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20/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0925.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 novembre 2019, P.19.0925.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0925.F
E. E.
prévenue, détenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Alisa Laub et Mariana Boutuil, avocats au barreau de Bruxelles,

contre

1. G. B.
2. M.G. GENVAL, société privée à responsabilité limitée, .
3. B. G.
4. L. F.
5. A. M.
6. C. V.
parties civiles,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 juillet 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La

demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François S...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0925.F
E. E.
prévenue, détenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Alisa Laub et Mariana Boutuil, avocats au barreau de Bruxelles,

contre

1. G. B.
2. M.G. GENVAL, société privée à responsabilité limitée, .
3. B. G.
4. L. F.
5. A. M.
6. C. V.
parties civiles,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 juillet 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision de condamnation rendue sur l'action publique :

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 21 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

La demanderesse reproche d'abord aux juges d'appel d'avoir statué sans qu'elle ait eu l'occasion de prendre personnellement connaissance du dossier répressif, alors qu'elle en avait sollicité l'accès tant oralement que par écrit.

Il n'apparaît pas des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que la demanderesse ait régulièrement demandé l'accès au dossier répressif.

Présenté pour la première fois dans l'instance en cassation et mélangé de fait, le moyen est, dans cette mesure, irrecevable.

La demanderesse fait ensuite grief à l'arrêt d'écarter illégalement des débats l'ensemble de ses écrits de défense.

Le juge peut, en respectant les droits de la défense du prévenu, refuser le dépôt de conclusions qui ne se ferait que dans un but dilatoire.

L'arrêt énonce
- qu'à l'audience du 16 juillet 2019, les juges d'appel ont rappelé à la demanderesse que toutes les pièces déposées à l'audience devaient être communiquées préalablement en copie à toutes les parties à la cause ;
- que, nonobstant cet avertissement et comme elle l'avait fait devant le premier juge, la demanderesse a déposé à l'audience du 23 juillet 2019 une note manuscrite intitulée « Précis de défense pour l'audience du 23 juillet 2019 », ainsi qu'une lettre que lui avait adressée l'un de ses nombreux conseils pour lui annoncer qu'il clôturait son intervention ;
- que ces écrits n'ont pas été communiqués préalablement aux autres parties et que celles-ci en ont demandé l'écartement.

Les juges d'appel ont pu déduire de ces considérations que le dépôt tardif des écrits de défense de la demanderesse devait entraîner leur écartement.

L'arrêt est ainsi légalement justifié.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Enfin, en tant qu'il invoque la violation de l'article 21 de la loi du 20 juillet 1990 sans indiquer en quoi l'arrêt violerait cette disposition, le moyen est également irrecevable, à défaut de précision.

Quant à la seconde branche :

La demanderesse allègue qu'elle n'a pas pu bénéficier d'un procès équitable, dès lors que, si elle a été assistée d'un avocat devant la cour d'appel, celui-ci ne disposait pas de la compétence requise pour la défendre.

Exigeant pour son examen une vérification d'éléments de fait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

Pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 149 de la Constitution, le moyen reproche à l'arrêt de refuser à la demanderesse le sursis à l'exécution des peines d'emprisonnement et d'amende aux termes d'une motivation lapidaire qui ne permet pas de comprendre les raisons de cette décision.

En vertu de l'article 8, § 1er, de la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, la décision refusant le sursis doit être motivée conformément aux dispositions de l'article 195 du Code d'instruction criminelle.

Le fait d'infliger une peine effective et d'en donner les motifs peut également laisser apparaître les raisons du refus du sursis.

L'arrêt considère en substance que la demanderesse a mené à bien un grand nombre d'escroqueries en se présentant à ses victimes sous les traits d'un personnage virtuel doté d'un quotient intellectuel exceptionnel, disposant d'une fortune considérable et d'un réseau important dans le monde des affaires et des institutions internationales. Selon les juges d'appel, à l'aide de cette stratégie prédatrice, elle a fait usage d'un pouvoir de persuasion hors du commun pour se faire remettre des sommes parfois très importantes qu'elle n'a jamais eu l'intention de rembourser, affichant un mépris absolu à l'égard de ses victimes et du bien d'autrui, et transformant le but de lucre en religion. L'arrêt ajoute que la demanderesse demeure dans le déni le plus complet et que le risque de récidive est patent.

Les juges d'appel ont ensuite ajouté que la demanderesse ne méritait aucune faveur, un sursis, même partiel, étant d'autant moins justifié qu'elle avait déclaré à l'audience refuser de procéder, durant sa détention, à tout remboursement de sa dette, s'élevant à plus de 265.000 euros, envers les troisième et quatrième défendeurs.

Il suit de l'ensemble des considérations résumées ci-dessus que la cour d'appel a légalement donné les motifs pour lesquels elle a refusé le sursis à l'exécution des peines qu'elle a prononcées.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur les actions civiles exercées par les défendeurs :

Sur le troisième moyen :

Quant à la première branche :

Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 204 du Code d'instruction criminelle.

Il est fait grief aux juges d'appel d'avoir déclaré irrecevable l'appel de la demanderesse contre les dispositions civiles du jugement entrepris. Selon le moyen, dès lors que la demanderesse contestait, dans le formulaire de griefs, sa culpabilité pour l'ensemble des préventions reprochées et qu'elle avait complété la case ad hoc, il ne faisait aucun doute qu'elle avait également dirigé son appel contre les condamnations civiles.

L'article 204 précité prévoit que la requête indique précisément, à peine de déchéance de l'appel, les griefs élevés contre le jugement, y compris les griefs procéduraux.

Le juge d'appel apprécie souverainement, sur le fondement de la déclaration d'appel et de la requête ou du formulaire de griefs, quelles sont les décisions du jugement entrepris que l'appelant a entendu lui déférer. La Cour se borne à vérifier si, de ses constatations, le juge n'a pas déduit des conséquences qui seraient sans lien avec elles ou ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

L'arrêt constate d'abord que, dans le formulaire de griefs, sous la rubrique « action civile », la demanderesse a mentionné : « Saisie des appareils saisis en essayant ainsi d'effacer les preuves à ma décharge. Action illégale et les preuves sont gardées chez Apple ». Il considère ensuite que la demanderesse conteste de manière très claire les saisies qui ont été pratiquées et non sa condamnation à payer divers montants aux parties civiles. Il ajoute que ces dernières n'ont dès lors pu déterminer en quoi les condamnations à leur payer divers montants étaient contestées.

De ces énonciations, la cour d'appel a pu déduire que les dispositions civiles du jugement n'ont pas été visées par l'appel.

L'arrêt est ainsi légalement justifié.

Quant à la deuxième branche :

Invoquant la violation de la foi due à la déclaration d'appel et au formulaire de griefs, la demanderesse allègue que le commentaire formulé sous la rubrique « action civile » du formulaire précité ne peut être interprété autrement que comme la manifestation de la volonté certaine de contester les condamnations pécuniaires prononcées au profit des défendeurs.

Le moyen ne reproche pas à la décision attaquée de considérer que les pièces de référence contiennent une affirmation qui ne s'y trouve pas ou qu'elles ne contiennent pas une énonciation qui y figure, mais d'en avoir apprécié la portée d'une manière différente de la demanderesse.

Un tel grief ne constitue pas une violation de la foi due aux actes.

Le moyen manque en droit.

Quant à la troisième branche :

Le moyen est pris de la violation de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

La demanderesse reproche à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel contre les dispositions civiles du jugement entrepris, alors que cette question n'avait été soulevée lors des débats ni par la cour d'appel, ni par les défendeurs.

Le formulaire de griefs est une pièce de la procédure qui relève du dossier répressif soumis à la contradiction des débats. Il appartient à la juridiction d'appel d'examiner d'office ledit formulaire pour déterminer sa saisine et, le cas échéant, statuer sur la recevabilité du recours. La circonstance que la partie intimée n'a pas invoqué l'irrecevabilité de l'appel est sans incidence à cet égard.

Procédant d'une autre prémisse juridique, le moyen manque en droit.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de mille huit cent cinquante-deux euros vingt centimes dont cent cinquante euros vingt et un centimes en débet et mille sept cent un euros nonante-neuf centimes payés par cette demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0925.F
Date de la décision : 20/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-20;p.19.0925.f ?

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