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16/10/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0952.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 16 octobre 2019, P.19.0952.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0952.F
D. A.,
condamné,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Delphine Paci et Martin Aubry, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise 379, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 11 septembre 2019 par le juge de l'application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
L

e conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a c...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0952.F
D. A.,
condamné,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Delphine Paci et Martin Aubry, avocats au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise 379, où il est fait élection de domicile.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un jugement rendu le 11 septembre 2019 par le juge de l'application des peines de Bruxelles.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

1. Pris de la violation des articles 72, 73 et 74 de la loi du 17 mai 2006 relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté, ci-après la loi du 17 mai 2006, le moyen reproche au juge de l'application des peines de s'être déclaré incompétent pour statuer sur la demande de libération provisoire pour raisons médicales, au motif qu'une telle mesure ne peut être octroyée qu'à un condamné détenu. Le demandeur soutient que le jugement attaqué ajoute à la loi une condition de recevabilité qu'elle ne contient pas. Il fait valoir que c'est au « condamné » que les dispositions invoquées accordent le droit d'introduire une demande de libération provisoire pour raisons médicales, et qu'aucune disposition légale ne lui impose d'attendre d'être écroué avant d'introduire une telle demande. A cet égard, le moyen fait observer que l'article 73 de la loi du 17 mai 2006 est repris sous le titre XI « Des compétences particulières du juge de l'application des peines » et qu'il ne s'agit donc pas d'une compétence inscrite sous un titre relatif aux modalités d'exécution de la peine. Le demandeur fait également valoir que la compétence du juge de l'application des peines n'est pas limitée aux seules peines exécutées et que les articles 82 et 88 de la loi du 17 mai 2006 prévoient qu'une demande de recalculer la peine ou de remplacer une peine privative de liberté par une peine de travail peut être introduite au greffe du tribunal de l'application des peines ou au greffe de la prison si le condamné est en détention. Le moyen énonce encore que, contrairement à ce qu'affirme le jugement, l'obligation légale d'introduire la demande auprès du directeur n'est pas pertinente, étant donné que le demandeur a formé cette demande par un courrier adressé au directeur de la prison, que celui-ci a émis un avis et que rien ne l'empêchait de convoquer le demandeur s'il estimait cette démarche nécessaire.

2. L'article 72 de la loi du 17 mai 2006 dispose que le juge de l'application des peines peut accorder une libération provisoire pour raisons médicales au condamné pour lequel il est établi qu'il se trouve en phase terminale d'une maladie incurable ou que sa détention est devenue incompatible avec son état de santé.

Il ressort des travaux préparatoires de la loi que le législateur a considéré que dans le cadre d'une exécution humaine de la peine, le condamné en phase terminale devait pouvoir quitter l'établissement pénitentiaire pour vivre ses derniers jours hors de la prison entouré de ses proches et que, de même, le condamné dont l'état de santé s'est altéré au point que son maintien en prison est devenu incompatible avec les conditions de détention, devait être mis en liberté provisoire.

3. En vertu de l'article 74, § 1er, de la loi précitée, la libération provisoire pour raisons médicales est accordée par le juge de l'application des peines après avis motivé du directeur. Cet avis est accompagné des avis du médecin traitant, du médecin-fonctionnaire dirigeant du Service de Santé pénitentiaire et, le cas échéant, du médecin choisi par le condamné.

L'article 74, § 2, de la loi prévoit que la demande est introduite auprès du directeur, que celui-ci recueille sans délai et au plus tard dans les sept jours les avis des médecins mentionnés au § 1er de l'article, que le greffe de la prison transmet immédiatement la demande, accompagnée de l'avis motivé du directeur et des autres avis précités, au greffe du tribunal de l'application des peines et au ministère public, et que ce dernier rédige sans délai un avis motivé dont il communique une copie au condamné et au directeur. En vertu du § 4 de cet article, le jugement qui accorde la libération provisoire pour raisons médicales doit être communiqué notamment au chef de corps de la police locale de la commune où le condamné s'établira.

4. L'article 77 de la loi du 17 mai 2006 énonce qu'en cas de révocation de la libération provisoire, le condamné est immédiatement réincarcéré.
5. Contrairement à ce que les articles 82 et 88 prévoient pour les demandes auxquelles ces dispositions s'appliquent, l'article 74, § 2, précité, ne prévoit pas la possibilité de déposer la demande au greffe du tribunal de l'application des peines ou au greffe de la prison si le condamné est en détention. Par contre, lorsque la libération provisoire pour raisons médicales a été accordée, l'article 75/2, § 1er, dispose que la demande de suspendre ou de préciser les conditions imposées, ou d'adapter celles-ci aux circonstances, doit être déposée au greffe du tribunal de l'application des peines.

6. Il résulte des dispositions précitées et des travaux préparatoires de la loi que le condamné susceptible d'être libéré provisoirement pour raisons médicales par le juge de l'application des peines est le condamné détenu pour lequel il est établi, sur le fondement notamment des avis du directeur de la prison où il séjourne, du médecin traitant attaché à la prison, du médecin-fonctionnaire dirigeant du Service de santé pénitentiaire et, le cas échéant, du médecin choisi par le condamné, qu'il se trouve en phase terminale d'une maladie incurable ou que sa détention est devenue incompatible avec son état de santé.

Il n'en résulte pas, comme le soutient le demandeur, que le législateur a attribué au juge de l'application des peines la compétence d'octroyer la libération provisoire pour raisons médicales à un condamné qui n'est pas en détention.

7. La mention de la libération provisoire pour raisons médicales sous le titre XI de la loi, consacré aux compétences particulières du juge de l'application des peines, ne permet pas davantage de considérer que le législateur lui aurait attribué la compétence d'ordonner la mise en liberté provisoire d'un condamné qui n'est pas en détention. Le législateur a décidé que cette mesure relève des compétences particulières du juge de l'application des peines, non parce que cette mesure devrait pouvoir être accordée tant à l'égard des condamnés détenus que de ceux qui ne le sont pas, mais parce que la libération provisoire pour raisons médicales, ainsi que l'indiquent les travaux préparatoires, est une modalité d'exécution de la peine qui, en raison de son caractère particulier, peut être octroyée quelle que soit l'importance de la peine prononcée, de sorte que les raisons justifiant la répartition des compétences entre le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines, suivant la circonstance que la peine privative de liberté est ou n'est pas supérieure à trois ans, ne jouent aucun rôle.

Le moyen manque en droit.

Sur le second moyen :

8. Le moyen est pris de la violation de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il soutient qu'en considérant que l'esprit de la Convention n'est pas méconnu puisque dès son incarcération le condamné garde la possibilité de solliciter sa libération provisoire pour raisons médicales et que le délai imposé au juge pour statuer est très court, le jugement contraint le demandeur à d'abord se soumettre à des peines ou traitements inhumains ou dégradants avant de pouvoir faire cesser cette situation au moyen d'une demande de libération pour raisons médicales. Le demandeur précise que les conditions pénitentiaires ne peuvent pas être adaptées à ses pathologies diverses et que son état de santé ne lui permet pas de subir, fût-ce une seule journée, une incarcération sans subir un traitement inhumain ou dégradant. Il fait également valoir que le respect par le juge du délai légal d'examen d'une demande de libération provisoire pour raisons médicales n'est pas sanctionné et que, dans les faits, la réalité carcérale allonge les délais nécessaires à l'obtention des avis prévus par la loi.

9. Le moyen est entièrement fondé sur l'affirmation que le demandeur ne pourra pas, dès son écrou à la prison, y recevoir du médecin de l'établissement les soins que son état réclame, ou encore sur l'affirmation que même en cas de transfert dans un centre médico-chirurgical pénitentiaire, l'affection dont il est atteint ne pourra pas être traitée convenablement, de sorte que pendant l'examen de la demande de mise en liberté, il sera soumis à un traitement contraire à l'article 3 de la Convention.

Dans la mesure où il repose sur une hypothèse, le moyen est irrecevable.

10. Ainsi qu'il résulte de l'examen du premier moyen, le juge de l'application des peines n'est pas compétent pour se prononcer sur une demande de libération provisoire pour raisons médicales d'un condamné qui n'est pas détenu.

La demande qui n'est pas dévolue directement à la cour d'appel ou à la Cour de cassation et que la loi n'attribue pas spécialement à une autre juridiction relève de la compétence générale du tribunal de première instance. Le cas échéant, le président de ce tribunal statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence.

Aucune violation de l'article 3 de la Convention ne saurait être tirée du constat fait par le jugement attaqué que la loi n'a pas attribué au juge de l'application des peines la compétence de statuer sur la demande de libération provisoire pour raisons médicales d'un condamné qui n'est pas détenu, alors que le président du tribunal de première instance est compétent, en cas d'urgence, pour ordonner les mesures provisoires permettant de prévenir la violation de la disposition conventionnelle précitée.

A cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

11. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le chevalier Jean de Codt, président, Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir et Frédéric Lugentz, conseillers, et prononcé en audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf par le chevalier Jean de Codt, président, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0952.F
Date de la décision : 16/10/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-10-16;p.19.0952.f ?

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