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04/12/2019 | BELGIQUE | N°P.18.0531.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 décembre 2019, P.18.0531.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt


N° P.18.0531.F
V.E S.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Ludivine Baudart, avocat au barreau de Mons, et Alain Delfosse, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

M. M.
prévenu,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 25 avril 2018 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
L

a demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseil...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt

N° P.18.0531.F
V.E S.,
partie civile,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Ludivine Baudart, avocat au barreau de Mons, et Alain Delfosse, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

M. M.
prévenu,
défendeur en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 25 avril 2018 par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Après avoir écarté des débats les pièces produites par la demanderesse et relatives à la procédure civile pendante entre les parties au sujet des modalités d'hébergement de l'enfant commun, l'arrêt acquitte le défendeur de la prévention d'avoir porté des coups à son ex-épouse.

En substance, la demanderesse soutient, d'une part, qu'aucune disposition légale n'interdit d'utiliser, dans le cadre d'une poursuite pénale, un rapport d'expertise réalisé dans le cadre d'une procédure protectionnelle ou civile et, d'autre part, que l'écartement de cette pièce viole l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît le principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

En vertu des articles 50 et 55 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, les pièces des procédures qui ont été ouvertes au tribunal de la jeunesse et qui concernent la personnalité du mineur intéressé et le milieu où il vit, ont pour seules finalités de déterminer, dans l'intérêt de ce mineur, les modalités de l'administration de sa personne ou les moyens appropriés à son éducation ou à son traitement.

L'économie générale de la loi et la finalité ainsi précisée des investigations qu'elle permet, excluent que ces pièces soient invoquées dans le cadre de poursuites pénales, et ce, que leur production y soit invoquée par le prévenu à l'appui de sa défense ou, comme en l'espèce, par une partie civile au soutien de son accusation.

Cette interdiction vaut également pour les pièces relatives aux investigations et expertises ordonnées par d'autres juges que le juge protectionnel, notamment dans le cadre d'une procédure civile relative à l'exercice de l'autorité parentale et du droit d'hébergement des enfants.

Le fondement de ladite prohibition gît dans le droit de l'enfant au respect de sa vie privée et familiale, protégé notamment par les articles 22 de la Constitution et 8.1 de la Convention. Il réside également dans le secret professionnel garanti, par l'article 458 du Code pénal, aux experts ou assistants sociaux auxquels les personnes interrogées doivent pouvoir se confier en ayant l'assurance que les informations communiquées ne serviront pas d'autres objectifs que ceux pour lesquels elles sont récoltées.

Ce n'est donc pas seulement la nature des investigations relatives à la personnalité et au milieu de vie de l'enfant, mais aussi l'ingérence qu'elles impliquent dans la vie privée et familiale, ainsi que la confidentialité que la loi leur assigne pour assurer la transmission d'une information complète à l'autorité mandante, qui, en règle, font obstacle à l'utilisation de ces données à des fins étrangères à celles pour lesquelles elles ont été rassemblées.

L'article 6.1 de la Convention n'a pas pour portée d'interdire au législateur de restreindre le droit d'une partie civile de faire usage de certaines pièces, lorsque leur production en justice paraît susceptible de porter atteinte aux droits d'autres personnes, notamment ceux dont le respect est lui aussi garanti par la Convention.

Compte tenu de sa justification légale et conventionnelle, cette restriction à l'exercice des droits de la défense ne méconnaît pas le principe général du droit qui en consacre le respect.

Le moyen manque en droit.

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

La demanderesse soutient que l'arrêt viole les articles 149 de la Constitution et 71 du Code d'instruction criminelle, parce qu'il qualifie de témoins des personnes dont il relève par ailleurs qu'elles n'ont pas assisté à la scène.

La loi ne réserve pas le statut de témoin aux personnes ayant vu, de leurs propres yeux, le délit se commettre.

L'arrêt décrit ce que les psychologues ont vu et entendu avant et après la rencontre des parties sur le palier du premier étage du centre où avait lieu le rendez-vous.

En qualifiant ces dépositions de témoignages, l'arrêt ne viole pas la disposition légale invoquée et n'est pas entaché de la contradiction que le moyen lui prête.

Le moyen ne peut être accueilli.

Quant à la seconde branche :

La demanderesse reproche à l'arrêt de ne pas répondre à ses conclusions dans lesquelles elle soutenait, en produisant un rapport établi par une psychologue clinicienne, que son expression comportementale telle que décrite par un témoignage, c'est-à-dire le genou droit levé au niveau de la hanche et le bras droit levé en arrière alors qu'elle se trouvait contre un mur, était celle d'une personne qui se protège d'une agression et non d'une personne qui adopte une attitude agressive.

Le juge satisfait à l'obligation de motiver les jugements et arrêts, et de répondre aux conclusions d'une partie, lorsque sa décision comporte l'énonciation des éléments de fait ou de droit à l'appui desquels une demande, une défense ou une exception sont accueillies ou rejetées. Le juge n'est pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation.

L'arrêt considère que le témoin précité « a vu [le défendeur] l'air étonné, les bras ballants le long du corps, tenant toujours son sac plastique dans la main droite, ne montrant aucun signe d'agressivité verbale ou physique et face à lui, la [demanderesse], le genou droit levé au niveau de la hanche et le bras droit en arrière, soit dans une position ouverte, contraire à la logique d'une position de défense ».

Par cette appréciation différente de celle de la demanderesse, la cour d'appel a répondu à ses conclusions et, ainsi, a régulièrement motivé sa décision.

Le moyen ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de huit cent cinquante-sept euros trente centimes dont trente-cinq euros quatre-vingt-un centimes dus et huit cent vingt et un euros quarante-neuf centimes payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.18.0531.F
Date de la décision : 04/12/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-12-04;p.18.0531.f ?

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