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27/09/2019 | BELGIQUE | N°F.18.0059.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 septembre 2019, F.18.0059.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.18.0059.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du directeur du bureau des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée à Charleroi 2, dont les bureaux sont établis à Charleroi, rue Jean Monnet, 14/35, et du conseiller général du centre PME à Charleroi, dont les bureaux sont établis à Charleroi, Petite rue, 4,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet

est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.18.0059.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, poursuites et diligences du directeur du bureau des recettes de la taxe sur la valeur ajoutée à Charleroi 2, dont les bureaux sont établis à Charleroi, rue Jean Monnet, 14/35, et du conseiller général du centre PME à Charleroi, dont les bureaux sont établis à Charleroi, Petite rue, 4,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,

contre

AMACOR, société privée à responsabilité limitée, dont le siège social est établi à Courcelles, rue des Bouleaux, 4,
défenderesse en cassation.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre les arrêts rendus les 13 mai 2016 et 24 février 2017 par la cour d'appel de Mons.
Le 29 août 2019, le procureur général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et le procureur général André Henkes a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente trois moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 17, § 2, a), de la directive n° 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme, qui figure sous le titre « déductions », dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée à l'intérieur du pays pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti. En vertu du paragraphe 5, alinéa 1er, de cet article, en ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées au paragraphe 2 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations.
Conformément à l'article 45, § 1er, 1°, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, qui transpose l'article 17, § 2, de cette sixième directive, tout assujetti peut déduire de la taxe dont il est redevable les taxes ayant grevé les biens et les services qui lui ont été fournis dans la mesure où il les utilise pour effectuer des opérations taxées.
L'article 6, § 2, alinéa 1er, a), de la même directive, transposé à l'article 19, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, dispose qu'est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux l'utilisation d'un bien affecté à l'entreprise pour les besoins privés de l'assujetti ou pour ceux de son personnel ou, plus généralement, à des fins étrangères à son entreprise, lorsque ce bien a ouvert droit à déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée.
Dans l'arrêt C-269/00, Seeling, rendu le 8 mai 2003, la Cour de justice de l'Union européenne a « rappelé qu'il ressort d'une jurisprudence constante qu'un assujetti a la possibilité de choisir, aux fins de l'application de la sixième directive, d'intégrer ou non à son entreprise la partie d'un bien qui est affectée à son usage privé » et que, « si l'assujetti choisit de traiter des biens d'investissements utilisés à la fois à des fins professionnelles et à des fins privées comme des biens d'entreprise, la taxe sur la valeur ajoutée due en amont sur l'acquisition de ces biens est en principe intégralement et immédiatement déductible ». Elle a ensuite relevé que, « lorsqu'un bien affecté à l'entreprise a ouvert droit à une déduction complète ou partielle de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, son utilisation pour les besoins privés de l'assujetti ou de son personnel à des fins étrangères à son entreprise est assimilée à une prestation de services effectuée à titre onéreux et taxée sur la base du montant des dépenses engagées pour l'exécution de la prestation de services ».
Elle en déduit qu'« un assujetti, qui choisit d'affecter la totalité d'un bâtiment à son entreprise et qui utilise, par la suite, une partie de ce bâtiment pour ses besoins privés, a, d'une part, le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont sur la totalité des frais de construction dudit bâtiment, d'autre part, l'obligation y correspondant de payer la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant des dépenses engagées pour l'exécution de ladite utilisation ».
Dans l'arrêt C-210/11 et C-211/10, Medicom, rendu le 18 juillet 2013, la Cour de justice précise encore que, « dans une telle situation, l'assujetti n'a pas l'obligation de prouver que la mise à la disposition de ses gérants, administrateurs ou associés de tout ou partie de l'immeuble entièrement affecté à l'entreprise est effectuée ‘pour les besoins de ses opérations taxées' au sens de l'article 17, § 2, de la sixième directive » et qu'il « ne doit donc pas prouver l'existence d'un lien direct et immédiat entre l'utilisation à des fins privatives de l'immeuble en question et ses activités économiques taxables ».
Il s'ensuit que, dans le régime de la sixième directive, applicable au litige, le droit à la déduction de la taxe payée en amont par un assujetti sur les frais de construction d'un immeuble dépend de l'affectation de ce bien à l'entreprise de l'assujetti et que, si celui-ci fait le choix d'une telle affectation, l'utilisation de ce bien à des fins étrangères à l'entreprise n'affecte pas son droit à la déduction.
Le moyen, qui soutient que, même si le bien est affecté à l'entreprise de l'assujetti, il faut vérifier si son utilisation est effectuée pour les besoins des opérations taxées de ce dernier et s'il existe un lien direct et immédiat entre l'utilisation à des fins privatives de l'immeuble et les activités économiques taxables de ce même assujetti, manque en droit.

Sur le deuxième moyen :

Quant aux trois branches réunies :

Le jugement entrepris a « débouté [le demandeur] de [la] demande incidente » par laquelle celui-ci demandait le paiement de « la taxe sur la valeur ajoutée relative à l'utilisation de l'immeuble litigieux pour l'année 2006 et [...] de procéder aux révisions de la déduction initialement opérée [...] pour les années 2007 et suivantes » aux motifs, d'une part, qu'il n'est « pas valablement saisi [...] d'une demande portant sur les années 2007 et suivantes », d'autre part, pour l'année 2006, que la défenderesse « affirme que l'immeuble litigieux n'a pu être occupé qu'au plus tôt au mois de septembre 2009, ce que [le demandeur] ne conteste pas ».
L'arrêt attaqué du 13 mai 2016, qui relève que le demandeur demande « de condamner [la défenderesse] à lui payer une somme équivalente au montant de la taxe sur la valeur ajoutée due pour les années 2012 à 2014 », ne s'estime pas suffisamment éclairé et invite les parties à s'expliquer sur la recevabilité et le fondement de cette demande. Il « confirme le jugement entrepris » et, « avant de statuer sur la recevabilité et le fondement de la demande reconventionnelle [du demandeur], ordonne la réouverture des débats ».
Il ressort de ces énonciations que, contrairement à ce que suppose le moyen, en ces branches, l'arrêt attaqué du 13 mai 2016 n'était pas saisi d'une demande du demandeur en paiement de la taxe pour l'année 2006 et que, dans les limites de la demande dont il était saisi pour les années 2012 à 2014, il ne confirme pas le jugement entrepris qui a débouté le demandeur sur ce point mais ordonne une réouverture des débats.
Le moyen, en chacune de ses branches, manque en fait.
Et il n'y a dès lors pas lieu de poser la question préjudicielle proposée par le demandeur, qui repose sur une hypothèse inexacte.

Sur le troisième moyen :

Quant à la seconde branche :

Conformément à l'article 144 de la Constitution, les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.
En vertu de l'article 85, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, en cas de non-paiement de la taxe, une contrainte est décernée par le fonctionnaire chargé du recouvrement, qui est visée et rendue exécutoire, et, en vertu du paragraphe 2 de cette disposition, la notification de cette contrainte permet au redevable de faire opposition à son exécution de la manière prévue à l'article 89.
Selon l'article 89, alinéa 2, de ce code, l'exécution de la contrainte ne peut être interrompue que par une action en justice.
Il ne s'ensuit pas qu'en l'absence de contrainte, l'administration fiscale ne puisse soumettre au juge la contestation portant sur le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée.
Après avoir relevé que l'arrêt attaqué du 13 mai 2016 annule la contrainte, qui « portait sur le rejet du droit à déduction sur les factures relatives à la construction de l'immeuble [de la défenderesse] émises durant l'année 2006, jusqu'à concurrence de 44,76 p.c. », l'arrêt attaqué du 24 février 2017 énonce que « la taxe sur la valeur ajoutée réclamée par [le demandeur] par le biais de sa demande reconventionnelle ne vise pas les taxes pour lesquelles la contrainte litigieuse a été émise mais des taxes relatives à la mise à disposition de la gérante de [la défenderesse] d'une partie de son immeuble pour les années 2012 à 2015, conformément à l'article 19, § 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée ».
L'arrêt attaqué du 24 février 2017, qui considère qu'« à défaut de contrainte, dûment visée et rendue exécutoire, invitant la [défenderesse] à payer lesdites taxes pour les années 2012 à 2015 », il est « sans juridiction, notamment en raison du principe de la séparation des pouvoirs, pour examiner la légalité de cette dette de taxe sur la valeur ajoutée et faire œuvre administrative en décernant un titre pour le paiement de celle-ci », viole l'article 144 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué du 24 février 2017 ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Condamne le demandeur à la moitié des dépens ; en réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Liège.
Les dépens taxés à la somme de six cent soixante-huit euros quarante-six centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-sept septembre deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence du procureur général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.18.0059.F
Date de la décision : 27/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-09-27;f.18.0059.f ?

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