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18/10/2019 | BELGIQUE | N°C.19.0136.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 octobre 2019, C.19.0136.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0136.F
BANQUE NAGELMACKERS, société anonyme, dont le siège social est établi à Saint-Josse-ten-Noode, avenue de l'Astronomie, 23, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.140.107,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

C. F.,
défendeur en cassation,

en présence de

1. D. B.,
2. C. F.

, pré-qualifié,
agissant tous deux en leur qualité de liquidateurs désignés à la suite de la clôture de la faill...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.19.0136.F
BANQUE NAGELMACKERS, société anonyme, dont le siège social est établi à Saint-Josse-ten-Noode, avenue de l'Astronomie, 23, inscrite à la banque-carrefour des entreprises sous le numéro 0404.140.107,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Ann Frédérique Belle, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 106, où il est fait élection de domicile,

contre

C. F.,
défendeur en cassation,

en présence de

1. D. B.,
2. C. F., pré-qualifié,
agissant tous deux en leur qualité de liquidateurs désignés à la suite de la clôture de la faillite de la société privée à responsabilité limitée Target Finance,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 15 juin 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat général Philippe de Koster a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la deuxième branche :

L'abus de droit consiste à exercer un droit d'une manière qui excède manifestement les limites de l'exercice de ce droit par une personne prudente et diligente. Tel est spécialement le cas lorsque le préjudice causé est sans proportion avec l'avantage recherché ou obtenu par le titulaire du droit. Dans l'appréciation des intérêts en présence, le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de la cause.
L'arrêt attaqué constate que :
- le 7 janvier 2008, la demanderesse conclut un contrat d'agence commerciale avec la société Target en vue de l'exploitation d'une agence bancaire dans un immeuble sis à ..., rue ... et lui octroie le 27 mai 2010 un crédit de 548.400 euros pour lequel le défendeur s'est porté caution solidaire et indivisible ;
- « le 17 août 2011, [la demanderesse] notifie à la société Target la fin du contrat d'agence commerciale [pour] le 30 septembre 2011 » ;
- « par deux lettres recommandées du 15 septembre 2011, [elle] met la société Target en demeure de payer dans les quinze jours un arriéré de 4.748,72 euros [...] et un arriéré de 3.074,84 euros, [...] précisant qu' ‘à défaut, nous nous verrons dans l'obligation de dénoncer le crédit' » ;
- « le vendredi 23 septembre 2011, [la demanderesse] dénonce avec effet immédiat la ligne de crédit professionnel accordée à la société Target, en ces termes : [...] ‘nous sommes au regret de devoir constater que non seulement vous n'avez pas réservé de suite favorable à nos nombreuses mises en demeure recommandées envoyées jusqu'ici mais qu'en outre, vos deux crédits d'investissement présentent chacun un retard accumulé de 3.074,80 euros et de 4.748,72 euros. Par ailleurs, ce même compte courant [...] est à nouveau en dépassement si bien qu'il ne peut présenter de provision suffisante pour régulariser les échéances impayées. [...] l'exercice comptable 2010 fait apparaître des chiffres désastreux (résultat d'exploitation, fonds propres négatifs, cash-flow négatif). Vous comprendrez que ces divers constats ont contribué à rompre définitivement notre confiance' ».
L'arrêt attaqué relève qu'alors qu'« il avait été donné un délai pour régulariser la situation jusqu'au 30 septembre 2011, en dénonçant les crédits le 23 septembre 2011, soit huit jours avant la fin du délai qu'elle avait elle-même octroyé à la société Target, [la demanderesse] a procédé de manière abrupte et abusive » car « il est crédible de considérer que la société Target aurait pu trouver des fonds pour rembourser [le] montant [dû] de telle sorte que la dénonciation ne serait pas intervenue ».
Il considère que « c'est vainement que [la demanderesse] évoque qu'indépendamment de l'arriéré dans les crédits, existait aussi le fait que l'année 2010 avait été catastrophique pour la société Target et que son compte courant était débiteur de 25.804,54 euros » dès lors que « le préjudice ‘subi' et en fait non encore avéré par [la demanderesse] de 5.688,58 euros [après imputation des commissions pour le mois de septembre 2011 de 2.134,97 euros] et le préjudice infligé à la société Target de 539.745,46 euros sont dans un rapport de 1 à 100 » en sorte que « tenter de se fonder sur ces deux éléments pour légitimer une telle rupture sans le moindre préavis dans ces conditions est injustifié et relève de l'abus de droit ».
En considérant que la disproportion s'apprécie, pour déterminer l'avantage retiré par la demanderesse de la résiliation immédiate du crédit, par rapport au seul montant demeuré impayé par le défendeur en septembre 2011, sans tenir compte des autres circonstances invoquées par la demanderesse à l'appui de sa résiliation, l'arrêt attaqué ne justifie pas légalement sa décision que les crédits ont été « dénoncés abusivement ».
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Et la cassation de cette décision s'étend à la décision que l'appel à la caution est fautif et que la caution est libérée, en raison du lien établi par l'arrêt entre ces décisions.

Et il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Et la demanderesse a intérêt à ce que le présent arrêt soit déclaré commun aux parties appelées à la cause devant la Cour à cette fin.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il dit la demande de la demanderesse à l'égard du défendeur non fondée et qu'il statue sur les dépens entre ces parties ;
Déclare le présent arrêt commun à D. B et C. F., ès qualités ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller faisant fonction de président Michel Lemal, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du dix-huit octobre deux mille dix-neuf par le conseiller faisant fonction de président Michel Lemal, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.19.0136.F
Date de la décision : 18/10/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-18;c.19.0136.f ?

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