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06/09/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0265.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 septembre 2019, C.18.0265.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0265.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, dont les bureaux de la direction générale des personnes handicapées sont établis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/150,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

1. H. H.,
2. M. K.,
3. Dominique BALZAT, avocat, en qualité d'ad

ministrateur provisoire de N. H.,
défendeurs en cassation,
4. J. B.,
5. BÂLOISE BELGIUM, société a...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0265.F
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, dont les bureaux de la direction générale des personnes handicapées sont établis à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/150,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Gand, Drie Koningenstraat, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

1. H. H.,
2. M. K.,
3. Dominique BALZAT, avocat, en qualité d'administrateur provisoire de N. H.,
défendeurs en cassation,
4. J. B.,
5. BÂLOISE BELGIUM, société anonyme, dont le siège social est établi à Anvers (Berchem), Posthofbrug, 16,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Joseph Stevens, 7, où il est fait élection de domicile,
6. HÔPITAL FRANÇAIS, association sans but lucratif en liquidation, dont le siège est établi à Berchem-Sainte-Agathe, avenue Josse Goffin, 180, représentée par son liquidateur, Maître Georges-Albert Dal, avocat au barreau de Bruxelles, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 81,
7. ALLIANZ BENELUX, société anonyme, anciennement dénommée Allianz Belgium, dont le siège social est établi à Bruxelles, rue de Laeken, 35,
défenderesses en cassation,

en présence de

1. UNION NATIONALE DES MUTUALITÉS LIBÉRALES, dont le siège est établi à Ixelles, rue de Livourne, 25,
2. COMMISSION COMMUNAUTAIRE FRANÇAISE, dont le siège est établi à Schaerbeek, rue des Palais, 42,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2016 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le président de section Christian Storck a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- articles 748bis, 1051 - avant sa modification par la loi du 12 mai 2014 -, 1053, 1054 et 1056 du Code judiciaire ;
- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil.

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt constate que le demandeur n'est ni intimé ni partie à la cause en degré d'appel, dit sa demande irrecevable et lui délaisse ses dépens d'appel s'il en est, par les motifs suivants :
« Quant à la procédure :
Par leur requête d'appel du 19 juillet 2012, [les premier à troisième défendeurs] ont désigné comme parties intimées [les quatrième à septième défenderesses] ;
[Le demandeur et les parties appelées en déclaration d'arrêt commun] sont uniquement mentionnés dans la requête d'appel comme ayant été parties à la cause en première instance ;
Ces trois parties n'ont donc été ni intimées ni appelées à la cause en degré d'appel ;
Le jugement entrepris leur a été signifié et elles n'ont pas déposé de requête d'appel ;
Les demandes formées devant la cour [d'appel] par [le demandeur] et la [seconde partie appelée en déclaration d'arrêt commun] ne sont donc pas recevables, ces parties n'étant pas parties à l'instance d'appel ;
De même, [la première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], qui n'a pas conclu, n'est pas partie à l'instance d'appel ;
Partant, il convient seulement de constater que ces parties ne sont pas à la cause, ce qui ne les rend pas redevables d'une indemnité de procédure en faveur des autres parties ».

Griefs

1. Les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil obligent le juge à respecter la foi due aux actes.
Aux termes de l'article 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire, avant sa modification par la loi du 12 mai 2014, le délai pour interjeter appel est d'un mois à partir de la signification du jugement ou de la notification de celui-ci faite conformément à l'article 792, alinéas 2 et 3.
En vertu de l'article 1053 de ce code, lorsque le litige est indivisible, l'appel doit être dirigé contre toutes les parties dont l'intérêt est opposé à celui de l'appelant ; ce dernier doit en outre, dans les délais ordinaires de l'appel et au plus tard avant la clôture des débats, mettre en cause les autres parties non appelantes ni déjà intimées ou appelées ; en cas d'inobservation de ces règles, l'appel ne sera pas admis, et la décision est opposable à toutes les parties en cause.
Suivant l'article 1054, alinéa 1er, du même code, la partie intimée peut former incidemment appel à tout moment contre toutes parties en cause devant le juge d'appel.
Une partie contre laquelle aucune prétention n'a été formulée par celui qui a interjeté appel n'est pas une partie intimée.
L'article 1056 du Code judiciaire dispose que l'appel est formé :
1° par acte d'huissier de justice signifié à partie ;
2° par requête déposée au greffe de la juridiction d'appel en autant d'exemplaires qu'il y a de parties en cause, et notifiée par le greffier, sous pli judiciaire, à la partie intimée et, le cas échéant, à son avocat au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dépôt ;
3° par lettre recommandée à la poste envoyée au greffe, lorsque la loi a formellement prévu ce mode de recours, ainsi que dans les matières prévues aux articles 579, 6°, 580, 2°, 3°, 6°, 7°, 8°, 9°, 10° et 11°, 581, 2°, 582, 1° et 2°, et 583 ;
4° par conclusions à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause.
De ces dispositions, il se déduit qu'une partie appelée à la cause en degré d'appel mais qui n'est pas une partie intimée peut former appel par conclusions à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause. L'appel doit être formé en respectant le délai prescrit par l'article 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire.
La recevabilité de l'appel doit, en principe, être appréciée au moment où il est formé.
L'article 748bis du Code judiciaire dispose que, sauf les cas où des conclusions peuvent être prises en dehors des délais visés à l'article 747, les dernières conclusions d'une partie prennent la forme de conclusions de synthèse. Pour l'application de l'article 780, alinéa 1er, 3°, les conclusions de synthèse remplacent toutes les conclusions antérieures et, le cas échéant, l'acte introductif d'instance de la partie qui dépose les conclusions de synthèse.
Il résulte de cette disposition que l'objet des demandes est exclusivement déterminé par les conclusions de synthèse et que le juge ne peut plus se prononcer sur un chef de la demande qui n'est pas réitéré dans les conclusions de synthèse.
Il n'en résulte en revanche pas que les conclusions antérieures sont privées de leurs conséquences juridiques. C'est le cas en ce qui concerne la recevabilité des demandes ou des recours qu'elles contiennent ou des demandes ou recours qui sont greffés sur ceux-ci.
2. Des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il ressort que :
- par requête déposée le 2 mai 2011, le demandeur est intervenu volontairement à la cause introduite par les premier à troisième défendeurs devant le tribunal de première instance par des citations des 19 et 23 février 1999 ;
- le jugement entrepris a dit la demande recevable mais non fondée ;
- le 19 juillet 2012, les trois premiers défendeurs ont déposé une requête d'appel au greffe de la cour d'appel ;
- dans la requête d'appel, le demandeur est indiqué sub 6 dans l'énumération des parties contre lesquelles l'appel est formé, toutefois en soulignant que les parties sub 5 à 7 sont des parties « intervenantes volontaires originaires » ;
- le 20 juillet 2012, la requête d'appel fut notifiée au conseil du demandeur par le greffe de la cour d'appel ;
- par lettre du 23 juillet 2012 adressée au greffe de la cour d'appel, l'avocat du demandeur a déclaré intervenir en qualité de conseil du demandeur ;
- le 3 septembre 2012, le demandeur a fait une déclaration de comparution par l'intermédiaire de son avocat ;
- dans ses conclusions d'appel datées du 15 octobre 2012, le demandeur s'est qualifié d'appelant en faisant valoir qu'il « exerce la même action que [les] appelant[s] », « qu'en conséquence, [il] suit la même procédure d'appel initiée par les appelants », « que, par [ces] conclusions, [il] déclare qu'il est appelant du jugement [entrepris] » ;
- à l'audience publique du 22 octobre 2012, le demandeur, représenté par son avocat, fut qualifié d'« intimé » au procès-verbal.
L'arrêt constate que la septième défenderesse a fait signifier le jugement entrepris le 4 janvier 2013, soit après que le demandeur eut formé appel par ses conclusions déposées au greffe de la cour d'appel en octobre 2012.
Des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, il ressort en outre que le demandeur a déposé de secondes conclusions d'appel datées du 13 novembre 2013 et des conclusions de synthèse d'appel datées du 11 mars 2014.
De ce qui précède, il résulte que le demandeur fut appelé à la cause par les trois premiers défendeurs dans leur requête d'appel et que, par la suite, il s'est fait représenter par son avocat et a formé lui-même appel par des conclusions déposées au greffe de la cour d'appel en octobre 2012, conformément à l'article 1056, 4°, du Code judiciaire, avant que le jugement entrepris lui eût été signifié.
3. L'arrêt observe que, dans la requête d'appel, [les quatrième à septième défendeurs] ont été désignés comme parties intimées et que [le demandeur et les parties appelées en déclaration d'arrêt commun] sont uniquement mentionnés comme ayant été des parties à la cause en première instance. Sur la base de ces motifs, l'arrêt décide que ces trois dernières parties n'ont donc été ni intimées ni appelées à la cause en degré d'appel. Selon l'arrêt, le demandeur n'a pas déposé de requête d'appel.
En décidant que le demandeur n'avait pas été appelé à la cause en degré d'appel, l'arrêt méconnaît la foi due à la requête d'appel et viole dès lors les articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil. À tout le moins, il méconnaît la notion de partie appelée à la cause et viole dès lors les articles 1051, 1053, 1054 et 1056 du Code judiciaire.
En décidant que le demandeur n'a pas déposé de requête d'appel et en déclarant par ce motif les demandes du demandeur irrecevables, l'arrêt décide que le demandeur n'a pas formé appel. Ce faisant, il viole l'article 1056, 4°, du Code judiciaire, qui dispose que l'appel peut être formé par conclusions, et méconnaît, en outre, la foi due aux conclusions d'appel du demandeur déposées au greffe de la cour d'appel en octobre 2012 (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Dans la mesure où, en décidant que le jugement a été signifié au demandeur, que celui-ci n'a pas déposé de requête d'appel et que sa demande formée par simples conclusions n'est donc pas recevable, il déclare l'appel du demandeur tardif, l'arrêt viole les articles 1051, alinéa 1er, et 1056, 4°, du Code judiciaire.
Dans la mesure où, pour apprécier la recevabilité de l'appel formé par le demandeur en l'absence de requête d'appel, il ne prend pas en considération ses conclusions d'appel datées du 15 octobre 2012, par lesquelles l'appel a été formé, mais détermine la recevabilité de cet appel à la lumière des dernières conclusions de celui-ci, l'arrêt ne justifie pas légalement ses décisions que le demandeur n'est pas partie à la cause en degré d'appel et que sa demande est irrecevable, et viole les articles 748bis et 1056, 4°, du Code judiciaire.

III. La décision de la Cour

La requête d'appel des trois premiers défendeurs mentionne qu'elle est dirigée contre les quatre derniers défendeurs, désignés sous les numéros 1 à 4 et qualifiés d'intimés, et, sous l'intitulé « intervenants volontaires originaires », contre le demandeur et les deux parties appelées devant la Cour en déclaration d'arrêt commun, désignés sous les numéros 5 à 7 et non qualifiés. Les trois premiers défendeurs y prient le greffe « de faire notifier [cette] requête aux parties intimées préqualifiées » en les invitant à comparaître à l'audience de la cour d'appel qu'elles indiquent « pour y faire acter, conformément à l'article 1061 du Code judiciaire, [leur] déclaration de comparution ».
D'une part, en considérant que, « par leur requête d'appel, les [trois premiers défendeurs] ont désigné comme parties intimées les [quatre derniers défendeurs] », que le demandeur et les parties appelées en déclaration d'arrêt commun « sont uniquement mentionnés comme ayant été des parties à la cause en première instance » et que ceux-ci « n'ont donc [pas] été appelés à la cause en degré d'appel », l'arrêt ne donne pas de cette requête d'appel une interprétation inconciliable avec ses termes et ne viole pas, partant, la foi due à l'acte qui la contient.
D'autre part, dès lors que, par cette requête, les trois premiers défendeurs n'avaient pas mis le demandeur en cause en degré d'appel, les circonstances que la requête d'appel lui ait été notifiée, qu'il ait, dans les pièces de la procédure suivie devant la cour d'appel, été qualifié d'intimé, qu'il ait fait une déclaration de comparution et ait, dans les termes que reproduit le moyen, conclu en se qualifiant d'appelant ne sauraient lui conférer la qualité de partie en cause au sens des articles 1051, 1053, 1054 et 1056 du Code judiciaire, dont le moyen invoque la violation.
Pour le surplus, les autres griefs énoncés par le moyen supposent que le demandeur, ayant cette qualité vainement prétendue, eût pu relever appel du jugement entrepris par conclusions.
Le moyen ne peut être accueilli.
Et le rejet du pourvoi prive d'intérêt la demande en déclaration d'arrêt commun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en déclaration d'arrêt commun ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de mille quatre cent nonante-huit euros cinquante-quatre centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Michel Lemal, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du six septembre deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0265.F
Date de la décision : 06/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-09-06;c.18.0265.f ?

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