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20/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0874.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 novembre 2019, P.19.0874.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0874.F
A. M.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maître Maryse Alié, avocat au barreau de Bruxelles, et Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Ixelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 juillet 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent

arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience du 30 octobre 2019, le conseiller Eric de ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0874.F
A. M.
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maître Maryse Alié, avocat au barreau de Bruxelles, et Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Ixelles, rue Souveraine, 95, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 15 juillet 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
A l'audience du 30 octobre 2019, le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport et l'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LES FAITS

Le demandeur a interjeté appel le 11 janvier 2019, par déclaration au délégué du directeur de la prison, contre un jugement correctionnel du 7 janvier 2019. Ce jugement le condamne à une peine d'emprisonnement de trente-sept mois pour vol à l'aide de violences ou de menaces avec circonstances aggravantes, ainsi qu'à une peine d'emprisonnement de six mois du chef de séjour illégal.

La cause a été examinée et prise en délibéré à l'audience du 27 mai 2019. A cette audience, le demandeur n'était pas assisté d'un avocat. Les juges d'appel ont fixé le prononcé de l'arrêt au 12 juin 2019.

Le 11 juin 2019, le conseil du demandeur a déposé une requête en réouverture des débats. Le lendemain, la cour d'appel a fait droit à cette demande et a remis l'examen de l'affaire au 2 juillet 2019.

La cause a été prise en délibéré à cette audience. Le demandeur y a été entendu et son avocat a déposé des conclusions soutenant que son appel était recevable malgré l'absence de dépôt du formulaire de griefs visé à l'article 204 du Code d'instruction criminelle. Il faisait valoir que la non-remise de la requête ou du formulaire résultait d'une force majeure due à la circonstance qu'au moment d'interjeter appel il n'était pas assisté d'un conseil et n'avait pas été informé, dans une langue qu'il comprend, de l'obligation d'accomplir cette formalité.

III. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 204 du Code d'instruction criminelle et 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêt n'exclut pas que, au moment d'interjeter appel et à l'expiration du délai légal de remise de la requête ou du formulaire de griefs, le demandeur n'était pas assisté d'un avocat. Selon le moyen, les juges d'appel ne pouvaient donc légalement déclarer le demandeur déchu de son recours qu'après avoir vérifié et constaté qu'il avait été informé, dans une langue qu'il comprend, de l'obligation de déposer dans les trente jours du prononcé du jugement une requête ou un formulaire indiquant les griefs. Le moyen précise que le droit d'accès à un tribunal requiert que les modalités du recours contre une décision soient indiquées de la manière la plus explicite possible, au moment où le délai pour former le recours commence ou, au moins, lorsque le justiciable manifeste l'intention de l'introduire. Selon le demandeur, il s'ensuit que si l'appelant omet de déposer la requête ou le formulaire de griefs dans le délai imparti, alors qu'il n'a pas été informé de l'existence de cette obligation prescrite à peine de déchéance, l'appelant conserve le bénéfice de la déclaration d'appel effectuée dans le délai légal et la sanction de la déchéance de ce recours ne peut lui être appliquée.

2. En vertu des articles 203 et 204 du Code d'instruction criminelle, le prévenu est tenu, à peine de déchéance de l'appel, trente jours au plus tard après celui où le jugement a été prononcé, d'indiquer précisément dans une requête les griefs élevés contre cette décision. Conformément à l'article 204, alinéa 3, du code précité, un formulaire dont le modèle est déterminé par le Roi peut être utilisé à cette fin.

L'obligation d'indiquer de manière précise les griefs élevés contre le jugement frappé d'appel a été instaurée par la loi afin d'assurer, dans l'intérêt des parties et d'une bonne administration de la justice, un traitement plus efficace des causes en degré d'appel. Elle a notamment pour but d'informer les parties et la juridiction d'appel, avant l'examen de la cause à l'audience, quant aux limites exactes de la saisine de cette juridiction.

3. La force majeure qui empêche la partie appelante de déposer la requête ou le formulaire de griefs dans le délai imposé par les dispositions précitées n'a pas pour effet de la dispenser de l'obligation d'accomplir cette formalité, mais seulement de proroger le délai précité du temps durant lequel cette circonstance subsiste.

4. L'arrêt considère que le demandeur est assisté d'un conseil depuis l'audience du 12 juin 2019, qu'à partir de cette date lui-même et son avocat ont eu accès au dossier de la procédure, qu'à ce moment la force majeure dont il se prévaut, à la supposer avérée, a pris fin, et que cette circonstance aurait uniquement eu pour effet de prolonger le délai de dépôt de la requête ou du formulaire de griefs d'un temps égal à celui pendant lequel elle a subsisté. Après avoir considéré que plus de trente jours se sont écoulés depuis la date précitée, sans que le demandeur ait déposé une requête ou un formulaire exposant ses griefs contre le jugement frappé d'appel, l'arrêt décide que le demandeur est déchu de son recours et déclare celui-ci irrecevable.

5. En ayant prononcé la déchéance de l'appel du demandeur au motif qu'il n'avait pas déposé une requête ou un formulaire de griefs dans les trente jours à compter du 12 juin 2019, après avoir mis la cause en délibéré le 2 juillet 2019, c'est-à-dire avant l'expiration de ce terme, les juges d'appel ont privé le demandeur d'une partie du délai dont il disposait en vertu de l'article 204 du Code d'instruction criminelle pour faire connaître ses griefs contre le jugement entrepris.

Ainsi, l'arrêt viole l'article 204 du Code d'instruction criminelle.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue en cause du demandeur ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Bruxelles, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0874.F
Date de la décision : 20/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-20;p.19.0874.f ?

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