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24/06/2019 | BELGIQUE | N°C.15.0328.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 juin 2019, C.15.0328.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt

N° C.15.0328.F
R. D., avocat [...], agissant en qualité de curateur à la faillite de F. H.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. E.,
2. S. H., ,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait é

lection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrê...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt

N° C.15.0328.F
R. D., avocat [...], agissant en qualité de curateur à la faillite de F. H.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,

contre

1. M. E.,
2. S. H., ,
défenderesses en cassation,
représentées par Maître Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 17 décembre 2014 par la cour d'appel de Liège.
Le 29 mai 2019, l'avocat général Jean Marie Genicot a déposé des conclusions au greffe.
Par ordonnance du 3 juin 2019, le premier président a renvoyé la cause devant la troisième chambre.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Jean Marie Genicot a été entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

- article 149 de la Constitution ;
- articles 2, 299, tel qu'il a été modifié par la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce, 1082 à 1086, 1089 à 1091, 1093 et 1130 du Code civil ;
- articles 299 et 300 du Code civil, tels qu'ils étaient en vigueur avant la modification du premier et l'abrogation du second par les articles 5 et 6 de la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce ;
- principe général du droit de la non-rétroactivité des lois ;
- principe général du droit selon lequel la renonciation à un droit est de stricte interprétation et ne peut se déduire que de faits non susceptibles d'une autre interprétation ;
- en tant que de besoin, articles 42 et 43 de la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce.

Décision et motifs critiqués

L'arrêt, réformant le jugement entrepris, dit pour droit que la première défenderesse « a conservé le bénéfice de l'institution contractuelle qui lui a été consentie par l'acte notarié du 10 mai 1995 », aux motifs suivants :
« La question à trancher est de savoir quelle version de l'article 299 du Code civil doit être appliquée en l'espèce ;
Cette disposition a été modifiée par la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce et la version actuelle aboutit à des conséquences juridiques totalement différentes, en cas de divorce, par rapport à l'ancienne ;
[...] La loi du 27 avril 2007 ne contient aucune disposition spécifique de droit transitoire concernant l'article 299 nouveau du Code civil ; il convient donc d'appliquer les principes généraux du droit transitoire ;
Ces principes ont été élaborés en se fondant sur l'article 2 du Code civil, qui énonce : 'la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif'. Cette disposition consacre explicitement le principe de la non-rétroactivité de la loi nouvelle mais aussi implicitement celui de l'effet immédiat de la loi nouvelle (G. Closset-Marchal, ‘Les règles de droit transitoire dans le Code civil et dans le Code judiciaire', in Le Code civil entre ius commune et droit privé européen, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 563, n° 2) ;
Il s'agit là d'un principe général du droit, garant des intérêts individuels et de la sécurité juridique ;
[...] Relativement à cette question de droit transitoire, deux opinions se sont fait jour ;
Selon la première, il y a lieu d'appliquer aux divorces prononcés avant la réforme la version nouvelle de l'article 299 du Code civil, en vertu de la règle d'application immédiate des dispositions normatives nouvelles. Cette opinion est fondée sur celle du professeur Leleu, dont l'avis a été repris dans les travaux préparatoires de la loi. Les conséquences juridiques de l'avantage matrimonial ne sont pas entièrement consommées tant qu'il n'y a pas eu de décès et sont donc jusque-là non définitives. S'agissant en l'espèce de conséquences futures non définitives, la nouvelle loi doit être appliquée si le divorce est prononcé avant le 1er septembre 2007 mais que le décès survient après cette date ;
La seconde position revient quant à elle à considérer que les effets du divorce quant aux avantages matrimoniaux sont définitivement fixés au moment de la prononciation. Leur appliquer la loi nouvelle heurterait donc le principe de la non-rétroactivité des lois ;
[...] En l'espèce, la cour [d'appel] estime que c'est à tort que le premier juge a appliqué l'article 299 nouveau du Code civil et a déclaré caduque l'institution contractuelle du 10 mai 1995 contractée au profit de [la première défenderesse] par son ex-mari ;
En effet, une institution contractuelle est un acte hybride, qui est une donation dès lors qu'elle est réalisée entre vifs par un contrat mais est également un legs dans la mesure où elle ne porte que sur des biens à venir et ouvre des droits au décès de l'instituant ;
Il s'agit en réalité de l'institution d'un héritier par contrat ;
Quand le divorce, prononcé le 28 avril 1998 aux torts exclusifs de son ex-mari, est passé en force de chose jugée, [la première défenderesse] a conservé le bénéfice de l'institution contractuelle ;
Le sort à réserver à cette institution contractuelle n'a pas été évoqué par les ex-époux lorsqu'ils ont liquidé leur régime matrimonial mais le notaire a confirmé dans une lettre du 17 mai 2013 que, bien que l'institution contractuelle n'eût pas été abordée spécifiquement lors de la liquidation du régime matrimonial, l'ex-mari de la première défenderesse lui avait signalé qu'il ne souhaitait rien entreprendre qui puisse nuire à celle-ci, avec laquelle il entretenait malgré le divorce d'excellents rapports ;
La position [du fils de la première défenderesse, que représente le demandeur qualitate qua], selon laquelle ses parents auraient entendu régler définitivement le partage de leurs biens lors de l'acte de liquidation-partage, ne peut être suivie ;
En effet, l'article 300 du Code civil en vigueur à ce moment prévoyait justement le maintien du bénéfice de l'institution contractuelle à [la première défenderesse], qui avait la qualité d'époux 'innocent' à l'issue de la procédure en divorce ;
À aucun moment, ni avant le divorce, ni après celui-ci, [l'ex-mari de la première défenderesse] n'a exprimé la volonté de révoquer la donation qu'il [lui] avait consentie le 10 mai 1995 ;
[...] Le droit de [la première défenderesse] est en partie né lors du contrat par lequel [son ex-mari] lui a consenti une institution contractuelle et lui a conféré la qualité d'héritier, dont la concrétisation a eu lieu au décès de ce dernier ;
Il ne s'agit donc pas uniquement d'un effet du divorce mais d'une conséquence conjointe du contrat et du divorce ;
Il convient d'appliquer l'ancien article 300 du Code civil et de dire que [la première défenderesse] conserve le bénéfice de l'institution contractuelle qui lui a été consentie par l'acte notarié du 10 mai 1995 ».

Griefs

Première branche

Il résultait des articles 299 et 300 du Code civil, tels qu'ils étaient en vigueur avant leur modification ou abrogation par la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce, qu'en cas de divorce pour cause déterminée, l'époux qui obtenait le divorce conservait « le bénéfice des institutions contractuelles faites à son profit, encore qu'elles aient été stipulées réciproques et que la réciprocité n'ait plus lieu ».
L'article 6 de la loi du 27 avril 2007 a abrogé l'article 300 et son article 5 a remplacé l'article 299 par la disposition suivante : « sauf convention contraire, les époux perdent tous les avantages qu'ils se sont faits par contrat de mariage et depuis qu'ils ont contracté mariage ».
Sous l'empire de la loi nouvelle, les deux époux perdent, par l'effet du divorce, le bénéfice des institutions contractuelles prévues, soit par contrat de mariage, soit par contrat passé devant notaire pendant le mariage.
L'article 1093 du Code civil, qui renvoie aux articles 1081 à 1090 du même code, permet aux époux de se faire, par contrat de mariage, une donation de biens à venir. Il n'est pas contesté que de telles donations peuvent aussi être faites pendant le mariage par un acte notarié simple. Les donations de biens à venir faites pendant le mariage, autrement que par un acte modificatif du contrat de mariage, sont soumises à la règle de la révocabilité unilatérale des donations entre époux.
La donation de biens à venir visée par les dispositions précitées, aussi appelée dans d'autres textes légaux « institution contractuelle », est une convention à titre gratuit par laquelle une personne dispose au profit d'une autre des biens qui composeront sa succession. Il s'agit certes d'un contrat entre vifs, soumis à d'autres règles que les dispositions testamentaires, mais il s'agit d'un contrat très particulier, qui échappe à la prohibition des pactes sur succession future comminée par l'article 1130 du Code civil et a pour objet une institution d'héritier. Ce contrat ne sortit donc ses effets qu'au jour du décès de l'instituant. Ce décès n'est ni un terme ni une condition : il entraîne l'ouverture de la succession de l'instituant, laquelle constitue, totalement ou partiellement, l'objet même de l'institution contractuelle.
Les dispositions transitoires de la loi du 27 avril 2007 (articles 42 et 43) ne concernent pas les articles 5 et 6 de cette loi (modifiant l'article 299 du Code civil, pour le premier, et en abrogeant l'article 300, pour le second). Il faut dès lors appliquer les règles générales du droit transitoire, telles qu'elles se dégagent du principe général du droit de la non-rétroactivité des lois et, en matière civile, de l'article 2 du Code civil, qui dispose : « la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif ». Ce principe général et cette disposition sont compris en ce sens que la loi nouvelle règle les effets futurs d'une situation née sous l'empire de la loi antérieure mais non entièrement accomplie sous l'empire de cette loi.
Une institution contractuelle n'est pas entièrement accomplie aussi longtemps que la succession dans laquelle elle confère des droits ne s'est pas ouverte. Dès lors, la validité, la caducité et les effets de l'institution contractuelle sont régis par la loi applicable au jour du décès de l'instituant.
Il résulte de la combinaison des dispositions précitées que la disposition nouvelle contenue à l'article 299 du Code civil, modifié par l'article 5 de la loi du 27 avril 2007, s'applique à l'institution contractuelle lorsque la succession dans laquelle l'institué doit recueillir des droits s'est ouverte après l'entrée en vigueur de la loi, le 1er septembre 2007, même si le divorce a été prononcé avant cette date. Si la succession de l'instituant s'est ouverte à dater du 1er septembre 2007, l'institution cesse d'être régie par l'article 300 du Code civil, abrogé par la loi du 27 avril 2007.
L'arrêt constate que [l'ex-mari de la première défenderesse] est décédé le 21 juillet 2010, soit après l'entrée en vigueur de la loi du 27 avril 2007. La caducité de l'institution contractuelle consentie par le défunt à son ex-épouse est dès lors régie par le nouvel article 299 du Code civil, qui prévoit que le divorce entraîne la caducité de tous les avantages que les époux se sont consentis, le terme « avantages » incluant les institutions contractuelles. La circonstance que le divorce a été prononcé avant le 1er septembre 2007 ne peut justifier légalement le maintien du bénéfice de l'institution contractuelle.
En décidant, par les motifs précités, que la première défenderesse a conservé le bénéfice de l'institution contractuelle que lui avait consentie son ex-époux, l'arrêt méconnaît la nature et l'objet de l'institution contractuelle, contrat qui n'a d'autre objet que de conférer à l'institué des droits dans la succession de l'instituant et ne sortit donc ses effets qu'au jour de l'ouverture de cette succession (violation des articles 947, 1082 à 1086, 1089 à 1091, 1093 et 1130 du Code civil), et méconnaît en outre le principe général du droit de la non-rétroactivité des lois et l'article 2 du Code civil, dont il résulte qu'en l'absence de disposition transitoire particulière, la loi nouvelle s'applique aux effets non encore définitivement accomplis d'une situation née sous l'empire de la loi ancienne (violation du principe général du droit précité et de l'article 2 du Code civil, combinés avec toutes les dispositions visées en tête du moyen, à l'exception de l'article 149 de la Constitution et du principe général du droit selon lequel la renonciation à un droit est de stricte interprétation).

Deuxième branche

L'article 299 du Code civil, tel qu'il est issu de la réforme de 2007, dispose : « sauf convention contraire, les époux perdent tous les avantages qu'ils se sont faits par contrat de mariage et depuis qu'ils ont contracté mariage ».
La perte des avantages visés par cette disposition joue de plein droit, sans que l'époux qui avait consenti des avantages à l'autre ait besoin de les révoquer. L'arrêt n'est donc pas légalement justifié par le motif « qu'à aucun moment, ni avant le divorce, ni après celui-ci, [l'ex-mari de la première défenderesse] n'a exprimé la volonté de révoquer la donation qu'il avait consentie à [la première défenderesse] le 10 mai 1995 ».
En fondant sa décision sur ce motif, l'arrêt méconnaît la règle selon laquelle la perte des avantages consentis par un des ex-époux à l'autre, prévue par l'article 299 du Code civil, joue de plein droit sans que le disposant ait besoin de révoquer l'avantage (violation de l'article 299 du Code civil, tel qu'il a été modifié par la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce).
Le fait que le défunt ait signalé à un notaire qu'il ne voulait rien « entreprendre qui puisse nuire à son ex-épouse » n'implique pas qu'il avait renoncé à se prévaloir de la caducité de plein droit de l'institution contractuelle résultant de l'article 299 nouveau du Code civil. En fondant sa décision sur le motif que le notaire « a confirmé, dans une lettre du 17 mai 2013, que, bien que l'institution contractuelle n'eût pas été abordée spécifiquement lors de la liquidation du régime matrimonial, [l'ex-mari de la première défenderesse] lui avait signalé qu'il ne voulait rien entreprendre qui puisse nuire à son ex-épouse, avec qui il entretenait malgré le divorce d'excellents rapports », l'arrêt viole le principe général du droit selon lequel la renonciation à un droit est de stricte interprétation et ne peut se déduire que de faits non susceptibles d'une autre interprétation (violation dudit principe général du droit, combiné avec l'article 299 du Code civil, tel qu'il a été modifié par la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce).

Troisième branche

À titre subsidiaire, [le fils de la première défenderesse, que représente le demandeur qualitate qua], avait invoqué les moyens suivants dans ses conclusions de synthèse d'appel :
« À titre subsidiaire, et bien que les développements qui suivent ne soient pas nécessaires, tant l'application de l'article 299 du Code civil en droit transitoire est claire, l'analyse des actes en l'espèce montre que le maintien de l'institution contractuelle n'était nullement l'intention de l'instituant ;
La plupart du temps, la question du maintien ou non de l'institution contractuelle ne se pose pas dans la mesure où les époux prévoient qu'elle ne sortira ses effets que si le mariage est dissous par décès et non par divorce ;
Une telle clause n'a pas été insérée dans l'acte ;
Toutefois, à la lecture de celui-ci, il apparaît clairement que l'institution contractuelle a été rédigée dans le cadre et pour cause de mariage uniquement ;
En effet, l'acte fait référence à :
'2. faire donation entre vifs mais seulement pour le cas où elle survivrait, à son épouse, [la première défenderesse], demeurant avec lui, ici présente et qui déclare accepter expressément :
a) de l'universalité de tous les biens meubles et immeubles qui composeront la succession du donateur sans exception ni réserve, pour la donataire en jouir en pleine propriété à partir du jour du décès du donateur ;
b) en cas d'existence d'enfants ou de descendants, le donateur fait donation à son épouse :
1. de la pleine propriété de tous les biens meubles meublants qui composeront sa succession ;
2. du restant de sa succession à son épouse qui aura seule le droit de choisir entre :
- soit l'usufruit de l'universalité du restant de tous ses biens meubles et immeubles qui composeront sa succession ;
- soit la plus grande quotité disponible de sa succession en pleine propriété, outre l'usufruit légal du surplus.
Si l'épouse opte pour l'usufruit, le donateur interdit expressément à ses descendants de demander la conversion de cet usufruit. Le donataire en usufruit sera dispensé de fournir caution et de faire remploi' ;
La cour [d'appel] observera qu'il est fait expressément référence à la notion d'épouse et d'usufruit légal, qui est uniquement celui attribué à l'épouse et non à l'ex-épouse ;
L'acte ne visait donc que l'hypothèse où [la première défenderesse] survivait à son mari en qualité d'épouse ;
L'institution contractuelle est devenue caduque au jour du divorce en raison du libellé restrictif de la donation et, en tout état de cause, par disparition de la cause ;
Ceci explique notamment le fait qu'il ne soit dit mot de l'institution contractuelle dans le règlement transactionnel. Le sort de l'institution contractuelle était très clair dans l'esprit des deux parties ».
L'arrêt laisse sans réponse les conclusions de cette partie (aujourd'hui en faillite) invoquant cette thèse subsidiaire et, partant, ne motive pas régulièrement sa décision (violation de l'article 149 de la Constitution).

III. La décision de la Cour

Quant à la première branche :

En règle, conformément à l'article 2 du Code civil, suivant lequel la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, et au principe général du droit de l'application immédiate de la loi nouvelle, une loi nouvelle s'applique non seulement aux situations qui naissent à partir de son entrée en vigueur mais aussi aux effets futurs des situations nées sous le régime de la loi antérieure qui se produisent ou se prolongent sous l'empire de la loi nouvelle, pour autant que cette application ne porte pas atteinte à des droits déjà irrévocablement fixés ; toutefois, en matière de conventions, l'ancienne loi demeure applicable, à moins que la loi nouvelle soit d'ordre public ou impérative ou qu'elle en prévoie expressément l'application aux conventions en cours.
En vertu de l'article 299 du Code civil, tel qu'il a été modifié par l'article 5 de la loi du 27 avril 2007 réformant le divorce et est, en vertu de l'article 44 de cette loi, entré en vigueur le 1er septembre 2007, sauf convention contraire, les époux perdent en cas de divorce tous les avantages qu'ils se sont faits par contrat de mariage et depuis qu'ils ont contracté mariage.
Dans sa rédaction antérieure, ledit article 299 prévoit que, pour quelque cause que le divorce ait lieu, hors le cas du consentement mutuel, l'époux contre lequel le divorce aura été admis perdra tous les avantages que l'autre époux lui avait faits, soit par leur contrat de mariage, soit depuis le mariage contracté.
L'article 300 du Code civil, abrogé à partir du 1er septembre 2007 par l'article 6 de la loi du 27 avril 2007, dispose en revanche que l'époux qui obtiendra le divorce conservera le bénéfice des institutions contractuelles faites à son profit par son conjoint, encore qu'elles aient été stipulées réciproques et que la réciprocité n'ait plus lieu.
L'institution contractuelle est une convention à titre gratuit par laquelle une personne dispose au profit d'une autre, qu'elle institue son héritier et qui accepte, de tout ou partie des biens qui formeront sa succession.
Bien qu'il n'acquière que la qualité de successible et que l'institution contractuelle ne lui confère jusqu'au décès de l'instituant qu'un droit éventuel sur les biens qui en forment l'objet, l'institué puise son titre dans ce contrat de donation.
La validité, la caducité et les effets de l'institution contractuelle sont, dès lors, en règle, régis, non par la loi en vigueur au jour du décès de l'instituant, mais par la loi en vigueur au jour où elle a été consentie.
Pour le surplus, en cas de divorce, le maintien de l'institution contractuelle qu'emporte l'article 300 ancien du Code civil ou sa déchéance résultant de l'article 299 nouveau de ce code se produit et est irrévocablement acquis à l'instant où le divorce sortit ses effets.
Il s'ensuit que l'époux qui, ayant obtenu le divorce avant l'entrée en vigueur de la loi du 27 avril 2007, a conservé le bénéfice d'une institution contractuelle en vertu de l'article 300 ancien du Code civil, ne peut en être privé par l'effet de l'abrogation de cette disposition et de l'entrée en vigueur de l'article 299 nouveau de ce code.
L'arrêt constate que la première défenderesse s'est mariée sous le régime légal le 28 juin 1969, que deux enfants, qui survivent, sont issus de ce mariage, que, « par acte passé devant [...] notaire [...] le 10 mai 1995, [son mari lui] a fait donation [...] [de certains biens] qui composeront sa succession », que « le divorce a été prononcé aux torts exclusifs [du mari] par un jugement [...] du 28 avril 1998, transcrit le 15 juillet 1998 », que la communauté a été liquidée par un acte notarié du 20 décembre 2001 et que l'ex-mari de la première défenderesse est décédé intestat le 21 juillet 2010.
L'arrêt, qui, en l'état de ces constatations, décide qu'« il convient d'appliquer l'ancien article 300 du Code civil et de dire que [la première défenderesse] conserve le bénéfice de l'institution contractuelle qui lui a été consentie par l'acte notarié du 10 mai 1995, ne viole aucune des dispositions légales et ne méconnaît pas le principe général du droit visés au moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen, qui, en cette branche, est dirigé contre des considérations surabondantes de l'arrêt, ne saurait, dès lors, en entraîner la cassation et, dénué d'intérêt, est, partant, irrecevable.

Quant à la troisième branche :

En énonçant qu'« à aucun moment, [l'ex-mari de la première défenderesse] n'a exprimé la volonté de révoquer la donation qu'il avait consentie à [celle-ci], ni avant le divorce, ni après celui-ci », et que « le sort à réserver à [l']institution contractuelle n'a pas été évoqué par les ex-époux lorsqu'ils ont liquidé leur régime matrimonial mais [que] le notaire [...] a confirmé dans une lettre du 17 mai 2013 que, bien que l'institution contractuelle n'eût pas été abordée spécifiquement lors de [cette] liquidation, [l'ex-mari de la première défenderesse] lui avait signalé qu'il ne souhaitait rien entreprendre qui puisse nuire à son ex-épouse, avec laquelle il entretenait malgré le divorce d'excellents rapports », l'arrêt, qui donne à connaître qu'aux yeux de la cour d'appel les ex-conjoints n'avaient jamais eu l'intention de restreindre l'application de l'institution contractuelle au cas où le mariage prendrait fin par le décès, répond aux conclusions du demandeur reproduites au moyen, en cette branche.
Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent cinquante euros soixante et un centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
L. Body M. Marchandise A. Jacquemin
M.-Cl. Ernotte M. Delange Chr. Storck


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0328.F
Date de la décision : 24/06/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-06-24;c.15.0328.f ?

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