La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/10/2019 | BELGIQUE | N°S.19.0010.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 28 octobre 2019, S.19.0010.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.19.0010.F
E. B. L.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE SERAING, dont les bureaux sont établis à Seraing (Ougrée), avenue du Centenaire, 400,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour du t

ravail de Liège.
Le 9 octobre 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions ...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° S.19.0010.F
E. B. L.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE SERAING, dont les bureaux sont établis à Seraing (Ougrée), avenue du Centenaire, 400,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 12 novembre 2018 par la cour du travail de Liège.
Le 9 octobre 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 2, 3, 12 et 47, spécialement § 4, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale ;
- article 1er, 1°, de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d'aide sociale.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt dit non fondé l'appel du demandeur, dit que celui-ci n'établit pas la compétence territoriale du défendeur à son égard entre le 12 mars 2014 et le 7 mai 2015 et confirme en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le demandeur de sa demande tendant au revenu d'intégration sociale pour cette période, par les motifs que
« En vertu de l'article 1er, 1°, de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d'aide sociale, le centre compétent est celui de la commune sur le territoire de laquelle ‘se trouve' la personne qui a besoin d'assistance ;
Sous réserve du cas particulier du sans-abri, le territoire de la commune où se trouve l'intéressé doit s'entendre de l'endroit où il a sa résidence habituelle, soit du lieu où il a la disposition effective d'une habitation, qu'il occupe réellement et dans l'intention d'en faire son principal établissement, où il participe à la vie sociale, se retire pour sa vie privée, où se situe le centre de sa vie familiale ;
La question est si [le demandeur] occupe réellement sa résidence sérésienne dans l'intention d'en faire son principal établissement et si Seraing constituait le centre de sa vie familiale et sociale ;
La charge et le risque de la preuve de la résidence repose sur [le demandeur] ;
[...] [Le demandeur] n'apporte en réalité aucun élément qui permette d'accréditer la thèse de sa résidence réelle et effective à Seraing ;
Il est absolument exact qu'un bénéficiaire de l'aide du centre public d'aide sociale n'est pas assigné à résidence et qu'il peut se mouvoir comme il l'entend ;
Néanmoins, lorsque sept visites à domicile étalées sur deux périodes de respectivement un mois puis une semaine sont négatives, que toutes les absences lors de ces visites sont justifiées par des rendez-vous en région bruxelloise, qui est la région de domiciliation de l'intéressé tant avant qu'après la période litigieuse, que l'intéressé reconnaît lui-même y être très souvent présent pour rendre visite à ses amis et pour ses rendez-vous médicaux et que, de surcroît, les consommations d'énergie sont particulièrement faibles, le logement ne peut être retenu au titre de résidence habituelle. Il doit être considéré comme, dans le meilleur des cas, un pied-à-terre de transit où sa présence est tellement fugace qu'elle ne permet pas de considérer qu'il ‘se trouve', au sens de la loi, sur le territoire de Seraing ;
[...] Le jugement doit être confirmé ».

Griefs

L'article 2 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale dispose que
« Toute personne a droit à l'intégration sociale. Ce droit peut, dans les conditions fixées par la présente loi, prendre la forme d'un emploi ou d'un revenu d'intégration, assortis ou non d'un projet individualisé d'intégration sociale.
Les centres publics d'aide sociale ont pour mission d'assurer ce droit ».
En vertu de l'article 3, alinéa 1er, 1°, de la même loi, « pour pouvoir bénéficier du droit à l'intégration sociale, la personne doit simultanément et sans préjudice des conditions spécifiques prévues par cette loi, avoir sa résidence effective en Belgique, dans le sens à déterminer par le Roi ».
L'article 12 de ladite loi dispose que « toute personne à partir de vingt-cinq ans a droit à l'intégration sociale lorsqu'elle remplit les conditions prévues aux articles 3 et 4 ».
Selon l'article 1er, 1°, de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d'aide sociale, le centre public d'aide sociale compétent est celui de la commune sur le territoire de laquelle « se trouve » la personne qui a besoin d'assistance.
Par l'article 47, § 4, de la loi du 26 mai 2002, il est prévu que
« Lorsqu'un centre impliqué dans l'affaire conteste sa compétence territoriale, le tribunal du travail le cas échéant, en dérogation à l'article 811 du Code judiciaire, convoque d'office le centre présumé compétent par pli judiciaire afin que celui-ci comparaisse à la prochaine audience utile.
Si l'incompétence du centre est soulevée lors de l'audience introductive, le greffier peut noter sur la feuille d'audience la décision de convoquer d'office ».
Ainsi qu'il résulte des motifs critiqués de l'arrêt, la cour du travail a examiné la compétence territoriale du défendeur, cette compétence étant contestée par ce dernier.
Elle a conclu que le demandeur ne prouvait pas sa résidence effective à Seraing et, corrélativement, la compétence du défendeur.
L'arrêt rejette en conséquence la demande du demandeur.
La cour du travail a pris cette décision sans avoir au préalable convoqué d'office le centre présumé compétent conformément à l'article 47, § 4, de la loi du 26 mai 2002.
À défaut d'une telle convocation, qui s'imposait à la cour du travail dès lors que le défendeur contestait sa compétence, l'arrêt ne justifie pas légalement sa décision de rejeter la demande du demandeur visant à obtenir le paiement d'un revenu d'intégration sociale pour la période du 12 mars 2014 au 7 mai 2015 en application des dispositions de la loi du 26 mai 2002.
L'arrêt viole en conséquence
- l'article 47, spécialement § 4, de la loi du 26 mai 2002, en omettant de convoquer d'office le centre public d'action sociale présumé compétent, comme il était tenu de le faire en application de cette disposition dès lors que le défendeur, centre impliqué dans l'affaire, contestait sa compétence territoriale et qu'il conclut à cette incompétence du défendeur ;
- les articles 2, 3 et 12 de la même loi, en privant, ce faisant, illégalement le demandeur de ce droit pour la période du 12 mars 2014 au 7 mai 2015 ;
- l'article 1er, 1°, de la loi du 2 avril 1965, à défaut de déterminer le centre public d'action sociale présumé compétent sur la base des éléments qui lui étaient présentés, qui mettaient en évidence les liens du demandeur avec Bruxelles.

III. La décision de la Cour

En vertu de l'article 1er, 1°, de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d'action sociale, le centre public d'action sociale compétent est celui de la commune sur le territoire de laquelle se trouve la personne qui a besoin d'assistance.
L'article 47, § 4, alinéa 1er, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale dispose que lorsqu'un centre public d'action sociale impliqué dans l'affaire conteste sa compétence territoriale, le tribunal du travail le cas échéant, en dérogation à l'article 811 du Code judiciaire, convoque d'office le centre présumé compétent par pli judiciaire afin que celui-ci comparaisse à la prochaine audience utile.
L'application de cette disposition légale suppose que les éléments de la cause permettent de présumer compétent un autre centre public d'action sociale que celui qui est impliqué dans l'affaire.
D'une part, l'arrêt constate que les absences du défendeur lors de sept visites rendues à son domicile de Seraing ont été « justifiées par des rendez-vous en région bruxelloise, qui est [sa] région de domiciliation tant avant qu'après la période litigieuse » et où « il reconnaît [...] être très souvent présent pour rendre visite à ses amis et [se rendre à] ses rendez-vous médicaux », mais ne relève aucun élément permettant de présumer quel centre public d'action sociale de cette région qui compte dix-neuf communes pourrait être compétent.
D'autre part, le moyen ne précise pas les éléments qui auraient permis à la cour du travail de déterminer le centre public d'action sociale présumé compétent.
En s'abstenant de convoquer d'office un autre centre public d'action sociale autre que le défendeur, l'arrêt ne viole aucune des dispositions légales visées au moyen.
Celui-ci ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Vu l'article 1017, alinéa 2, du Code judiciaire, condamne le défendeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent nonante-trois euros trente-deux centimes en débet envers la partie demanderesse.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, les conseillers Michel Lemal, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-huit octobre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Mireille Delange, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.19.0010.F
Date de la décision : 28/10/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-28;s.19.0010.f ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award