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16/12/2019 | BELGIQUE | N°S.19.0046.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 décembre 2019, S.19.0046.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.19.0046.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0206.737.484,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

É. F.,
défendeur en cassation,

en présence de

UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS

SOCIALISTES, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Saint-Jean, 32-38, inscrite à la banque-carrefour des...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.19.0046.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, établissement public, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7, inscrit à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0206.737.484,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

É. F.,
défendeur en cassation,

en présence de

UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS SOCIALISTES, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Saint-Jean, 32-38, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0411.724.220,
partie appelée en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 mai 2019 par la cour du travail de Liège.
Le 26 novembre 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 1410, § 4, du Code judiciaire, avant sa modification par l'arrêté royal du 15 mai 2018 ;
- articles 1244, alinéa 2, et 1292 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt confirme la décision du demandeur du 24 janvier 2017, relève que les retenues effectuées à la demande du demandeur par l'Union nationale des mutualités socialistes sont légales puisque fondées sur l'article 1410, §§ 4, 5 et 6, du Code judiciaire mais, faisant application de l'article 1244, alinéa 2, du Code civil, autorise le défendeur à se libérer du solde de sa dette à l'égard du demandeur par des versements mensuels consécutifs de cinquante euros, selon les modalités fixées au dispositif, et suspend pendant le cours de ce plan d'apurement les retenues effectuées par l'Union nationale des mutualités socialistes à la demande du demandeur et portant sur des montants plus importants, aux motifs que
« 10. [...] Si les retenues accomplies à la demande [du demandeur] par l'Union nationale des mutualités socialistes sont légales, puisque fondées sur l'article 1410, §§ 4, 5 et 6, du Code judiciaire, cette constatation ne fait pas obstacle à la possibilité pour les juridictions du travail d'accorder des termes et délais sur la base de l'article 1244, alinéa 2, du Code civil ;
11. La cour du travail considère, au vu des explications données à l'audience par [le défendeur] et des pièces qu'il a déposées [...], que les conditions d'application de cette disposition sont réunies et qu'il se justifie d'autoriser [le défendeur] à se libérer du solde restant dû jusqu'à concurrence de cinquante euros par mois selon les modalités fixées au dispositif ;
Par conséquent, les retenues accomplies par l'Union nationale des mutualités socialistes à la demande du demandeur et portant sur des montants plus importants doivent être suspendues pendant le cours du plan d'apurement ainsi décidé ».

Griefs

1. D'une part, si, en vertu de l'article 1244, alinéa 2, du Code civil, le juge peut, eu égard à la situation des parties, en usant de ce pouvoir avec une grande réserve et en tenant compte des délais dont le débiteur a déjà usé, accorder des délais modérés pour le paiement et faire surseoir aux poursuites, il résulte de l'article 1292 du même code que ce terme de grâce ne peut point faire obstacle à la compensation légale.
2. D'autre part, l'article 1410, § 4, du Code judiciaire dispose, en son alinéa 1er, que, par dérogation aux dispositions des paragraphes 1er et 2, les prestations payées indûment à l'aide des ressources de l'Office national de sécurité sociale ou des autres organismes cités peuvent être récupérées jusqu'à concurrence de dix pour cent de chaque prestation ultérieure fournie au débiteur de l'indu ou à ses ayants droit et que, lorsque la récupération ne peut plus être effectuée par l'organisme ou le service créancier à défaut de prestation encore due par lui, elle peut être opérée d'office à la demande de celui-ci par un organisme ou service versant l'une des prestations visées au paragraphe 1er jusqu'à concurrence de dix pour cent du montant de celle-ci (article 1410, § 4, alinéa 3, du Code judiciaire).
En vertu de l'article 1410, § 4, alinéa 6, du même code, la récupération est suspendue ou limitée si le débiteur ou ses ayants droit prouvent que le revenu, calculé selon les principes établis dans la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence, est inférieur ou devient inférieur, à la suite de la récupération d'office, au montant du minimum de moyens d'existence selon les diverses catégories prévues par cette loi.
Le mécanisme ainsi mis en place par l'article 1410, § 4, du Code judiciaire ne constitue pas une saisie mais une simple forme de compensation légale.
3. Il s'ensuit que le juge ne peut ni suspendre ni réduire les montants retenus en application de l'article 1410, § 4, du Code judiciaire, à moins qu'il constate la contrariété de celles-ci à l'alinéa 6 de cette disposition légale, toute application de l'article 1244, alinéa 2, du Code civil étant exclue en vertu de l'article 1292 de ce code.
4. En considérant dès lors que la constatation que les retenues effectuées par l'Union nationale des mutualités socialistes à la demande du demandeur sont légales puisque fondées sur l'article 1410, §§ 4, 5 et 6, du Code judiciaire ne fait pas obstacle à ce que les juridictions du travail puissent accorder des termes et délais sur la base de l'article 1244, alinéa 2, du Code civil, en sorte que les retenues effectuées devaient être réduites à cinquante euros par mois et qu'il convenait, par voie de conséquence, de suspendre pendant le cours du plan d'apurement les retenues effectuées à la demande du demandeur et portant sur des montants plus importants, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision (violation des articles 1410, § 4, du Code judiciaire, 1244, alinéa 2, et 1292 du Code civil).

III. La décision de la Cour

Conformément à l'article 1410, § 4, alinéas 1er et 3, du Code judiciaire, dans sa rédaction applicable au litige, les prestations payées indûment à l'aide des ressources et moyens financiers qui y sont précisés peuvent être récupérées d'office, soit par l'organisme ou le service créancier jusqu'à concurrence de dix pour cent de chaque prestation ultérieure fournie au débiteur de l'indu ou à ses ayants droit, soit, à défaut de prestation encore due par cet organisme ou ce service et à la demande de celui-ci, par un organisme ou un service versant l'une des prestations visées au paragraphe 1er, 2°, 3°, 4°, 5° et 8°, jusqu'à concurrence de dix pour cent du montant de cette prestation.
La récupération ne peut, en vertu de l'article 1410, § 4, alinéa 6, avoir pour effet de réduire le revenu du débiteur ou de ses ayants droit à un montant inférieur à celui du minimum de moyens d'existence prévu pour la catégorie à laquelle ils appartiennent par la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d'existence.
Ce mode de récupération de l'indu est une forme de compensation légale.
Aux termes de l'article 1292 du Code civil, le terme de grâce n'est point un obstacle à la compensation.
Cette disposition exclut qu'un terme de grâce accordé par le juge en vertu de l'article 1244, alinéa 2, du Code civil puisse, en différant l'exigibilité d'une dette du débiteur, empêcher que s'opère jusqu'à due concurrence la compensation avec celle-ci d'une dette envers lui de son créancier.
En déterminant les conditions auxquelles l'indu est exigible, l'article 1410, § 4, du Code judiciaire interdit dès lors au juge saisi du recours ouvert au débiteur ou à ses ayants droit par l'article 1410, § 5, alinéas 1er, 2°, et 5, d'accorder à ceux-ci un terme de grâce suspendant au-delà de cette mesure la compensation prévue par la loi.
L'arrêt, qui considère que, « si les retenues accomplies à la demande [du demandeur] par [la partie appelée en déclaration d'arrêt commun] sont légales, puisque fondées sur l'article 1410, §§ 4, 5 et 6, du Code judiciaire, cette constatation ne fait pas obstacle à la possibilité pour les juridictions du travail d'accorder des termes et délais sur la base de l'article 1244, alinéa 2, du Code civil », viole les articles 1292 du Code civil et 1410, § 4, du Code judiciaire.
Le moyen est fondé.

Et le demandeur a intérêt à ce que le présent arrêt soit déclaré commun à la partie appelée à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il autorise le défendeur à se libérer du solde de sa dette envers le demandeur par des paiements mensuels de cinquante euros et suspend pendant le cours de ce plan d'apurement les retenues d'un montant plus important effectuées à la demande du demandeur par la partie appelée en déclaration d'arrêt commun, et qu'il statue sur les dépens ;
Déclare le présent arrêt commun à l'Union nationale des mutualités socialistes ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Vu l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur aux dépens ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour du travail de Mons.
Les dépens taxés à la somme de six cent quatre-vingt-six euros un centime envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, les présidents de section Koen Mestdagh et Mireille Delange, les conseillers Antoine Lievens et Eric de Formanoir, et prononcé en audience publique du seize décembre deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.19.0046.F
Date de la décision : 16/12/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-16;s.19.0046.f ?

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