle-même qui aurait pu greffer ses demandes sur la demande introduite en premier en Belgique » et il considère que « la fragmentation des procédures doit être évitée, vu les liens étroits qui existent entre les demandes en divorce et liquidation et partage portées en premier lieu devant le juge belge et les demandes de révocation des donations, protection du patrimoine familial, prestation compensatoire portées devant le juge québécois » dès lors que ces dernières demandes sont « destinées à compenser l'apport d'un conjoint à l'enrichissement du patrimoine de l'autre » en sorte qu' « il y a lieu de les instruire et les juger devant les mêmes tribunaux » et que « la connexité justifie la compétence des tribunaux belges pour toutes ces demandes ».
Contrairement à ce que suppose le moyen, en cette branche, l'arrêt examine ainsi si, au regard des exigences d'une bonne administration de la justice, le juge québécois constitue le for le plus approprié pour connaître des demandes relatives à la révocation des donations, à la prestation compensatoire et à la protection du patrimoine familial.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le troisième moyen :

Après avoir déclaré le droit belge applicable à la liquidation du régime matrimonial en vertu de l'article 51 du Code du droit international privé, sous réserve du mode de composition et d'attribution des lots qui sera régi par le droit de l'État sur le territoire duquel les biens sont situés au moment du partage conformément à l'article 53, § 2, du même code, l'arrêt recherche le droit applicable à la demande de la demanderesse relative à une prestation compensatoire en raison de son apport dans l'enrichissement du défendeur.
Il constate que cette institution est régie par l'article 427 du Code civil québécois, en vertu duquel, au moment où il prononce la séparation de corps, le divorce ou la nullité du mariage, le tribunal peut ordonner à l'un des époux de verser à l'autre, en compensation de l'apport de ce dernier, en biens ou en services, à l'enrichissement du patrimoine de son conjoint, une prestation payable au comptant ou par versements, en tenant compte, notamment, des avantages que procurent le régime matrimonial et le contrat de mariage.
Il rapporte que la demanderesse soutient qu'il s'agit d'un effet du mariage soumis au droit québécois en vertu de l'article 48 du Code de droit international privé, alors que le défendeur rattache la prestation compensatoire au régime matrimonial soumis au droit belge.
Il considère qu' « elle est un correctif au régime de la séparation des biens », qu'elle « n'est pas de nature alimentaire », qu'elle est « intimement liée à la liquidation du régime matrimonial », que, dans leur contrat de mariage, les parties « se sont volontairement [référées] aux dispositions du Code civil belge relatives au régime de la séparation des biens » et que le « droit belge [permet] d'appliquer la théorie de l'enrichissement sans cause », et il conclut que le droit belge est applicable à la prestation compensatoire.
Lorsque, faisant application des dispositions du Code de droit international privé en vue de déterminer le droit applicable à une institution prévue par la loi étrangère, le juge du fond recherche le contenu de cette loi, il doit en déterminer la portée en tenant compte de l'interprétation qu'elle reçoit dans le pays dont elle émane.
La Cour vérifie la conformité de la décision du juge du fond à cette interprétation.
En décidant que la prestation compensatoire de droit québécois ne se rattache pas aux effets du mariage visés par l'article 48 du Code de droit international privé, l'arrêt ne donne pas de l'article 427 du Code civil québécois une interprétation qui, compte tenu des interprétations divergentes qu'elle y reçoit, ne pourrait manifestement pas être tenue pour conforme à l'interprétation que cette disposition reçoit au Québec, et il ne viole pas l'article 48 du Code de droit international privé.
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille deux cent dix-huit euros nonante-sept centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt janvier deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0032.F
Date de la décision : 20/01/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-20;c.19.0032.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award