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20/12/2019 | BELGIQUE | N°C.19.0071.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 décembre 2019, C.19.0071.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0071.F
1. KBC BANK, société anonyme, dont le siège social est établi à Molenbeek-Saint-Jean, avenue du Port, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0462.920.226,
2. BNP PARIBAS FORTIS, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, Montagne du Parc, 3, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.199.702,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amer

ikalei, 187, où il est fait élection de domicile,

contre

1. MIMINCO LLC, société de d...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0071.F
1. KBC BANK, société anonyme, dont le siège social est établi à Molenbeek-Saint-Jean, avenue du Port, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0462.920.226,
2. BNP PARIBAS FORTIS, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, Montagne du Parc, 3, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.199.702,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187, où il est fait élection de domicile,

contre

1. MIMINCO LLC, société de droit américain, dont le siège est établi à Newton (Massachusetts - États-Unis d'Amérique), Bonmar Circle, 16,
2. J. D. T.,
3. I. J. M.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

en présence de

1. BANQUE CENTRALE DU CONGO, institution de droit public congolais, dont le siège est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du Colonel Tshatshi, 563,
2. RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, représentée par son gouvernement,
a) en la personne du ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), place de l'Indépendance, du ministre des Mines, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du 30 Juin, en l'immeuble Gécamines, et du ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du 30 Juin, en l'hôtel des Finances, et
b) en la personne, en Belgique, de Son Excellence Monsieur l'ambassadeur, dont la chancellerie est établie à Bruxelles, rue Marie de Bourgogne, 30,
3. ING BELGIQUE, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue Marnix, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.200.393,
4. BELFIUS BANQUE, société anonyme, dont le siège social est établi à Saint-Josse-ten-Noode, place Rogier, 11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.201.185,
5. DEUTSCHE BANK AG, société de droit allemand, dont le siège est établi à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), Taunusanlage, 12, et ayant en Belgique une succursale établie à Bruxelles, avenue Marnix, 13-15, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0418.371.094,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

N°C.19.0072.F
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, représentée par son gouvernement,
a) en la personne du ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), place de l'Indépendance, du ministre des Mines, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du 30 Juin, en l'immeuble Gécamines, et du ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du 30 Juin, en l'hôtel des Finances, et
b) en la personne, en Belgique, de Son Excellence Monsieur l'ambassadeur, dont la chancellerie est établie à Bruxelles, rue Marie de Bourgogne, 30,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Caroline De Baets, avocat à la Cour de cassation, prêtant son ministère sur projet et réquisition, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile.

contre

1. MIMINCO LLC, société de droit américain, dont le siège est établi à Newton (Massachusetts - États-Unis d'Amérique), Bonmar Circle, 16,
2. J. D. T.,
3. I. J. M.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

en présence de

1. BANQUE CENTRALE DU CONGO, institution de droit public congolais, dont le siège est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du Colonel Tshatshi, 563,
2. KBC BANK, société anonyme, dont le siège social est établi à Molenbeek-Saint-Jean, avenue du Port, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0462.920.226,
3. BNP PARIBAS FORTIS, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, Montagne du Parc, 3, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.199.702,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

N°C.19.0194.F
BANQUE CENTRALE DU CONGO, institution de droit public congolais, dont le siège est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du Colonel Tshatshi, 563,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

1. MIMINCO LLC, société de droit américain, dont le siège est établi à Newton (Massachusetts - États-Unis d'Amérique), Bonmar Circle, 16,
2. J. D. T.,
3. I. J. M.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

en présence de

1. RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO, représentée par son gouvernement,
a) en la personne du ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), place de l'Indépendance, du ministre des Mines, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du 30 Juin, en l'immeuble Gécamines, et du ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Kinshasa-Gombé (République démocratique du Congo), boulevard du 30 Juin, en l'hôtel des Finances, et
b) en la personne, en Belgique, de Son Excellence Monsieur l'ambassadeur, dont la chancellerie est établie à Bruxelles, rue Marie de Bourgogne, 30,
2. BNP PARIBAS FORTIS, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, Montagne du Parc, 3, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.199.702,
3. KBC BANK, société anonyme, dont le siège social est établi à Molenbeek-Saint-Jean, avenue du Port, 2, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0462.920.226,
4. ING BELGIQUE, société anonyme, dont le siège social est établi à Bruxelles, avenue Marnix, 24, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.200.393,
5. BELFIUS BANQUE, société anonyme, dont le siège social est établi à Saint-Josse-ten-Noode, place Rogier, 11, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0403.201.185,
6. DEUTSCHE BANK AG, société de droit allemand, dont le siège est établi à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), Taunusanlage, 12, et ayant en Belgique une succursale établie à Bruxelles, avenue Marnix, 13-15, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0418.371.094,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 4 décembre 2019, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0071.F, les demanderesses présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Disposition légale violée

Article 1412quater du Code judiciaire

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt décide que la saisie-arrêt exécution du 13 juin 2013 est régulière et rejette les moyens des demanderesses fondés sur l'article 1412quater du Code judiciaire, aux motifs suivants :
« 3.6. L'article 1412quater du Code judiciaire
3.6.1. L'article 1412quater du Code judiciaire dispose :
‘§ 1er. Sous réserve de l'application des dispositions impératives d'un instrument supranational, les avoirs de toute nature, dont les réserves de change, que des banques centrales étrangères ou des autorités monétaires internationales détiennent ou gèrent en Belgique pour leur propre compte ou pour compte de tiers sont insaisissables.
§ 2. Par dérogation au paragraphe 1er, le créancier muni d'un titre exécutoire peut introduire une requête auprès du juge des saisies afin de demander l'autorisation de saisir les avoirs visés au paragraphe 1er à condition qu'il démontre que ceux-ci sont exclusivement affectés à une activité économique ou commerciale de droit privé'.
3.6.2. [Les défendeurs] font valoir qu'en faveur d'un (autre) créancier (à savoir la société World Connection), le juge des saisies du tribunal de première instance francophone de Bruxelles a autorisé de pratiquer une saisie-arrêt conservatoire entre les mains, entre autres, de [la deuxième demanderesse] (ordonnance du 4 mars 2015).
Seuls les avoirs propres qu'une banque centrale détient pour son propre compte peuvent bénéficier d'un régime exorbitant d'immunité tel que celui consacré par l'article 1412quater du Code judiciaire.
Cet article ne prévoit pas une immunité absolue. Cette immunité doit être conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et donc répondre à un but légitime et il faut que la restriction au droit d'accès aux tribunaux qui en résulte soit proportionnée au but légitime poursuivi.
La cour [d'appel] se rallie à la jurisprudence de la Cour de cassation et fait sienne la motivation de l'arrêt du 21 décembre 2009 (Pas., 2009, I, 3143), à savoir :
‘Si des mesures qui reflètent des principes de droit international généralement reconnus en matière d'immunité des organisations internationales ne peuvent, de façon générale, être considérées comme une restriction disproportionnée au droit d'accès à un tribunal tel que le consacre l'article 6, § 1er, il demeure que la question de la proportionnalité doit être appréciée en chaque cas à la lumière des circonstances particulières de l'espèce. Pour déterminer si l'atteinte portée aux droits fondamentaux est admissible au regard de l'article 6, § 1er, il importe d'examiner, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, si la personne contre laquelle l'immunité de juridiction est invoquée dispose d'autres voies raisonnables pour protéger efficacement les droits que lui garantit la Convention'.
3.6.3. En l'espèce, il n'est pas démontré que les [défendeurs] disposeraient d'un quelconque autre moyen (que la saisie des comptes ouverts par la Banque centrale du Congo pour le compte de la République démocratique du Congo) pour obtenir l'exécution de la sentence arbitrale, qui est exécutoire.
La condition de la démonstration de l'affectation exclusive des sommes à une activité économique ou commerciale de droit privé consacrée par l'article 1412quater, § 2, du Code judiciaire doit s'interpréter au regard de l'article 6 de la convention précitée.
La Banque centrale du Congo ne démontre pas que la saisie a été pratiquée sur des biens propres [lui] appartenant [...]. Il résulte bien au contraire de l'ensemble des faits (voir ci-devant) qu'[elle] détenait des sommes appartenant à la République démocratique du Congo qui sont exclusivement affectées à une activité économique de [cette dernière].
3.6.4. L'absence d'autorisation préalable n'est pas de nature à invalider la saisie. Lorsque la loi préconise une autorisation préalable, elle le fait afin d'éviter que le créancier coure le risque d'être condamné à payer des dommages-intérêts pour saisie téméraire et vexatoire au cas où le juge des saisies invaliderait la saisie après une opposition éventuelle. Dans la mesure où la saisie est (déjà) pratiquée sans que le saisissant ait demandé cette autorisation, la saisie est (et reste) pratiquée aux risques et périls du saisissant. En tout état de cause, la question de la régularité de la saisie est soumise au juge des saisies suite à l'opposition, de telle sorte que l'autorisation préalable n'est pas une condition sine qua non pour qu'une saisie valable puisse être pratiquée. Comme c'est le cas en l'espèce, le juge des saisies (actuellement la cour [d'appel] en tant que juge d'appel du juge des saisies) examine si oui ou non il est satisfait aux critères légaux.
3.6.5. L'article 1412quinquies du Code judiciaire n'était pas encore entré en vigueur au moment de la saisie. Cet article est donc inopérant en l'espèce.
3.6.6. Il s'ensuit que les [défendeurs] démontrent à suffisance de droit que la saisie-arrêt exécution du 13 juin 2013 est régulière ».

Griefs

L'article 1412quater du Code judiciaire dispose que, sous réserve de l'application des dispositions impératives d'un instrument supranational, les avoirs de toute nature, dont les réserves de change, que des banques centrales étrangères ou des autorités monétaires internationales détiennent ou gèrent en Belgique pour leur propre compte ou pour compte de tiers sont insaisissables. Par dérogation au paragraphe 1er, le créancier muni d'un titre exécutoire peut introduire une requête auprès du juge des saisies afin de demander l'autorisation de saisir les avoirs visés au paragraphe 1er à condition qu'il démontre que ceux-ci sont exclusivement affectés à une activité économique ou commerciale de droit privé.
Cette disposition, insérée par la loi du 24 juillet 2008, « n'a ni pour objectif ni pour conséquence de modifier ou de renforcer les règles actuellement applicables en matière d'immunité. Il s'agit simplement de consacrer légalement la situation actuelle en matière d'immunité d'exécution, où la jurisprudence et la doctrine font déjà une distinction selon que les avoirs sont affectés iure imperii ou iure gestionis [...]. La loi prévoit deux conditions de procédure afin de pouvoir procéder à une saisie conservatoire ou à une saisie-exécution : le créancier doit toujours disposer d'un titre exécutoire et doit au préalable avoir obtenu l'autorisation du juge des saisies. Ces conditions, stipulées également dans la loi française, évitent que des avoirs présentant indéniablement une affectation de droit public puissent faire trop facilement l'objet d'une saisie » (Doc. parl., Chambre, 2006- 2007, 51-2903/001, 3-5).
L'autorisation préalable du juge des saisies est dès lors une condition de validité qui tend à éviter que des avoirs présentant indéniablement une affectation de droit public puissent faire trop facilement l'objet d'une saisie.
Il s'ensuit qu'une saisie pratiquée sans autorisation préalable est irrégulière, même s'il est constaté a posteriori par le juge que les avoirs saisis étaient, en effet, affectés à des activités relevant du droit privé. Une interprétation selon laquelle l'autorisation préalable n'est pas une condition sine qua non pour qu'une saisie valable puisse être pratiquée, le juge pouvant examiner a posteriori si les critères légaux sont satisfaits, saperait complètement l'objectif du législateur. En effet, une telle interprétation ferait de l'article 1412quater du Code judiciaire une coquille vide. L'introduction, par la loi du 24 juillet 2008, d'une condition d'autorisation préalable n'aurait aucune valeur ajoutée par rapport à la situation existant à ce moment-là.

En considérant néanmoins que « l'absence d'autorisation préalable n'est pas de nature à invalider la saisie » et que « la question de la régularité de la saisie est soumise au juge des saisies suite à l'opposition, de telle sorte que l'autorisation préalable n'est pas une condition sine qua non pour qu'une saisie valable puisse être pratiquée » et que, « comme c'est le cas en l'espèce, le juge des saisies (actuellement la cour [d'appel] en tant que juge d'appel du juge des saisies) examine si oui ou non il est satisfait aux critères légaux », l'arrêt viole l'article 1412quater du Code judiciaire.

À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0072.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0194.F, dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente un moyen.

III. La décision de la Cour

Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt ; il y a lieu de les joindre.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0071.F :

Sur le moyen :

Sur les fins de non-recevoir opposées par les défendeurs au moyen et déduites du défaut d'intérêt :

Il suit des énonciations reproduites au moyen que l'arrêt considère, non que l'article 1412quater du Code judiciaire ne s'applique qu'aux avoirs propres qu'une banque centrale détient pour son compte propre, mais que l'immunité absolue prévue par cette disposition en son paragraphe 1er ne vaut que pour de tels avoirs, alors que, pour les autres avoirs qu'elle détient ou gère pour compte de tiers, « la démonstration de l'affectation exclusive des sommes à une activité économique ou commerciale de droit privé » permet au créancier de les saisir dans les conditions de l'article 1412quater, § 2.
Pour le surplus, la considération que le principe de l'immunité d'exécution prévue par l'article 1412quater, § 1er, du code doit être conforme aux exigences de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que celles-ci justifient qu'il soit en l'espèce dérogé à ce principe d'immunité, ne constitue pas un fondement distinct et suffisant de la décision que la saisie-arrêt exécution du 13 juin 2013 est régulière nonobstant l'absence d'autorisation préalable du juge des saisies que critique le moyen.
Les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies.

Sur le fondement du moyen :

L'article 1412quater du Code judiciaire dispose, en son paragraphe 1er, que, sous réserve de l'application des dispositions impératives d'un instrument supranational, les avoirs de toute nature, dont les réserves de change, que des banques centrales étrangères ou des autorités monétaires internationales détiennent ou gèrent en Belgique pour leur propre compte ou pour compte de tiers sont insaisissables, et, en son second paragraphe, que, par dérogation au paragraphe 1er, le créancier muni d'un titre exécutoire peut introduire une requête auprès du juge des saisies afin de demander l'autorisation de saisir les avoirs visés au paragraphe 1er à condition qu'il démontre que ceux-ci sont exclusivement affectés à une activité économique ou commerciale de droit privé.
Il résulte du principe de l'insaisissabilité des avoirs détenus ou gérés par une banque centrale étrangère que l'autorisation préalable du juge des saisies constitue une formalité substantielle et que le vice résultant de son défaut ne peut être couvert.
L'arrêt, qui considère que « l'absence d'autorisation préalable [du juge des saisies] n'est pas de nature à invalider la saisie » au motif que cette procédure vise à « éviter que le créancier coure le risque d'être condamné à payer des dommages-intérêts pour saisie téméraire et vexatoire au cas où le juge des saisies invaliderait la saisie après une opposition éventuelle », que, « dans la mesure où la saisie est (déjà) pratiquée sans que le saisissant ait demandé cette autorisation, la saisie est (et reste) pratiquée aux risques et périls du saisissant » et qu'« en tout état de cause, la question de la régularité de la saisie est soumise au juge des saisies suite à l'opposition [en sorte qu'il] examine si oui ou non il est satisfait aux critères légaux », ne justifie pas légalement sa décision que « la saisie-arrêt exécution du 13 juin 2013 est régulière ».
Le moyen est fondé.

Et les demanderesses ont intérêt à ce que le présent arrêt soit déclaré commun aux parties appelées à la cause devant la Cour à cette fin.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0072.F :

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen, qui, en cette branche, dénonce une contradiction entre des motifs et le visa des parties en tête de la décision, est étranger tant à l'article 149 de la Constitution, qui vise la contradiction entre des motifs ou entre des motifs et le dispositif de la décision, qu'à l'article 1138, 4°, du Code judiciaire, qui vise la contradiction entre des dispositifs d'une même décision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, en énonçant que la défenderesse est « représentée par Dr. I. J. M., président et président du conseil d'administration », l'arrêt ne dénie pas l'existence de cette mention.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

L'arrêt relève que la défenderesse, « société de droit américain [...] représentée par Dr. I. J. M., président et président du conseil d'administration », produit à son dossier, à l'appui de la ratification de la mainlevée de la saisie-arrêt exécution du 13 juin 2013 « donnée par son avocat mandaté », une procuration spéciale « signée par le Dr. I. J. M. et ce pour [la défenderesse] en vertu d'un certificat du 6 octobre 2005 qui lui donne ‘tous pouvoirs' pour représenter la société » et que le fait « que cette personne a agi de la sorte en vertu d'un certificat qui lui donne tous pouvoirs pour représenter la société n'[a pas] fait l'objet de discussion ». Il relève encore que « le fait que cette mainlevée, donnée par l'avocat de la société qui dans le cadre de ce litige se présente toujours comme mandaté par elle, a été ratifiée par la personne qui représente la société [n'a pas davantage] fait l'objet de discussion ». Il en déduit que le « mandat [du conseil de la défenderesse] découle de sa déclaration même, [qui] se voit en outre confirmée par les pièces du dossier », sans qu'il soit « nullement requis de justifier encore davantage de la régularité de son mandat ».
Il suit de ces énonciations que l'arrêt ne considère pas que le conseil de la défenderesse est présumé avoir reçu un mandat régulier des organes compétents de celle-ci mais décide, par une appréciation en fait des éléments de la cause, que I. J. M. est l'organe compétent de la défenderesse et qu'il a valablement donné mandat pour la représenter.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur le second moyen :

Selon l'article 748bis du Code judiciaire, sauf dans les cas où des conclusions peuvent être prises en dehors des délais visés à l'article 747, les dernières conclusions d'une partie prennent la forme de conclusions de synthèse et, pour l'application de l'article 780, alinéa 1er, 3°, les conclusions de synthèse remplacent toutes les conclusions antérieures et, le cas échéant, l'acte introductif d'instance de la partie qui dépose les conclusions de synthèse.
L'article 780, alinéa 1er, 3°, de ce code dispose que le jugement contient, à peine de nullité, outre les motifs et le dispositif, l'objet de la demande et la réponse aux moyens des parties exposés conformément à l'article 744, alinéa 1er.
Il s'ensuit que les conclusions de synthèse ne remplacent les précédentes conclusions que pour déterminer l'objet de la demande sur lequel le juge doit statuer et les moyens auxquels il est tenu de répondre.
L'arrêt considère, sur la base des motifs de ses pages 22 à 24, que « [les défendeurs] démontrent que les comptes dont [la première défenderesse] est titulaire à l'étranger sont crédités par des sommes appartenant à [la demanderesse] et ont pour but de permettre [à cette dernière] de faire des opérations bancaires en devises étrangères » et que « les traces de différentes opérations exécutées par [la première défenderesse] étayent à suffisance ce constat ».
En énonçant que, « plus encore, [la demanderesse], débiteur saisi, soutient elle-même que ce sont ses propres avoirs qui ont été appréhendés par la saisie-arrêt du 13 juin 2013 (p. 19 de ses conclusions du 14 mars 2016) », l'arrêt, qui fonde sa décision sur les conclusions antérieures de la demanderesse du 14 mars 2016 reprenant une déclaration de cette dernière relative à la propriété des avoirs, ne viole aucune des dispositions légales précitées.
Et la violation des articles 3 du Code judiciaire et 1321 du Code civil est tout entière déduite de celle vainement alléguée des articles 748bis et 780 précités.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0194.F :

Sur les fins de non-recevoir opposées au moyen par les défendeurs et déduites du défaut d'intérêt :

Pour les motifs indiqués dans la réponse aux fins de non-recevoir opposées au moyen dans la cause inscrite au rôle général sous le numéro C.19.0071.F, les fins de non-recevoir, identiques à celles-là, ne peuvent être accueillies.

Sur le fondement du moyen :

Pour les motifs indiqués dans la réponse au moyen dans la cause inscrite au rôle général sous le numéro C.19.0071.F, le moyen, identique à celui-là, est fondé.

Et les demanderesses ont intérêt à ce que le présent arrêt soit déclaré commun aux parties appelées à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.19.0071.F, C.19.0072.F et C.19.0194.F ;
statuant sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0072.F,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens ;
statuant sur les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.19.0071.F et C.19.0194.F,
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il dit recevable l'appel de la société Miminco LLC, de J. D. T. et de I. J. M. ;
Déclare le présent arrêt commun à la République démocratique du Congo, à la société anonyme ING Belgique, à la société anonyme Belfius Banque et à la société de droit allemand Deutsche Bank AG ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.
Les dépens taxés, dans la cause C.19.0072.F, à la somme de cinq cent cinquante-quatre euros soixante-trois centimes envers la partie demanderesse et à la somme de six cent cinquante euros dus à l'État au titre de mise au rôle.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt décembre deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0071.F
Date de la décision : 20/12/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-20;c.19.0071.f ?

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