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10/01/2020 | BELGIQUE | N°C.18.0413.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 10 janvier 2020, C.18.0413.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0413.F
1. K. S.,
2. BEST MEDICAL BELGIUM Inc., société de droit américain, dont le siège est établi à Springfield (États-Unis d'Amérique), Fullerton Road, 7643,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

Francis BRINGARD, avocat, curateur à la faillite de la société anonyme Best Medical Belgium,
défendeur en cassation,
représenté

par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenu...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0413.F
1. K. S.,
2. BEST MEDICAL BELGIUM Inc., société de droit américain, dont le siège est établi à Springfield (États-Unis d'Amérique), Fullerton Road, 7643,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

Francis BRINGARD, avocat, curateur à la faillite de la société anonyme Best Medical Belgium,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 mars 2018 par la cour d'appel de Mons.
Le 23 décembre 2019, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent un moyen.

III. La décision de la Cour

Sur le moyen :

Conformément à l'article 4, alinéa 1er, du Titre préliminaire du Code de procédure pénale, lorsque l'action civile n'est pas poursuivie devant le même juge simultanément à l'action publique, son exercice en est suspendu tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique, intentée avant ou pendant l'exercice de l'action civile, pour autant qu'il existe un risque de contradiction entre les décisions du juge pénal et du juge civil et sans préjudice des exceptions expressément prévues par la loi.
L'arrêt énonce qu'« il convient [...] de vérifier concrètement dans quelle mesure l'instruction pénale concerne les mêmes faits et pourrait avoir une incidence sur le sort de l'action civile » et considère, en ce qui concerne l'action en comblement de passif dirigée contre les demandeurs, que, si « [ceux-ci] considèrent que la faute grave et caractérisée qui est invoquée coïncide avec les faits faisant l'objet de l'instruction pénale, en réalité, cette coïncidence n'exclut pas qu'un même fait puisse être constitutif d'une faute au sens de l'article 530 du Code des sociétés alors même qu'il résisterait à la qualification pénale », qu'« une décision prise par les administrateurs pourrait dans un contexte donné être constitutive d'une faute au sens de l'article 530 [précité], peu importe qu'elle soit également constitutive d'une infraction » et qu'« il convient d'examiner chacune des trois opérations litigieuses ».
S'agissant de la première opération relative à « un prêt de 5.500.000 euros à la société Best Theratronics Ltd », il constate que « l'enquête pénale porte [...] sur la légitimité de ces transferts de fonds et sur l'existence éventuelle d'une fraude au préjudice de [la société faillie], notamment parce que le bénéficiaire du prêt n'est pas l'emprunteur identifié ».

Il considère que « le fait de consentir un prêt de 5.500.000 euros, épuisant de la sorte près de la moitié du capital social, alors qu'il s'agit d'une entreprise en difficulté, qui vient d'être recapitalisée pour mener à bien une restructuration, n'est pas une décision qu'un dirigeant normalement prudent et raisonnable aurait adoptée », que « le curateur a souligné, sans être démenti, qu'une telle décision aurait le cas échéant pu être conçue dans un contexte de prêt à une société ‘soutenante', mais rien n'a été démontré en l'espèce », que « l'analyse stratégique transmise par la [société faillie] aux administrateurs provisoires le 24 janvier 2012 démontre que cette opération ne s'inscrivait pas dans le plan initial lors de la reprise », que, « de même, les prévisions financières n'en font pas davantage mention », « la pièce 6 b révèl[ant] que cette opération n'est absolument pas intégrée dans le plan de départ », que, « d'ailleurs, le conseil d'entreprise qui s'était réuni avant l'opération litigieuse, soit le 8 mars 2011, n'en fait aucune mention », que, « par contre, [l]e procès-verbal [du 8 mars 2011] témoigne des demandes du réviseur [...] : soulignant que la situation financière de l'entreprise est difficile, il précise qu'il est nécessaire d'augmenter le capital, de façon à ce que la société se retrouve avec des fonds propres d'environ 10 à 11 millions d'euros », que, « dans ce contexte, eu égard aux besoins de fonds propres et de trésorerie de la société [faillie], le prêt consenti à une société sœur du groupe, sans retour de soutien, n'est pas une option raisonnable », que « cette opération a incontestablement creusé un trou de 5.500.000 euros dans la trésorerie de la société [faillie] », qu'« elle en avait pourtant besoin, de son aveu même ». Il déduit de ces énonciations que, « quelle que soit l'éventuelle qualification des faits au pénal, ce prêt est en toute hypothèse une décision de gestion fautive dans le chef des administrateurs ».
S'agissant des deuxième et troisième opérations portant sur l'achat de deux cyclotrons ayant donné lieu au paiement de 1.420.133,10 euros pour le premier et 2.736.133,10 euros pour le second, l'arrêt constate que « l'enquête pénale porte [...] sur la réalité de ces contrats, compte tenu des dates des commandes et versements, sachant que le site de Fleurus n'était pas en état de recevoir les deux cyclotrons ».

Après avoir relevé que, « lors de la reprise de Nordion par [la société faillie], l'achat de cyclotron était évoqué » et avoir énuméré les exigences indiquées par l'A.F.C.N. sur ce point, il considère qu'« il en résulte qu'avant de commander les cyclotrons, des démarches essentielles devaient être menées par le nouvel exploitant », que « ces informations sont contenues dans un rapport d'une réunion du 30 mars 2011, et [qu']il n'est pas démontré que les démarches aient été entamées ou a fortiori aient abouti avant l'achat du premier cyclotron », qu'« au contraire, la commande du cyclotron est datée du 11 avril 2011 alors que les pièces [qu'il cite] démontrent que les renseignements pour obtenir l'autorisation d'exploiter un nouveau cyclotron ont été demandées après l'achat, soit le 13 avril 2011 », qu'« il ne paraît pas prudent et raisonnable de commander un tel appareil sans avoir, préalablement, examiné de manière précise toutes les formalités à accomplir et vérifié les autorisations administratives qui seraient exigées », que « ces informations ne sont effectivement données par l'A.F.C.N. que le 20 avril 2011, au cours d'une réunion de travail, soit une semaine après la commande », que, « dans un tel contexte, et compte tenu des difficultés financières préexistantes de la société, le fait de commander une machine pour un budget aussi important sans s'être préalablement assuré, voire simplement informé de la faisabilité du projet, constitue, dans les circonstances de l'espèce, une décision fautive », que, « d'ailleurs, aucun plan financier établi avant la procédure de réorganisation judiciaire ne détaille l'amortissement et les retours sur investissements espérés de cette acquisition », que, « si un redémarrage d'entreprise suppose parfois qu'un nouvel investissement soit consenti, pour moderniser l'outil, pour diminuer les coûts de production, pour développer d'autres produits ou de nouveaux marchés, une telle décision doit nécessairement être réfléchie et budgétée », qu'« or, aucune des pièces remises par les [demandeurs] ne permet de vérifier que ce travail d'étude préalable a été adéquatement mené ». Il déduit de ces énonciations que, « quelle que soit l'éventuelle qualification des faits au pénal, cette commande est en toute hypothèse une décision de gestion fautive dans le chef des administrateurs ».

S'agissant de l'achat du second cyclotron, il considère que « le fait de commander une nouvelle machine, d'un coût encore plus important que la première, dans les mêmes circonstances (absence d'autorisation préalable de l'A.F.C.N., absence de budget préalable et de plan financier acceptable) est, pour les mêmes motifs, gravement fautif dans le chef d'un dirigeant normalement prudent et diligent », qu'en outre, « cette dernière opération a pour effet de priver totalement la société de ses dernières liquidités alors que la situation financière était, en août 2011, gravement détériorée et que le climat social montait en tensions », qu'« elle s'explique d'autant moins que la première machine n'avait pas encore été livrée et qu'aucune idée des conséquences pratiques de cet investissement n'était possible ». Il déduit de ces énonciations que, « quelle que soit l'éventuelle qualification des faits au pénal, cette commande est en toute hypothèse une décision de gestion fautive dans le chef des administrateurs ».
Par ces considérations d'où il suit qu'il n'existe, compte tenu des fautes retenues à charge des demandeurs, aucun risque de contradiction entre la décision du juge pénal et celle du juge civil, l'arrêt justifie légalement sa décision de refuser de surseoir à statuer.
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille cent treize euros quarante-six centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de quarante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Marielle Moris, et prononcé en audience publique du dix janvier deux mille vingt par le président de section Mireille Delange, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0413.F
Date de la décision : 10/01/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2020-01-10;c.18.0413.f ?

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