La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/11/2019 | BELGIQUE | N°S.19.0003.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 novembre 2019, S.19.0003.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.19.0003.F
CAISSE NATIONALE PATRONALE POUR LES CONGÉS PAYÉS DANS L'INDUSTRIE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Saint-Gilles, boulevard Poincaré, 78, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro n° 0409.088.887,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

M. E. A.,
défe

ndeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l&ap...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.19.0003.F
CAISSE NATIONALE PATRONALE POUR LES CONGÉS PAYÉS DANS L'INDUSTRIE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, association sans but lucratif, dont le siège est établi à Saint-Gilles, boulevard Poincaré, 78, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro n° 0409.088.887,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

M. E. A.,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 31 octobre 2018 par la cour du travail de Bruxelles.
Le 22 octobre 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 23 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuré social ;
- articles 1315, 1350 et 1352 du Code civil ;
- articles 2, 53bis, 2°, et 870 du Code judiciaire.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt confirme le jugement entrepris selon lequel les recours du défendeur du 16 janvier 2015 contre les décisions de la demanderesse des 19 et 25 juin 2014 ne sont pas tardifs et sont, dès lors, recevables, aux motifs suivants :
« La [demanderesse] soutient que les deux requêtes [du défendeur] étaient tardives dans la mesure où elles auraient été déposées plus de trois mois après les décisions litigieuses ;
Il est exact que, selon l'article 23 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuré social, sans préjudice des délais plus favorables résultant des législations spécifiques, les recours contre les décisions prises par les institutions de sécurité sociale compétentes en matière d'octroi, de paiement ou de récupération de prestations doivent, à peine de déchéance, être introduits dans les trois mois de leur notification ou de la prise de connaissance de la décision par l'assuré social en cas d'absence de notification ;
La [demanderesse] n'apporte pas la preuve de la date de la notification ou de la prise de connaissance de la décision. La circonstance que [le défendeur] a joint les décisions aux requêtes et qu'une date d'envoi figure sur les décisions ne suffit pas à établir la date de prise de cours du délai ;
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal [du travail] a considéré que le recours n'était pas tardif ».

Griefs

Première branche

1. Selon l'article 16 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuré social, la notification d'une décision se fait par lettre ordinaire ou par la remise d'un écrit à l'intéressé et, selon l'article 23 de cette loi, les recours contre les décisions prises par les institutions de sécurité sociale compétentes en matière d'octroi, de paiement ou de récupération de prestations doivent, à peine de déchéance, être introduits dans les trois mois de leur notification ou de la prise de connaissance de la décision par l'assuré social en cas d'absence de notification.
Quand l'institution de sécurité sociale invoque la tardiveté du recours, il lui appartient de prouver la notification ou la prise de connaissance de la décision par l'assuré social (articles 1315, alinéa 2, du Code civil et 870 du Code judiciaire). En effet, l'institution sociale a l'obligation de notifier sa décision à l'assuré social par lettre ordinaire ou par la remise d'un écrit à l'assuré social et doit dès lors prouver l'exécution de cette obligation.
S'il est prouvé que la notification par lettre ordinaire ou par remise d'un écrit à l'assuré social a eu lieu, il appartient à celui-ci, à qui incombe l'obligation d'introduire un recours dans les trois mois de la notification ou de la prise de connaissance de la décision, de prouver qu'il a respecté cette obligation, ce qui implique qu'il démontre la date à laquelle la décision lui a été notifiée ou la date à laquelle il en a pris connaissance (articles 1315, alinéa 2, du Code civil et 870 du Code judiciaire).
2. Dans sa requête d'appel, la demanderesse a fait valoir que, « dans ses requêtes, [le défendeur] n'explique pas à quelle date il a pris connaissance des deux décisions ; [qu']une copie de la décision est annexée à la requête ; [qu']il est précisé dans la décision qu'il est possible d'introduire un recours dans les trois mois de la notification de la décision ; [que] les dates d'envoi sont mentionnées sur les deux décisions, soit le 19 et le 25 juin 2014 ; [que], dès lors, il faut compter le délai de trois mois à partir de ces dates ; [que], si [le défendeur] prétend qu'il aurait reçu les décisions après un délai de trois mois à partir de la date de la décision ou de sa notification, il lui appartient d'indiquer dans la requête la date à laquelle il a pris connaissance de la décision ou de sa notification ; [qu']éventuellement, il pourrait produire l'enveloppe avec la date d'envoi ».
3. L'arrêt constate « qu'une date d'envoi figure sur les décisions » et « que [le défendeur] a joint les décisions aux requêtes ».
Ces constatations impliquent que la notification, à tout le moins la prise de connaissance par le défendeur, a eu lieu.
En vertu des articles 23 de la loi du 11 avril 1995 et 1315, alinéa 2, du Code civil, il appartenait dès lors au défendeur de prouver qu'il a introduit le recours dans le délai de trois mois de la notification ou de la prise de connaissance des décisions, ce qui implique qu'il prouve la date de la notification ou de la prise de connaissance des décisions.
4. En décidant que la demanderesse n'apporte pas la preuve de la date de la notification ou de la prise de connaissance de la décision, l'arrêt met à charge de la demanderesse une preuve qui incombe au défendeur et viole les articles 23 de la loi du 11 avril 1995, 1315, alinéa 2, du Code civil et 870 du Code judiciaire.
Seconde branche (subsidiaire)

1. Selon l'article 16 de la loi du 11 avril 1995, la notification d'une décision se fait par lettre ordinaire ou par la remise d'un écrit à l'intéressé et, selon l'article 23 de cette loi, les recours contre les décisions prises par les institutions de sécurité sociale compétentes en matière d'octroi, de paiement ou de récupération de prestations doivent, à peine de déchéance, être introduits dans les trois mois de leur notification ou de la prise de connaissance de la décision par l'assuré social en cas d'absence de notification.
Ce recours est un recours devant le tribunal du travail (article 580, 2°, du Code judiciaire).
2. L'article 53bis, 2°, du Code judiciaire, applicable à la procédure prévue dans la charte de l'assuré social en vertu de l'article 2 de ce code, qui concerne le calcul à l'égard du destinataire des délais qui commencent à courir à partir d'une notification sur support papier, dispose que, lorsque la notification est effectuée par pli recommandé ou par pli simple, le délai commence à courir depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où le pli a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire.
Cet article instaure une présomption légale que le destinataire peut renverser (articles 1350 et 1352 du Code civil).
3. L'arrêt constate « qu'une date d'envoi figure sur les décisions » et « que [le défendeur] a joint les décisions aux requêtes ».
En vertu de l'article 53bis, 2°, du Code judiciaire, ces constatations font présumer une notification des décisions par pli simple au défendeur à la date d'envoi figurant sur les décisions.
Le défendeur, faisant défaut tout au long de la procédure, n'a pas apporté la preuve contraire.
L'arrêt, qui décide que les requêtes ne sont pas tardives et sont, dès lors recevables, viole les articles 2, 53bis, 2°, du Code judiciaire, 1350 et 1352 du Code civil.
III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

Aux termes de l'article 23, alinéa 1er, de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la charte de l'assuré social, sans préjudice des délais plus favorables résultant des législations spécifiques, les recours contre les décisions prises par les institutions de sécurité sociale compétentes en matière d'octroi, de paiement ou de récupération de prestations doivent, à peine de déchéance, être introduits dans les trois mois de leur notification ou de la prise de connaissance de la décision par l'assuré social en cas d'absence de notification.
Cette disposition impose à l'institution qui invoque la tardiveté du recours de l'assuré social contre une décision qu'elle a prise d'établir le point de départ du délai.
En prescrivant, en son alinéa 1er, que, sans préjudice des dispositions légales ou réglementaires particulières, la notification d'une décision se fait par lettre ordinaire ou par la remise d'un écrit à l'intéressé et, en son alinéa 2, que le Roi peut déterminer les cas dans lesquels la notification doit se faire par lettre recommandée à la poste, ainsi que les modalités d'application de cette notification, l'article 16 de la même loi n'a pas pour effet de limiter la preuve qui incombe à l'institution à la seule existence, à l'exclusion de sa date, de la notification ou de la prise de connaissance de la décision par l'assuré social.
En considérant que « la circonstance que le [défendeur] a joint les décisions aux requêtes et qu'une date d'envoi figure sur les décisions » ne suffit pas à établir la date de prise de cours du délai », l'arrêt justifie légalement sa décision que les recours du défendeur ne sont pas tardifs.

Quant à la seconde branche :

Contrairement à ce que suppose le moyen, en cette branche, les constatations de l'arrêt que « le [défendeur] a joint les décisions aux requêtes et qu'une date d'envoi figure sur les décisions » ne permettent pas de présumer que les plis ont été remis au service de la poste le jour de cette date au sens de l'article 53bis, 2°, du Code judiciaire.

Le moyen, en aucune de ses branches, ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent vingt-trois euros quarante-six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix-huit novembre deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.19.0003.F
Date de la décision : 18/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-18;s.19.0003.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award