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29/11/2019 | BELGIQUE | N°C.19.0045.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 novembre 2019, C.19.0045.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0045.F
1. 262 BUSINESS, société privée à responsabilité limitée,
2. M. D.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

1. G. S.,
2. FINSA, société anonyme,
défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Bruxelle

s.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les mo...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0045.F
1. 262 BUSINESS, société privée à responsabilité limitée,
2. M. D.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Anvers, Amerikalei, 187/302, où il est fait élection de domicile,

contre

1. G. S.,
2. FINSA, société anonyme,
défendeurs en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent cinq moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Dans leurs conclusions, les demandeurs soulevaient l'irrecevabilité de la demande des défendeurs à l'égard du demandeur au motif que celui-ci « ne s'est jamais porté acquéreur, à titre personnel, ni des parts ni de l'immeuble » et que, s'il a « agi en qualité de mandataire général » de la demanderesse, « à titre ‘personnel et privé', il est tiers à cet important projet de [la demanderesse] ».

Dans leurs conclusions, les défendeurs soutenaient qu'il ressortait des courriels échangés entre le défendeur et le demandeur que ce dernier a induit le défendeur en erreur sur la véritable étendue de ses pouvoirs et qu'au titre de réparation en nature, il devait être tenu personnellement.
En considérant qu'« il apparaît [...] des échanges de courriels [que le demandeur] a agi, vis-à-vis [du défendeur], en son nom propre », l'arrêt ne procède pas à une requalification de la relation entre les parties mais se borne à déduire des éléments qui étaient dans le débat que, contrairement à ce que le demandeur soutenait, son intervention à titre personnel était bien établie. Ce faisant, l'arrêt, qui ne fait que suppléer aux motifs proposés par les défendeurs, ne méconnaît pas le droit de défense des demandeurs.
Le moyen ne peut être accueilli.

Sur le deuxième moyen :

Quant à la première branche :

Après avoir énoncé que l'une des « conditions d'application de la théorie du mandat apparent [est] un élément psychologique et subjectif, [soit] le caractère légitime de la croyance du tiers, qui de bonne foi pouvait, selon les circonstances, raisonnablement ignorer la situation réelle » et que « des critères ont été dégagés pour vérifier l'intensité avec laquelle le tiers peut croire à l'apparence créée », dont celle de « la qualité du tiers agissant comme professionnel », l'arrêt relève que « [le demandeur] est clairement intervenu en tant que maître de l'affaire qu'il dirige à sa guise [ainsi que] cela se déduit de la structure qu'il a mise en place » dès lors que « la société anonyme de droit français D. Industries était représentée, lors de l'acquisition des lots dans le bâtiment industriel, par ‘son directeur général et administrateur, [le demandeur], nommé à cette fonction', ou par ‘son président directeur général, [le demandeur]' », que « [la demanderesse] a été constituée, pour les besoins de l'opération, le 19 décembre 2003, par la société anonyme de droit français D. Industries, jusqu'à concurrence de 699 parts sociales en représentation des lots qu'elle lui a apportés, et par l'épouse [du demandeur], jusqu'à concurrence d'une part sociale représentant un investissement de 1.000 euros », que, « par le truchement de la société D. Industries, [le demandeur] est l'actionnaire principal de [la demanderesse] », dont son épouse « a été désignée en qualité de gérant non rémunéré », et que celle-ci « n'est jamais apparue, en tant qu'agent opérationnel, dans le cadre du projet litigieux, comme le révèle l'intervention [du demandeur] à l'acte de division du bien industriel en plusieurs lots à vendre, établi le 10 mai 2005 », ou encore « l'introduction de la demande d'un permis d'urbanisme [au] nom [de la demanderesse] le 11 décembre 2014 ». Il considère que la demanderesse est devenue « le véhicule par lequel [le demandeur] piloterait le projet immobilier », en sorte que c'est « de manière légitime que [les défendeurs] ont pu croire à l'existence d'un pouvoir de représentation [du demandeur], [...] compte tenu de la qualité de [ce dernier] en tant que maître de l'affaire, pour engager [la demanderesse] à l'acte de vente ».
Par ces énonciations, l'arrêt répond, en leur opposant d'autres éléments, aux conclusions des demandeurs qui soutenaient que, pour apprécier le caractère légitime de la croyance, il fallait tenir compte de la qualité du tiers et de l'obligation de vérification qui lui incombait.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Les présomptions constituent un mode de preuve d'un fait inconnu ; les articles 1349 et 1353 du Code civil, qui règlent ce mode de preuve, sont étrangers à l'appréciation que le juge porte sur l'existence de la croyance légitime du tiers au pouvoir du mandataire.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, il ressort des énonciations reproduites dans la réponse à la première branche du moyen que l'arrêt déduit que le demandeur agit en qualité de maître de l'affaire de la demanderesse, devenue le véhicule de son projet immobilier, de la structure qu'il a mise en place et que l'intervention du demandeur pour la demanderesse à l'acte de division du 10 mai 2005 et lors de l'introduction de la demande de permis d'urbanisme le 11 décembre 2014 constitue une illustration de ce comportement.
L'arrêt ne fonde pas la croyance légitime des défendeurs dans le pouvoir du demandeur sur ses interventions lors des actes précités.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Il ressort, d'une part, des énonciations reproduites dans la réponse au premier moyen que c'est sur la base des courriels échangés entre le défendeur et le demandeur que l'arrêt considère que ce dernier a agi en son nom propre, d'autre part, des énonciations reproduites dans la réponse à la première branche du moyen, que, selon la cour d'appel, le demandeur est intervenu comme maître de l'affaire en raison de la structure qu'il a mise en place.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur l'affirmation que l'arrêt se fonde sur les mêmes éléments, manque en fait.

Quant à la quatrième branche :

Les présomptions constituent un mode de preuve d'un fait inconnu ; les articles 1349 et 1353 du Code civil, qui règlent ce mode de preuve, sont étrangers à l'appréciation que le juge porte sur l'imputabilité de l'apparence du mandat à la demanderesse.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, l'arrêt énonce qu'« en laissant [le demandeur] agir comme bon lui semble, en tant que maître de l'affaire, dans le cadre d'un mandat général, en lui confiant une procuration pour représenter son épouse, gérante de la société, à l'acte de division du 10 mai 2005, [la demanderesse] a clairement contribué à faire croire que [le demandeur] disposait d'un mandat spécial pour l'engager personnellement dans la vente ».
Il suit de ces énonciations que l'arrêt considère que l'apparence est imputable à la demanderesse, non en raison de l'existence d'un mandat général ou d'un mandat spécial conféré pour l'acte de division, mais parce qu'elle a laissé le demandeur se comporter en maître de l'affaire.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, en cette branche, manque en fait.
Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt ne reproduit que des extraits du courriel adressé le 20 mars 2012 par le défendeur et le demandeur n'en joint pas une copie en annexe à son pourvoi.
Dès lors que la Cour ne saurait vérifier la violation alléguée de la foi due à l'acte sans prendre connaissance de l'intégralité de ce courriel, le moyen, en cette branche, est irrecevable.

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix.
Lorsque l'objet de la vente porte sur plusieurs choses, la vente est parfaite dès que les parties sont convenues du prix global sans qu'il soit requis que le prix soit déterminé pour chaque chose.
Dans la mesure où le moyen, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, il manque en droit.
Pour le surplus, l'arrêt ne considère pas que la vente porte sur « l'ensemble des deux lofts et du terrain qu'occupait l'ancien atelier de peinture ».
Dans cette mesure, il manque en fait.

Sur le quatrième moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt considère qu'il y a « impossibilité matérielle ou juridique [de] procéder [à] l'exécution en nature [...] du fait de l'existence d'une vente en masse, pour le prix global de 1.250.000 euros, sans précision suffisante sur la ventilation de ce prix entre, d'une part, celui des parts sociales de [la défenderesse], d'autre part, celui du bien appartenant [au défendeur] ».
Par ces énonciations, l'arrêt ne dénie pas l'existence d'une ventilation du prix mentionnée dans les conclusions des défendeurs à l'appui de leur demande de condamnation des demandeurs à s'exécuter en nature mais considère que les parties ne se sont pas accordées sur une ventilation du prix. Il ne donne dès lors pas de ces conclusions une interprétation inconciliable avec leurs termes et ne viole pas la foi due à l'acte qui les contient.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Quant à la seconde branche :

Après avoir énoncé qu'« à la date du 20 mars 2012, les parties se sont accordées sur la vente des biens et sur le prix global de ceux-ci » en sorte que « les ventes sont parfaites », l'arrêt considère qu'« en règle, le créancier est en droit d'exiger de son débiteur qu'il s'exécute en nature » et que « [les défendeurs] sont dès lors fondés à [obliger] les [demandeurs] à passer les actes de cession », qu'en l'espèce, « le principe de la primauté de l'exécution en nature se heurte [...] à l'impossibilité matérielle ou juridique d'y procéder [en raison] du fait de l'existence d'une vente en masse, pour le prix global de 1.250.000 euros sans précision suffisante sur la ventilation de ce prix entre, d'une part, celui des parts sociales de [la défenderesse] et, d'autre part, celui du bien appartenant [au défendeur] » et qu'« il s'indique dès lors de faire droit à la demande subsidiaire des [défendeurs], tendant à la réparation du dommage par équivalent, et de prononcer la résolution de la convention de vente aux torts des [demandeurs] ».
Il suit de ces énonciations que l'arrêt fonde sa décision de prononcer la résolution de la convention sur l'impossibilité de procéder à une exécution en nature.
Le moyen, qui, en cette branche, procède d'une interprétation inexacte de l'arrêt, manque en fait.

Sur le cinquième moyen :

L'arrêt considère que « le dommage réellement subi à la suite de la perte du loyer de l'argent ne doit [...] pas s'apprécier par référence aux intérêts moratoires en cas de retard de paiement dans les transactions commerciales mais par rapport aux pertes liées à l'impossibilité de rentabiliser le prix de vente », que « [le défendeur] a souligné les difficultés de poursuivre ses projets à défaut de bénéficier des liquidités nécessaires », « que dans [l']appréciation [du dommage], il y a lieu de tenir compte [...] de l'occupation d'un des deux biens par [le défendeur], laquelle était d'ailleurs gratuite pendant un an, soit, si tout avait été réglé normalement, jusqu'au 30 juin 2013 » et que, « compte tenu de l'absence d'éléments concrets, il y a lieu de fixer ex aequo et bono les dommages et intérêts des [défendeurs] à la somme de 24.250 euros, représentant la différence entre les intérêts au taux moyen de 2,5 p.c. pendant 5 ans (1.250.000 euros x 2,5 p.c. = 31.250 euros x 5 = 156.250 euros), qu'un investissement équilibré et judicieux, fait par un homme d'affaires normalement prudent et diligent, ce qu'est manifestement [le défendeur], aurait permis d'obtenir, et la valeur locative du bien pendant 48 mois, moyennant un loyer de 2.750 euros (132.000 euros) ».
Si, pour illustrer que le taux retenu de 2,5 p.c. correspond au rendement d'un investissement équilibré, il cite en note l'étude comparative de Test-Achat, l'arrêt ne se fonde pas sur cette étude pour déterminer le montant du dommage.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de sept cent soixante-huit euros soixante-quatre centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de quarante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Michel Lemal,
Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Ariane Jacquemin, et prononcé en audience publique du vingt-neuf novembre deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0045.F
Date de la décision : 29/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-29;c.19.0045.f ?

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