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27/06/2019 | BELGIQUE | N°F.17.0132.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 juin 2019, F.17.0132.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.17.0132.F
1. F.-R. G.,
2. H. P. G.,
3. S. G.,
4. M. C. G.,
5. S. G.,
6. E. G.,
7. D. G.,
8. J. B. G.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

VILLE DE VERVIERS, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Verviers, en l'hôtel de ville, place du Marché, 55,
défenderesse en cassation,


représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles,...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.17.0132.F
1. F.-R. G.,
2. H. P. G.,
3. S. G.,
4. M. C. G.,
5. S. G.,
6. E. G.,
7. D. G.,
8. J. B. G.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile,

contre

VILLE DE VERVIERS, représentée par son collège communal, dont les bureaux sont établis à Verviers, en l'hôtel de ville, place du Marché, 55,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 14 juin 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
Le procureur général André Henkes a conclu.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Aux termes de l'article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif.
Il ressort du procès-verbal de la séance du conseil communal de la demanderesse du 28 janvier 2013 que celui-ci revoit « sa délibération du 22 octobre 2012 modifiant le règlement sur les immeubles inoccupés » et qu'il le « modifie » en établissant une taxe « pour les exercices 2013 à 2018 » selon les dispositions des articles 1 à 9.
Selon l'article 1er, § 2, alinéa 1er, du règlement du 28 janvier 2013, le fait générateur de la taxe est le maintien en l'état d'un immeuble ou partie d'immeuble pendant la période comprise entre deux constats successifs qui seront distincts d'une période minimale de six mois et, en vertu de l'alinéa 2 de cette même disposition, la période imposable est l'année au cours de laquelle le second constat est réalisé.
Le principe général du droit de la non-rétroactivité des lois ne fait pas obstacle à ce qu'une taxe établie pour un exercice se fonde sur une période d'inoccupation continue d'au moins six mois qui a pris naissance au cours de l'exercice antérieur sur la base d'un précédent règlement.
Le moyen, qui, en cette branche, est tout entier fondé sur le soutènement contraire, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Il suit de la réponse à la première branche du moyen que, dès lors que la demanderesse peut avoir égard, pour l'enrôlement de la taxe afférente à l'exercice 2013, à une période d'inoccupation qui a débuté par un constat dressé au cours de l'exercice antérieur, le pouvoir du fonctionnaire relatif à ce constat ne trouve pas son fondement dans le règlement du 28 janvier 2013.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Sur le second moyen :

La règle de l'égalité des Belges devant la loi contenue dans l'article 10 de la Constitution, celle de la non-discrimination dans la jouissance des droits et libertés reconnus aux Belges inscrite dans l'article 11 de la Constitution ainsi que celle de l'égalité devant l'impôt exprimée dans l'article 172 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouvent dans la même situation soient traités de la même manière mais n'excluent pas qu'une distinction soit faite entre différentes catégories de personnes pour autant que le critère de distinction soit susceptible de justification objective et raisonnable ; l'existence d'une telle justification doit s'apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ou de l'impôt instauré ; le principe d'égalité est également violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
L'arrêt énonce que « l'un des buts du règlement-taxe [sur les immeubles inoccupés] est de lutter contre l'abandon volontaire d'immeubles et, au travers de cet objectif, transparaît le souhait de [la défenderesse] de combattre un phénomène de dégradation de l'environnement urbanistique de certains quartiers, ainsi que le précise le préambule du règlement : [...] ‘l'instauration d'une taxe sur les immeubles inoccupés est incontestablement de nature à inciter à la remise des bâtiments inoccupés dans le circuit locatif, de développer l'aménagement de logements au-dessus de commerces ou d'en faire procéder à la revente dans une optique d'habitation ou de développement d'activités économiques' ».
Après avoir relevé que la taxe frappe les immeubles restés inoccupés pendant une période d'au moins six mois et que « l'exonération accordée aux pouvoirs et organismes publics est limitée aux seuls biens immeubles relevant de leur domaine public ainsi que de leur domaine privé mais affecté à un service d'utilité publique », l'arrêt considère que les personnes morales de droit public ainsi visées « se distinguent des personnes morales de droit privé en ce qu'elles n'ont que des missions de service public et ne doivent servir que l'intérêt général » à l'exclusion d'« intérêts purement égoïstes en exerçant de la spéculation foncière ». Il relève ainsi que « si certains propriétaires privés peuvent faire le choix, délibéré ou non, de laisser se dégrader leurs immeubles dans l'attente d'une expropriation, d'un arrêté d'inhabitabilité et de l'obtention d'un permis pour les démolir et reconstruire une nouvelle structure, tel n'est pas le cas pour les pouvoirs publics » en sorte que « la différence de traitement dénoncée par [les demandeurs] est fonction de critères généraux, objectifs et légalement admissibles ».
Par ces énonciations, d'où il ressort que le critère de distinction entre, d'une part, les personnes morales de droit public, qui, pour les biens de leur domaine public ou de leur domaine privé mais affecté à un service public, échappent à la taxe, d'autre part, les autres propriétaires, y compris les personnes morales de droit public pour les biens de leur domaine privé non affecté à un service public, repose sur une justification objective et raisonnable au regard du but de la taxe et de ses effets, l'arrêt justifie légalement sa décision que le règlement-taxe litigieux n'est pas contraire aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Et la violation des autres dispositions légales visées au moyen est tout entière déduite de celle vainement alléguée de ces dispositions constitutionnelles.
Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de neuf cent un euros soixante et un centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de cent soixante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Martine Regout, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf par le président de section Martine Regout, en présence du procureur général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.17.0132.F
Date de la décision : 27/06/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-06-27;f.17.0132.f ?

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