Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° F.17.0010.F
1. E. G.,
2. M. M.,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Jean-Pol Douny, avocat au barreau de Liège, dont le cabinet est établi à Liège, rue Louvrex, 28, où il est fait élection de domicile,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
défendeur en cassation.
I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 29 avril 2016 par la cour d'appel de Mons, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 16 octobre 2009.
Le 6 juin 2019, le procureur général André Henkes a déposé des conclusions au greffe.
Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et le procureur général André Henkes a été entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, les demandeurs présentent deux moyens.
III. La décision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
En vertu de l'article 356, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, lorsqu'une décision du fonctionnaire statuant sur le recours administratif fait l'objet d'un recours en justice et que le juge prononce la nullité totale ou partielle de l'imposition pour une cause autre que la prescription, la cause reste inscrite au rôle pendant six mois à dater de la décision judiciaire et, pendant ce délai, qui suspend les délais d'opposition, d'appel ou de cassation, l'administration peut soumettre au juge, par voie de conclusions, une cotisation subsidiaire à charge du même redevable et en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition que la cotisation primitive.
Il suit de cette disposition que l'administration, qui est partie à la cause devant le juge qui annule la cotisation primitive pour un motif autre que la prescription, est relevée de la forclusion dans la mesure des éléments d'imposition en raison desquels cette cotisation a été établie, lors même que la décision statuant sur le recours administratif en a ordonné le dégrèvement partiel ensuite de l'exclusion de la base imposable de certains de ces éléments, pourvu que la cotisation subsidiaire soumise au juge soit expurgée du vice ayant affecté la cotisation primitive.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient que les éléments d'imposition écartés de la base imposable par la décision statuant sur le recours administratif dirigé contre la cotisation primitive ne peuvent plus être pris en considération pour la détermination de la cotisation subsidiaire, manque en droit.
Quant à la deuxième branche :
Dans la mesure où il invoque la violation d'un « principe général de droit interdisant d'aggraver la situation du contribuable à l'occasion du recours contre un impôt », qui n'est pas un principe général du droit, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, en soumettant au juge une cotisation subsidiaire dans les conditions et délai visés à l'article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992, l'administration ne remet pas en cause le dégrèvement partiel de la cotisation primitive décidé par le fonctionnaire saisi du recours administratif en vertu de l'article 375 de ce code, mais cherche à faire valider et rendre exécutoire par ce juge, qui a entre-temps annulé ladite cotisation primitive, une autre cotisation établie en raison de tout ou partie des mêmes éléments d'imposition.
Dans la mesure où il est recevable, le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.
Quant à la troisième branche :
Il suit de la réponse aux deux premières branches du moyen qu'en statuant sur la proposition de cotisations subsidiaires en exécution de l'article 356 du Code des impôts sur les revenus 1992, la cour d'appel n'a pas offert à l'administration une voie de recours contre la décision de son fonctionnaire portant dégrèvement partiel des cotisations primitives et, partant, n'a pas violé les dispositions légales visées au moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Sur le second moyen :
Dans leurs conclusions de synthèse d'appel sur les cotisations subsidiaires, les demandeurs faisaient valoir, à propos de la valeur de 420.000 francs des parts Soldorama retenue par le fonctionnaire taxateur dans la balance indiciaire établie pour l'exercice d'imposition 1999, que « la prétendue acquisition des parts Soldorama pour une somme de 420.000 francs ne constitue pas un fait connu mais à nouveau une simple affirmation du taxateur qui reconnaît, dans sa lettre du 15 octobre 2001, qu'il a déterminé la valeur des parts de manière théorique » et que, « par conséquent, outre le fait que cette valeur n'est pas établie, le décaissement d'une somme correspondante l'est encore moins ».
L'arrêt, qui relève, pour l'application de l'article 341 du Code des impôts sur les revenus 1992 à l'exercice d'imposition 1999, que « l'administration a retenu [parmi les] indices d'aisance à justifier [...] le transfert de propriété par [M. M. au demandeur] des parts sociales de [la] société [Soldorama], dont la valeur non contestée a été fixée par le taxateur à 420.000 francs », donne des conclusions précitées une interprétation inconciliable avec leurs termes, partant, viole la foi due à l'acte qui les contient.
Le moyen est fondé.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur la cotisation subsidiaire
à l'impôt des personnes physiques de l'exercice d'imposition 1999 et sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Condamne les demandeurs à la moitié des dépens ; réserve l'autre moitié pour qu'il soit statué sur celle-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Les dépens taxés à la somme de cent vingt et un euros vingt et un centimes envers les parties demanderesses.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Martine Regout, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Sabine Geubel et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-sept juin deux mille dix-neuf par le président de section Martine Regout, en présence du procureur général André Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.