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18/12/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0084.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 décembre 2019, P.19.0084.F


N° P.19.0084.F
S. I.
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Devaux, avocat au barreau de Namur,

contre

1. F. S.
prévenue,
2. BALOISE BELGIUM, société anonyme,
partie intervenue volontairement,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.




I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 4 décembre 2018 par le tribunal correctionnel de Namur, division Namur, statuant en degré d'appel.

La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience...

N° P.19.0084.F
S. I.
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maître Nicolas Devaux, avocat au barreau de Namur,

contre

1. F. S.
prévenue,
2. BALOISE BELGIUM, société anonyme,
partie intervenue volontairement,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 4 décembre 2018 par le tribunal correctionnel de Namur, division Namur, statuant en degré d'appel.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience du 20 novembre 2019, le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport et l'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Quant à la première branche :

La demanderesse fait grief au juge d'appel d'avoir violé la notion légale de lien de causalité entre la faute et le dommage en refusant l'indemnisation des préjudices économique et ménager au-delà d'une période de vingt-quatre mois après l'accident. Le moyen reproche au jugement de tenir compte d'événements postérieurs à la faute, hypothétiques et étrangers à celle-ci et au dommage, alors que le caractère stable et durable de la relation de la demanderesse avec la victime décédée justifiait l'allocation d'une indemnité calculée par rapport à une durée s'étendant jusqu'au jour où celle-ci aurait atteint l'âge de la retraite.

Contrairement à ce que le moyen soutient, le jugement ne considère pas que la demanderesse établit un lien de dépendance économique avec la victime justifié par le caractère stable et durable de leur relation.

Pour décider que la demanderesse avait subi un dommage économique certain évalué à une quote-part de 40 % des revenus du défunt sur une période de vingt-quatre mois, le juge d'appel a d'abord relevé les circonstances suivantes :
- la victime et la demanderesse se sont rencontrées en Roumanie dans le courant de l'année 2008, respectivement à l'âge de 33 et 32 ans ;
- la victime avait retenu un enfant d'une précédente union ;
- le couple a effectué le 18 octobre 2008 une déclaration de cohabitation légale, près de deux mois après l'arrivée de la demanderesse en Belgique ;
- aucun enfant n'est issu de cette union ;
- au moment de l'accident survenu le 28 mai 2011, les cohabitants étaient domiciliés ensemble en Belgique depuis 33 mois, même si la demanderesse était retournée plusieurs semaines en Roumanie dans sa famille ;
- lors de leur vie commune, seule la victime percevait des revenus.

Le jugement énonce ensuite qu' « eu égard à la courte durée de la vie commune (33 mois), au choix effectué par les parties de vivre dans le cadre d'une cohabitation légale plutôt que de se marier, à l'absence d'indicateurs de stabilité du couple (pas d'enfant commun, d'investissement immobilier, ...) et à l'âge des parties au moment du décès (36 et 35 ans), le tribunal retiendra le caractère certain du préjudice économique durant vingt-quatre mois ».

Ces considérations relatives à l'appréciation du degré de certitude du préjudice dans le temps n'impliquent pas que le juge d'appel ait tenu compte d'événements postérieurs à la faute et étrangers à cette faute et au dommage.

Ainsi, le tribunal n'a pas violé les articles 1382 et 1383 du Code civil.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

La demanderesse reproche d'abord au juge d'appel d'avoir décidé que la preuve de l'existence du dommage matériel n'était pas suffisamment rapportée, au motif qu'il n'était pas possible de l'évaluer de manière certaine au-delà d'une durée de vie commune de vingt-quatre mois.

Mais le tribunal n'a pas décidé qu'il était impossible d'évaluer le dommage de manière certaine au-delà de vingt-quatre mois après l'accident.

Il a considéré, ce qui est différent, qu'à l'examen des circonstances mentionnées en réponse à la première branche du moyen, le dommage matériel de la demanderesse établi avec certitude consistait en la perte d'une quote-part de revenus pendant une période de vingt-quatre mois à partir de la date du décès de la victime et qu'au-delà de cette période, ce préjudice était incertain.

À cet égard, le moyen manque en fait.

Ensuite, la demanderesse estime qu'après avoir constaté l'existence d'un dommage certain résultant de la perte d'une quote-part des revenus de la victime et de sa participation aux tâches ménagères, le juge d'appel n'a pu, sans méconnaître la notion de dommage certain et, partant, les articles 1382 et 1383 du Code civil, limiter à une période de vingt-quatre mois après le décès, l'indemnisation de ce dommage, en excluant qu'il se soit étendu jusqu'au moment où la victime aurait atteint l'âge de 67 ans, parce qu'il ne pouvait être tenu pour établi avec un degré de certitude suffisant que la demanderesse aurait continué à percevoir une part des revenus de la victime et à bénéficier de son activité ménagère au-delà de vingt-quatre mois, soit la période à laquelle le tribunal a évalué la durée de la poursuite de la vie commune.

Pour être réparable, le dommage consistant dans la perte économique et le préjudice ménager découlant du décès doit être certain et non simplement hypothétique ou éventuel. Il doit être certain dans son principe, mais non dans son étendue.
Pour les motifs exposés en réponse à la première branche, le tribunal, sur la base de considérations qui gisent en fait, a décidé qu'il n'était pas établi que la vie commune du couple formé par la demanderesse et le défunt aurait perduré au-delà de vingt-quatre mois après la date du décès, de sorte que le dommage matériel subi par la première n'était certain que dans cette mesure.

Ainsi, le juge d'appel a légalement décidé que ce dommage devait être calculé en ayant égard à cette durée.

Dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la troisième branche :

Le moyen reproche au jugement de violer la notion juridique de réparation du dommage en recourant à une évaluation ex aequo et bono des dommages économique et ménager, alors qu'il ne pouvait refuser la méthode de capitalisation proposée par la demanderesse qu'en l'absence d'éléments concrets permettant ce calcul.

D'une part, selon les conclusions d'appel de la demanderesse, celle-ci avait proposé cette méthode d'évaluation pour le préjudice économique futur et le tribunal a considéré que ce dommage n'était pas établi.

Par ailleurs, le jugement évalue le préjudice économique non pas ex aequo et bono, mais sur la base d'une quote-part des revenus de la victime de l'accident, comme le proposait la demanderesse.

D'autre part, il ressort des conclusions d'appel de la demanderesse que celle-ci avait évalué forfaitairement le préjudice ménager et non selon la méthode de capitalisation.

Le moyen manque en fait.

Sur le second moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 149 de la Constitution.

Il soutient que le juge d'appel a manqué à son obligation de motivation en n'énonçant pas en quoi le retard dans l'établissement et la communication de la réclamation définitive de la demanderesse constitue une faute au sens de l'article 1382 du Code civil et en quoi cette dernière est en lien causal avec un dommage « qui consisterait à devoir payer des intérêts entre le 1er janvier 2016 et le 27 septembre 2017 ».

Le tribunal a décidé la suspension du cours des intérêts compensatoires du 1er janvier 2016 au 27 septembre 2017 en considérant d'abord que la demanderesse n'invoquait « aucun argument pour justifier le délai anormal s'étant écoulé entre le précédent jugement du tribunal [d'appel], ayant réservé à statuer dans l'attente de l'établissement de sa réclamation définitive (29 septembre 2015), et la date de communication de sa réclamation relative aux frais administratifs et aux préjudices économique et ménager (27 septembre 2017) ». Le jugement énonce ensuite qu'un délai de trois mois aurait été suffisant pour ce faire et que l'inaction de la demanderesse doit être considérée comme une négligence dans l'exercice de ses droits.

Le tribunal a ainsi précisé en quoi consistait la faute commise par la demanderesse et a régulièrement motivé sa décision à cet égard.

Pour le surplus, lorsque le retard pris par la procédure n'est imputable qu'aux atermoiements de la partie civile, celle-ci n'est pas fondée à en demander la réparation, même si le tiers responsable n'a subi aucun préjudice en raison de ce retard.

Il s'ensuit que le tribunal n'était pas tenu d'exposer en quoi la faute qu'il avait déclarée établie était de nature à causer un dommage aux défenderesses.

Le moyen ne peut être accueilli.
PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de nonante-quatre euros onze centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-huit décembre deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0084.F
Date de la décision : 18/12/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-18;p.19.0084.f ?

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