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04/09/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0423.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 04 septembre 2019, P.19.0423.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0423.F
M. H.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, et Maître Mélanie Bosmans, avocat au barreau Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, chaussée de Charleroi, 70/13, où il est fait élection de domicile,

contre

1. D. P.,
2. SOCIETE DES TRANSPORTS INTERCOMMUNAUX DE BRUXELLES, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Royale, 76,
3. C. R., ayant fait élection de domicile au siège de son employeur, la s

ociété des transports intercommunaux de Bruxelles, mieux qualifiée ci-dessus,


4. D. V. C.,
parti...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0423.F
M. H.,
prévenu, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maître Steve Lambert, avocat au barreau de Bruxelles, et Maître Mélanie Bosmans, avocat au barreau Bruxelles, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, chaussée de Charleroi, 70/13, où il est fait élection de domicile,

contre

1. D. P.,
2. SOCIETE DES TRANSPORTS INTERCOMMUNAUX DE BRUXELLES, dont le siège est établi à Bruxelles, rue Royale, 76,
3. C. R., ayant fait élection de domicile au siège de son employeur, la société des transports intercommunaux de Bruxelles, mieux qualifiée ci-dessus,

4. D. V. C.,
parties civiles,
défendeurs en cassation.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 29 mars 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque deux moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Michel Nolet de Brauwere a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

A. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur l'action publique :

Sur le second moyen :

Quant à la première branche :

1. En application de l'article 204 du Code d'instruction criminelle, à peine de déchéance de l'appel, le prévenu est tenu, dans le délai de trente jours prescrit par l'article 203, § 1er, alinéa 1er, pour former ce recours, d'indiquer dans une requête les griefs élevés contre le jugement entrepris. Conformément à l'article 204, alinéa 3, du Code d'instruction criminelle, un formulaire dont le modèle est déterminé par le Roi peut être utilisé à cette fin.

Lorsqu'il n'apparaît d'aucune des pièces de la procédure que l'obligation de déposer cette requête ou ce formulaire dans le délai de trente jours pour former l'appel, a été portée à la connaissance du prévenu détenu qui n'était pas assisté par un avocat et qui a manifesté son intention d'interjeter appel, dans une langue qu'il comprend, le juge d'appel ne peut le déclarer déchu de ce recours en application de l'article 204 précité, à peine de le priver du droit d'accès à un tribunal.

2. Le demandeur a fait valoir dans ses conclusions déposées devant les juges d'appel qu'il ne maîtrisait absolument pas le français ni le néerlandais et qu'un interprète avait dû l'assister pour l'ensemble des audiences ainsi que dans le cadre des entretiens à la prison. Il a soutenu dans lesdites conclusions que nonobstant le dépôt tardif du formulaire de griefs, son appel contre le jugement du 30 août 2018 devait être déclaré recevable, au motif que le juge d'appel ne peut déclarer le prévenu, qui n'est pas assisté d'un avocat, déchu de son appel en application de l'article 204 du Code d'instruction criminelle, lorsqu'il n'apparaît d'aucune pièce que l'obligation de déposer une requête d'appel ou un formulaire de griefs a été portée à la connaissance du prévenu, dans une langue qu'il comprend. A cet égard, le demandeur a précisé qu'il avait été assisté d'un conseil durant la procédure devant le tribunal correctionnel, qu'il a personnellement interjeté appel du jugement le jour même de son prononcé, le 30 août 2018, que le 2 septembre 2018 son avocat a mis fin à son intervention, qu'aucun élément ne permet d'établir qu'il a été informé par cet avocat de la nécessité de déposer un formulaire de griefs et que ce conseil n'a pas informé le bureau d'aide juridique qu'il fallait procéder à la désignation d'un nouvel avocat. Le demandeur a soutenu que les circonstances précitées constituaient un cas de force majeure.

3. Le procès-verbal de l'audience de la cour d'appel du 1er mars 2019, à laquelle la cause a été prise en délibéré, mentionne que le demandeur ne parle pas le français et qu'il est assisté d'un interprète.

4. Les juges d'appel ont relevé que le délai pour interjeter appel du jugement rendu le 30 août 2018 et pour déposer le formulaire de griefs, avait expiré le lundi 1er octobre 2018.

La cour d'appel a également constaté que le demandeur avait fait, seul, une déclaration d'appel à la prison le 30 août 2018, qu'il ressortait du procès-verbal de la déclaration d'appel qu'il avait reçu le formulaire de griefs le 31 août 2018 et que le demandeur avait indiqué aux juges d'appel que son avocat était venu le voir à la prison le 2 septembre 2018 en l'informant ne plus vouloir le défendre. A cet égard, l'arrêt mentionne que le demandeur a déposé un courrier électronique dans lequel ce conseil confirme qu'il lui a rendu visite à cette date pour l'informer de son désaccord avec l'appel que son client avait interjeté, ainsi que pour l'informer de la fin de sa mission.

L'arrêt mentionne, en outre, que le demandeur a prié un codétenu de contacter un autre avocat, que celui-ci a été contacté par téléphone le 4 ou le 5 octobre 2018, que ce conseil a déposé le formulaire de griefs le 9 octobre 2018 et que le nouvel avocat a été désigné par le bureau d'aide juridique le 10 octobre 2018.

5. Pour considérer que la force majeure invoquée par le demandeur ne peut être retenue, l'arrêt considère que

- les fautes ou négligences du mandataire ne peuvent constituer en soi pour le mandant une cause étrangère, un cas fortuit ou un cas de force majeure ;
- tout au plus, le cas de force majeure doit être admis lorsque l'erreur ou la négligence du mandataire, nullement imputable au mandant, est excusable ou, à tout le moins, s'explique par les circonstances de fait objectives de la cause ;
- le demandeur a été assisté d'un conseil désigné par le bureau d'aide juridique dès le 9 mars 2018 ; celui-ci l'a assisté lors de différentes étapes de la procédure de première instance, à savoir la comparution devant le juge d'instruction, l'audition devant les enquêteurs et les comparutions devant la chambre du conseil et le premier juge ;
- il appartenait à ce conseil de demander sa décharge au bureau d'aide juridique et, dans l'attente de connaître la décision du président de ce bureau, de déposer le formulaire de griefs adéquatement complété, dans le délai prévu par la loi ;
- l'avocat du demandeur a commis une erreur ou une négligence en ne déposant pas le formulaire de griefs dans ce délai, au moins à titre conservatoire, et cette erreur ou négligence n'est nullement excusable, ni ne s'explique par les circonstances de fait objectives de la cause ;
- même si le demandeur n'a aucun antécédent judiciaire en Belgique, était placé pour la première fois en prison, ne connaissait pas la procédure pénale belge, ne maîtrisait aucune des langues nationales et ne pouvait comprendre ni remplir le formulaire de griefs, l'appel du demandeur est irrecevable, dans la mesure où aucune requête indiquant précisément les griefs n'a été déposée dans le délai et les formes prescrits par les articles 203 et 204 du Code d'instruction criminelle, par l'avocat pro deo qui représentait le demandeur au moins jusqu'au 10 octobre 2018, date de la désignation d'un nouveau conseil ;
- le précédent conseil du demandeur, avocat pro deo, n'avait pas de monopole pour déposer le formulaire de griefs ; le choix d'un avocat, contrairement à celui d'un huissier de justice, n'est soumis à aucune limite en fonction de règles de compétence territoriale, et l'affirmation du demandeur, qui soutenait que le libre choix de l'avocat est souvent un leurre, plus particulièrement pour les détenus précarisés ne parlant pas une des langues du Royaume, n'est pas convaincant dès lors qu'il a parfaitement réussi, avec l'aide d'un codétenu, le 4 octobre 2018, à choisir et à contacter son actuel avocat qui est venu très rapidement le visiter à la prison ;
- ce n'est que lors de cette rencontre, le 8 octobre 2018, que le demandeur a introduit une nouvelle demande d'obtention de l'aide juridique de deuxième ligne.

6. Par aucune considération, les juges d'appel n'ont examiné si l'obligation de déposer une requête ou un formulaire indiquant les griefs élevés contre le jugement dont appel rendu le 30 août 2018 avait été portée à la connaissance du demandeur dans une langue qu'il comprend, alors qu'ils ont constaté que, sans attendre que le bureau d'aide juridique désigne un nouveau conseil, l'avocat qui l'avait assisté durant la procédure devant le premier juge avait mis fin à son intervention le 2 septembre 2018 et que le demandeur n'a contacté son nouveau conseil que le 4 octobre 2018.

En ayant déclaré l'appel du demandeur irrecevable sans avoir procédé à cette vérification, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision.

Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Il n'y a pas lieu d'avoir égard au surplus du moyen, ni au premier moyen, qui ne sauraient entraîner une cassation sans renvoi.

B. En tant que le pourvoi est dirigé contre la décision rendue sur

1. l'action civile exercée par C. D. V. :

Il n'apparaît pas des pièces de la procédure que le demandeur a fait signifier son pourvoi aux ayants droit du défendeur.

Le pourvoi est irrecevable.

2. les actions civiles exercées par P.D., la société des transports intercommunaux de Bruxelles et R. C. :

Le demandeur se désiste de son pourvoi dans l'hypothèse où il serait prématuré.

Nonobstant le désistement, la cassation, sur le pourvoi non limité du prévenu, de la décision rendue sur l'action publique exercée à sa charge entraîne l'annulation de la décision rendue sur les actions civiles exercées contre lui par les défendeurs, qui est la conséquence de la première.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Casse l'arrêt attaqué sauf en tant qu'il statue sur l'action civile exercée par C.D. V. ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne le demandeur à un cinquième des frais de son pourvoi et réserve le surplus pour qu'il soit statué sur celui-ci par le juge de renvoi ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, à la cour d'appel de Mons.
Lesdits frais taxés à la somme de huit cent trente-neuf euros huit centimes en débet.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Françoise Roggen, Eric de Formanoir, Tamara Konsek et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quatre septembre deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Michel Nolet de Brauwere, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0423.F
Date de la décision : 04/09/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-09-04;p.19.0423.f ?

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