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06/11/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0950.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 novembre 2019, P.19.0950.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt

N° P.19.0950.F
B. R.
étranger, détenu en vue d'extradition,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Thomas Bocquet, avocat au barreau de Liège, et Pascal Vancraeynest, avocat au barreau de Dinant.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 août 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire.
Le 31 octobre 2019, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des c

onclusions au greffe.
A l'audience du 6 novembre 2019, le conseiller Tamara Konsek a fait rappor...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt

N° P.19.0950.F
B. R.
étranger, détenu en vue d'extradition,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Thomas Bocquet, avocat au barreau de Liège, et Pascal Vancraeynest, avocat au barreau de Dinant.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 août 2019 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire.
Le 31 octobre 2019, l'avocat général Damien Vandermeersch a déposé des conclusions au greffe.
A l'audience du 6 novembre 2019, le conseiller Tamara Konsek a fait rapport et l'avocat général précité a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

La loi du 15 mars 1874 sur les extraditions ne fait pas mention du pourvoi en cassation, lequel demeure, en cette matière, régi par le Code d'instruction criminelle. En effet, l'article 3 de cette loi ne vise que, d'une part, la procédure d'exequatur par la chambre du conseil du mandat d'arrêt décerné par l'autorité étrangère compétente et, d'autre part, la manière d'accueillir l'avis de la chambre des mises en accusation de la cour d'appel, à propos de l'extradition.

L'article 429, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle subordonne la recevabilité du mémoire à la condition qu'il soit remis au greffe de la Cour quinze jours francs au plus tard avant l'audience.

En application de cette règle, le délai pour déposer le mémoire est venu à échéance le lundi 21 octobre 2019.

La remise du mémoire au greffe le jeudi 24 octobre 2019 est dès lors tardive.

Il n'y a pas lieu d'avoir égard au mémoire, étranger à sa recevabilité.

Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 2bis de la loi du 15 mars 1874 sur les extraditions et 3 et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

L'arrêt attaqué rend exécutoire le mandat d'arrêt émis par le tribunal de district Staropromyskovsky de la ville de Grozny (Fédération de Russie) du chef de tentative d'assassinat sur la personne de M. B..

En vertu de l'article 2bis, alinéa 2, de la loi du 15 mars 1874, l'extradition ne peut être accordée s'il existe des risques sérieux que la personne, si elle était extradée, serait soumise dans l'Etat requérant, à un déni flagrant de justice, à des faits de torture ou à des traitements inhumains et dégradants.

Il appartient à la juridiction d'instruction d'examiner de manière concrète cette cause de refus.

Devant les juges d'appel, le demandeur a d'abord énoncé être persécuté depuis 2008 par les autorités tchétchènes en raison de son refus de travailler pour le président K. et avoir été arrêté à plusieurs reprises entre 2008 et 2013, date de son départ pour la Pologne. Il a précisé avoir subi à ces occasions des faits de torture, notamment au moyen de chocs électriques. Il a ensuite fait valoir une demande de protection internationale, toujours en cours d'examen en Belgique. Il a soutenu que dans ce cadre, il aurait fait état d'un conflit avec M. B., lequel serait responsable de la mort de son frère en 2002. Il a également évoqué les faits de torture précités. Il ressort de l'arrêt attaqué qu'il a déposé un dossier de pièces au sujet de la procédure de demande de protection internationale.

L'arrêt énonce, par adoption des motifs du réquisitoire du ministère public, que par courrier adressé au ministre de la Justice, le procureur général de la Fédération de Russie a garanti que la demande d'extradition n'est pas présentée aux fins de poursuivre le demandeur pour, notamment, ses opinions politiques et qu'il ne sera soumis à aucun des traitements visés à l'article 3 de la Convention. Par motifs propres, l'arrêt ajoute que les considérations émises par le demandeur au sujet d'une procédure de demande d'asile éventuelle sont sans lien avec la procédure d'exequatur et que les pièces qu'il invoque sont de surcroît rédigées dans une langue qui n'est pas celle de la procédure.

D'une part, le principe de l'unicité de la langue consacré par la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des langues en matière judiciaire ne s'applique qu'aux actes de la procédure judiciaire. Si le juge ne connaît pas la langue dans laquelle les pièces déposées par l'étranger détenu en vue d'extradition ont été rédigées, il peut en demander la traduction, mais aucune interdiction ne lui est faite d'avoir égard à des pièces rédigées dans une langue autre que celle de la procédure. En revanche, le respect des droits de la défense lui impose d'en prendre connaissance.

D'autre part, il ne ressort pas de ces considérations que les juges d'appel ont effectué un examen concret du risque visé à l'article 2bis, alinéa 2, de la loi du 15 mars 1874.

Ainsi, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé ;
Réserve les frais pour qu'il soit statué sur ceux-ci par la juridiction de renvoi ;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du six novembre deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0950.F
Date de la décision : 06/11/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-11-06;p.19.0950.f ?

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