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13/06/2019 | BELGIQUE | N°C.18.0328.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 juin 2019, C.18.0328.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0328.F
1. UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN, fondation d'utilité publique, venant aux droits de l'association sans but lucratif Facultés universitaires catholiques de Mons, dont le siège est établi à Ottignies-Louvain-la-Neuve (Louvain-la-Neuve), place de l'Université, 1,
2. UNIVERSITÉ DE NAMUR, association sans but lucratif, anciennement dénommée Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, dont le siège est établi à Namur, rue de Bruxelles, 61,
3. UNIVERSITÉ SAINT-LOUIS - BRUXELLES, association sans

but lucratif, anciennement dénommée Facultés universitaires Saint-Louis, dont l...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.18.0328.F
1. UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN, fondation d'utilité publique, venant aux droits de l'association sans but lucratif Facultés universitaires catholiques de Mons, dont le siège est établi à Ottignies-Louvain-la-Neuve (Louvain-la-Neuve), place de l'Université, 1,
2. UNIVERSITÉ DE NAMUR, association sans but lucratif, anciennement dénommée Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, dont le siège est établi à Namur, rue de Bruxelles, 61,
3. UNIVERSITÉ SAINT-LOUIS - BRUXELLES, association sans but lucratif, anciennement dénommée Facultés universitaires Saint-Louis, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 43,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

1. COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE, représentée par son gouvernement, poursuites et diligences du ministre de l'Enseignement supérieur, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
2. ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/175, et par le ministre des Pensions, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Petits Carmes, 15,
représenté par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
3. UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES, fondation d'utilité publique, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Franklin D. Roosevelt, 50,
défendeurs en cassation ou, à tout le moins, parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

N° C.19.0001.F
UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES, fondation d'utilité publique, dont le siège est établi à Bruxelles, avenue Franklin D. Roosevelt, 50,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

1. COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE, représentée par son gouvernement, poursuites et diligences du ministre de l'Enseignement supérieur, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 65,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, où il est fait élection de domicile,
2. ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 50/175, et par le ministre des Pensions, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Petits Carmes, 15,
représenté par Maître Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Vallée, 67, où il est fait élection de domicile,
3. UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE LOUVAIN, fondation d'utilité publique, venant aux droits de l'association sans but lucratif Facultés universitaires catholiques de Mons, dont le siège est établi à Ottignies-Louvain-la-Neuve (Louvain-la-Neuve), place de l'Université, 1,
4. UNIVERSITÉ DE NAMUR, association sans but lucratif, anciennement dénommée Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, dont le siège est établi à Namur, rue de Bruxelles, 61,
5. UNIVERSITÉ SAINT-LOUIS - BRUXELLES, association sans but lucratif, anciennement dénommée Facultés universitaires Saint-Louis, dont le siège est établi à Bruxelles, boulevard du Jardin botanique, 43,
défendeurs en cassation ou, à tout le moins, parties appelées en déclaration d'arrêt commun.

I. La procédure devant la Cour
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2018 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 21 mai 2019, l'avocat général Thierry Werquin a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Christian Storck a fait rapport et l'avocat général Thierry Werquin a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0328.F, les demanderesses présentent un moyen libellé dans les termes suivants :

Dispositions légales violées

Articles 25 (tant avant qu'après sa modification par le décret du 16 juin 2016), 26, 34 (modifié par la loi du 5 janvier 1976, l'arrêté royal n° 81 du 31 juillet 1982, l'arrêté royal n° 171 du 30 décembre 1982 et le décret du 1er octobre 1998), 40bis (inséré par la loi du 5 janvier 1976 et modifié par l'arrêté royal n° 81 du 31 juillet 1982, la loi du 26 [lire : 21] juin 1985 et l'arrêté royal n° 434 du 5 août 1986) et 41 (remplacé par l'arrêté royal n° 434 du 5 août 1986) de la loi du 27 juillet 1971 sur le financement et le contrôle des institutions universitaires

Décisions et motifs critiqués

L'arrêt attaqué dit les appels des demanderesses non fondés, sauf en tant que le premier juge a condamné l'Université libre de Bruxelles, les Facultés universitaires catholiques de Mons, les Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix et les Facultés universitaires Saint-Louis à une indemnité provisionnelle d'un euro pour intervention volontaire abusive en première instance, et les condamne aux dépens, liquidés à une indemnité de procédure de quinze mille euros pour chaque instance à l'égard de l'État belge et à l'égard de la Communauté française de Belgique, par tous ses motifs, tenus pour être ici expressément reproduits, et spécialement par les motifs que :
« 29. Par le jugement entrepris du 1er avril 2004, le premier juge a considéré que l'obligation de créer un statut équivalent, prévue par l'article 41 de la loi de financement, n'inclut pas les régimes légaux de pension et n'emporte pas l'obligation pour les institutions universitaires de contracter des assurances de groupe de pension en faveur de leur personnel administratif, technique et ouvrier ;
Sur la base de cette interprétation, il a interrogé la Cour d'arbitrage sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, de l'article 41 en tant que le statut équivalent qu'il prévoit ne comprend pas un régime de pension équivalent à celui dont bénéficie le personnel administratif, technique et ouvrier des universités de la Communauté française. Il l'a également interrogée sur la compatibilité avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution des articles 26 et 34 de la loi du 27 juillet 1971 en tant qu'ils interdiraient que soient ajoutées à l'allocation de fonctionnement des universités subventionnées les dépenses, dans l'interprétation selon laquelle l'article 41 obligerait ces universités à assurer aux membres de leur personnel administratif, technique et ouvrier un statut équivalent en matière de pension ;
Les questions posées à la Cour d'arbitrage reposent donc sur deux interprétations opposées de l'article 41 de la loi de financement ;
30. En réponse à la première question, la Cour d'arbitrage a exposé qu'il lui revient ‘d'examiner la compatibilité avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution de l'article 41 précité tel qu'il est interprété par le juge a quo comme n'incluant pas dans la notion de « statut équivalent » le régime de pension'. Elle a précisé à cet égard que : ‘B.3. [...] Cette interprétation est renforcée par le fait que le législateur n'a pas voulu en 1971 que l'État assure le service des pensions de ce personnel, alors qu'il décidait que le service des pensions et éméritats du personnel académique en fonction dans les universités libres était dorénavant assuré par l'État dans les mêmes conditions que pour le personnel académique des universités de l'État (Doc. parl., Chambre, 1970-1971, n° 1043/1, p. 7). Par la suite, le législateur a, par la loi du 21 juin 1985 concernant l'enseignement, étendu le bénéfice du régime de pension public au personnel scientifique mais il a refusé d'étendre ce bénéfice au personnel technique' ;
Estimant dès lors qu'il n'y a pas lieu de retenir l'autre interprétation suggérée par le premier juge à l'appui de la seconde question, la Cour a examiné uniquement la compatibilité de l'article 41 avec les dispositions constitutionnelles de référence et a décidé que :
‘B.5. L'article 24, § 4, de la Constitution réaffirme, en matière d'enseignement, le principe d'égalité et de non-discrimination. Selon cette disposition, tous les membres du personnel sont égaux devant la loi ou le décret. Ils doivent dès lors tous être traités de manière égale, à moins qu'il n'existe entre eux des différences objectives permettant de justifier raisonnablement un traitement différent.
B.6. Bien que l'égalité de traitement des établissements d'enseignement et des membres du personnel constitue le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution n'exclut pas un traitement différencié, à la condition que celui-ci soit fondé « sur les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ». Pour justifier, au regard du principe d'égalité et de non-discrimination, une différence de traitement entre les établissements d'enseignement et les membres du personnel des réseaux d'enseignement, il ne suffit cependant pas d'indiquer l'existence de différences objectives entre ces établissements et ces membres du personnel. Il doit encore être démontré qu'à l'égard de la matière réglée, la distinction alléguée est pertinente pour justifier raisonnablement une différence de traitement.
B.7. Les universités de l'État, aujourd'hui universités de communauté, sont des services publics organiques. Les universités libres sont des personnes morales de droit privé qui assument une fonction de service public.
Les membres du personnel administratif, technique et ouvrier des universités de communauté se trouvent en règle dans une relation statutaire, c'est-à-dire une situation juridique fixée unilatéralement par l'autorité publique et qui leur est applicable dès qu'ils sont nommés dans le service public concerné par une décision unilatérale de l'autorité. Les membres du personnel administratif, technique et ouvrier des universités libres, même si leur situation juridique déroge au droit commun des contrats de travail depuis la loi du 27 juillet 1971, sont toujours restés dans un rapport de travail de droit privé établi par un contrat entre le travailleur et l'université.
La différence de traitement dénoncée trouve donc son origine dans le lien qui unit le personnel administratif, technique et ouvrier à son université. Ce lien différent est une caractéristique propre au pouvoir organisateur.
B.8. Le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait d'ailleurs être dissocié des autres garanties en matière de liberté d'enseignement.
L'article 24, § 1er, de la Constitution l'affirme : l'enseignement est libre. Cette disposition implique, d'une part, que la dispensation d'un enseignement n'est pas une matière réservée aux pouvoir publics et, d'autre part, qu'un pouvoir organisateur de l'enseignement libre subventionné, pour autant qu'il respecte les dispositions concernant le subventionnement, le contrôle qualitatif et l'équivalence des diplômes et certificats - conditions qui ne sont pas en cause en l'espèce -, peut offrir un enseignement qui, contrairement à celui de l'enseignement officiel, est basé sur une conception philosophique, idéologique ou religieuse de son choix.

La liberté d'enseignement implique la liberté, pour le pouvoir organisateur, de choisir son personnel. La liberté de choix a donc des répercussions sur les rapports de travail entre ce pouvoir organisateur et son personnel et justifie que la désignation et la nomination du personnel de l'enseignement libre subventionné se fassent par contrat.
B.9. S'il relève du pouvoir d'appréciation du législateur compétent de donner, malgré cette différence, un statut égal en matière de pension au personnel administratif, technique et ouvrier de toutes les universités, une telle égalité de statut n'est pas exigée par les articles 10, 11 et 24 de la Constitution. La différence en matière de pension est, en effet, consécutive au lien contractuel qui a pour conséquence un assujettissement du personnel au régime de pension des travailleurs salariés.
B.10. La première question préjudicielle appelle une réponse négative' ;
Quant à la seconde question préjudicielle, elle n'appelait pas de réponse, la Cour ayant considéré que la première interprétation est seule pertinente ;
31. Il résulte de cet arrêt que la notion de statut équivalent inscrite dans l'article 41 de la loi de financement, dans l'interprétation selon laquelle cette disposition ne vise pas le régime des pensions, n'est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution ;
Cependant, comme l'indiquent les demanderesses, la cour [d'appel] n'est pas liée par l'interprétation donnée par le premier juge de l'article 41 susdit et de la notion de statut équivalent, nonobstant son approbation par la Cour d'arbitrage. Il lui appartient, sous le contrôle de la Cour de cassation, de vérifier cette analyse ;
32. Il est accepté par les [demanderesses] que les cotisations d'assurance de groupe litigieuses ne peuvent pas être subventionnées par l'allocation annuelle de fonctionnement. En effet :
(i) Avant l'entrée en vigueur de la loi de financement, les charges de pension et d'éméritat de l'Université catholique de Louvain et de l'Université libre de Bruxelles étaient déjà subventionnées séparément des dépenses de fonctionnement et ce, au seul bénéfice de ces deux universités ;
(ii) Il résulte de la structure de la loi de financement qu'elle traite séparément les dépenses de fonctionnement des universités subventionnées et les pensions des membres de leur personnel (chapitre Ier et chapitre II) ;
(iii) Dès l'adoption de la loi de financement, l'article 26 prévoit que sont exclues des dépenses prises en considération pour l'allocation annuelle de fonctionnement les charges d'éméritat et de pension ;
33. En ce qui concerne le complément à l'allocation de fonctionnement, la cour [d'appel] observe ce qui suit :
(i) Au moment de l'adoption de la loi de financement, en 1971, l'article 34 prévoit que :
‘Le Roi fixe, par arrêté délibéré en conseil des ministres, les éléments constitutifs des recettes et des dépenses du patrimoine des institutions universitaires.
L'excédent des recettes sur les dépenses, diminué des abattements fixés par le Roi dans le même arrêté, constitue le revenu net du patrimoine.
Le montant de ce revenu net est déduit de l'allocation de fonctionnement.
Lorsque les dépenses résultant des charges légales et des conventions conclues avant le 1er juillet 1971 excèdent les recettes du patrimoine, la différence est ajoutée à l'allocation de fonctionnement' ;
L'exposé des motifs indique certes que, pour neutraliser la charge des contributions légales et extra-légales des universités subventionnées pour ces personnes, ‘il convient que le Roi autorise ces institutions à les porter en application de l'article 34 parmi les dépenses de leur patrimoine' ;
Toutefois, selon les termes de cet article 34 ancien, les montants payés par les universités libres dans le cadre d'assurances de groupe ou de toutes autres conventions conclues avant le 1er juillet 1971 doivent s'ajouter à l'allocation de fonctionnement pour la partie excédant les recettes du patrimoine ;
Le personnel académique étant transféré dans le régime des pensions du secteur public, cette disposition concerne le personnel scientifique et le personnel administratif, technique et ouvrier ;
(ii) Cependant, l'article 34 tel qu'il était rédigé n'a jamais été appliqué. En effet, le Roi et le conseil des ministres n'adoptent pas l'arrêté qui doit fixer les éléments constitutifs des recettes et des dépenses du patrimoine des institutions universitaires, de sorte qu'il n'est pas possible d'établir les recettes nettes à déduire de l'allocation de fonctionnement. Un arrêté royal est pris le 6 avril 1976 fixant les éléments constitutifs des recettes et des dépenses du patrimoine des institutions universitaires (Mon. b., 7 mai 1976). Par un arrêt du 3 novembre 1994, la Cour de cassation décide que l'article 7 de cet arrêté royal est partiellement illégal (Pas., 1994, I, 757). À cause de ce retard, une allocation de fonctionnement forfaitaire a été attribuée à ces institutions et l'Université libre de Bruxelles a obtenu, en outre, par une procédure judiciaire qu'elle fut seule à mener, une indemnité réparatrice du dommage que lui a causé la non-adoption de l'arrêté ;
D'autre part, la loi du 5 janvier 1976 relative aux propositions budgétaires 1975-1976 modifie l'article 34 avec effet rétroactif au 1er juillet 1971 ;
L'article 34 dispose alors toujours que le Roi doit fixer par arrêté délibéré en conseil des ministres les éléments constitutifs des recettes et des dépenses du patrimoine des institutions universitaires et ensuite que :
‘L'excédent des recettes sur les dépenses, autres que les charges légales définies ci-après, diminué des abattements fixés par le Roi dans le même arrêté, constitue le revenu net du patrimoine.
Le montant de ce revenu net est déduit des dépenses résultant des charges légales ci-après et du montant de l'allocation de fonctionnement couvert par le budget de l'éducation nationale.
Lorsque les dépenses résultant des charges légales excèdent le revenu net du patrimoine, la différence est ajoutée à l'allocation annuelle de fonctionnement.
Les charges légales comprennent :
[...] 2° Les cotisations patronales légales, afférentes aux dépenses de personnel régulièrement couvertes par l'allocation annuelle de fonctionnement et plafonnées au montant des rubriques a) et b) mentionnées à l'article 43, § 4, ci-dessous que ne supportent pas les universités de l'État et pour autant que celles-ci ne prennent pas en charge les prestations sociales correspondantes. Les cotisations légales précitées ou le montant des prestations sociales correspondantes sont mentionnés dans les arrêtés royaux fixant annuellement le coût forfaitaire par étudiant' ;
L'exposé des motifs de cette loi relate que ‘la modification essentielle proposée à l'article 34 résulte de la constatation que la prise en considération des conventions conclues avant le 1er juillet 1971 par certaines institutions universitaires aurait eu pour effet de compromettre l'uniformité des critères de financement'. Il s'agit donc d'aligner les universités libres sur les universités de l'État en prenant uniquement en considération les cotisations patronales légales que les universités de l'État paient mais pas les cotisations extra-légales ;
Exit donc la prise en considération des cotisations patronales extra-légales précédemment admises pour l'établissement du complément à l'allocation annuelle de fonctionnement ;
Cette modification radicale du régime ancien est confirmée par :
- le rejet en commission de la Chambre d'un amendement visant à faire supporter intégralement par l'État ‘les charges afférentes aux cotisations patronales légales et aux frais d'assurances des universités subventionnées' (Doc. parl., Chambre, session 1975-1976, n° 680/10) ;
- le rejet en commission du Sénat d'un amendement voulant maintenir un subventionnement pour ‘les cotisations patronales supplémentaires nécessaires pour couvrir la différence entre le régime de pension de l'État et celui du secteur privé', au motif que, selon l'auteur de l'amendement, ‘l'obligation de verser un supplément de cotisation destiné à assurer au personnel des pensions équivalentes ainsi que le prévoit l'article 41 de la loi du 27 juillet 1971 constitue une charge imposée par la loi et qu'elle doit donc être compensée par l'État'. L'amendement est rejeté à la demande du ministre indiquant que ‘la question des pensions fera l'objet d'une autre loi, qui sera déposée incessamment' (Doc. parl., Sénat, session 1975-1976, n° 742/2, p. 59) ;

(iii) L'arrêté royal n° 81 du 31 juillet 1982 modifiant certaines lois relatives à l'enseignement universitaire modifie à nouveau l'article 34 qui devient, à partir de son deuxième alinéa :
‘L'excédent des recettes sur les dépenses, autres que les charges légales définies ci-après, (supprimé : diminué des abattements fixés par le Roi dans le même arrêté), constitue le revenu net du patrimoine.
Les montants nécessaires pour les dépenses résultant des cotisations patronales légales, mentionnées au 2° du présent article, sont ajoutés à l'allocation annuelle de fonctionnement (en remplacement de : lorsque les dépenses résultant des charges légales excèdent le revenu net du patrimoine, la différence est ajoutée à l'allocation annuelle de fonctionnement).
[...] Les charges légales comprennent :
[...] 2° les cotisations patronales légales, afférentes aux dépenses de personnel régulièrement couvertes par l'allocation annuelle de fonctionnement et plafonnées au montant des rubriques a) et b) mentionnées à l'article 43, § 4, ci-dessous que ne supportent pas les universités de l'État et pour autant que celles-ci ne prennent pas en charge les prestations sociales correspondantes. Les cotisations légales précitées ou le montant des prestations sociales correspondantes sont mentionnés dans les arrêtés royaux fixant annuellement le coût forfaitaire par étudiant' ;
L'article 34 maintient qu'il ne vise que les cotisations patronales légales et non plus, comme en 1971, les cotisations conventionnelles et extra-légales ;
(iv) Le décret de la Communauté française du 1er octobre 1998 modifie l'article 34 afin de prévoir que c'est le gouvernement de la Communauté française qui arrête les éléments constitutifs des recettes et des dépenses du patrimoine des institutions universitaires ;
Il suit de ces considérations que le législateur a expressément exclu de l'article 34 de la loi de financement les cotisations extra-légales patronales des établissements universitaires subventionnés du complément d'allocation ;

34. Certes, l'article 41 de la loi de financement, modifié par l'arrêté royal n° 434 du 5 août 1986 modifiant la législation sur le financement et le contrôle des institutions universitaires, oblige, avec effet rétroactif au 1er janvier 1972, les universités subventionnées à fixer pour les membres du personnel rémunérés à charge des allocations de fonctionnement, un statut équivalent au statut fixé par les lois et règlements pour le personnel des institutions universitaires de l'État ;
Cependant,
(i) La matière des pensions échappe à la compétence du législateur communautaire ; elle est demeurée fédérale, tandis que la matière de l'enseignement a été transférée aux communautés ;
(ii) L'article 41, qui ne prétend pas y déroger, commande une interprétation conciliable avec les autres dispositions de la loi ;
Or, comme on l'a vu, les articles 25 et 26 et l'article 34 de la loi de financement excluent les cotisations patronales extra-légales de toute allocation. On ne pourrait dès lors considérer, sans contredire les termes et la portée de l'article 34, que l'article 41 oblige les universités libres à compléter les pensions qui seront servies au personnel administratif, technique et ouvrier pour les rendre équivalentes à celles du secteur public ;
Comme l'ont fort bien perçu les parlementaires qui ont déposé les amendements et, le 11 mai 1983, la proposition de loi étendant aux membres du corps scientifique et du personnel administratif, technique et de gestion des institutions universitaires subventionnées le régime de pension des agents des universités de l'État, il faut une modification de la loi de financement pour qu'il soit admis que l'équivalence des statuts visée par l'article 41 requiert, soit le même régime de pension pour tous, soit le financement des cotisations patronales extra-légales des universités libres ».

Griefs

1. Selon l'article 25, alinéa 1er, de la loi de financement, « dans les limites et selon les modalités réglées par le présent titre, la Communauté française contribue, par des allocations annuelles de fonctionnement, au financement des dépenses de fonctionnement des institutions universitaires » énumérées, parmi lesquelles b) l'Université catholique de Louvain, f) les Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, h) les Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles et i) les Facultés universitaires catholiques de Mons.
Cette disposition a été modifiée par le décret du 16 juin 2016 pour tenir compte de la nouvelle dénomination des institutions sous f) et h) et de l'apport du patrimoine de l'institution sous i) à l'institution sous b).
Selon l'article 26, alinéa 2, 1°, de la loi de financement, les charges de pension et d'éméritat ne sont pas couvertes par les allocations annuelles de fonctionnement.
2. En vertu de l'article 34, alinéa 3, de la loi de financement, les montants nécessaires pour les dépenses résultant des cotisations patronales légales, mentionnées au 2° de cet article, sont ajoutés à l'allocation annuelle de fonctionnement des institutions universitaires précitées.
Selon l'article 34, alinéa 5, 2°, de la loi de financement, les charges légales comprennent les cotisations patronales légales, afférentes aux dépenses de personnel régulièrement couvertes par l'allocation annuelle de fonctionnement et plafonnées au montant des rubriques a) et b) mentionnées à l'article 43, § 4, ci-dessous que ne supportent pas les universités de l'État et pour autant que celles-ci ne prennent pas en charge les prestations sociales correspondantes.
3. Selon l'article 41 de la loi de financement, par décision de leur conseil d'administration, les institutions universitaires subventionnées par l'État fixent pour leur personnel rémunéré à charge des allocations de fonctionnement définies à l'article 25, un statut équivalent au statut fixé par les lois et règlements pour le personnel des institutions universitaires de l'État.
Il ressort du sens usuel du mot « statut », qui n'est pas défini par cette disposition, de l'objectif poursuivi par la loi de financement ainsi que de ses travaux préparatoires que le statut équivalent ainsi garanti au personnel des institutions universitaires subventionnées inclut le régime de pension.

Par ailleurs, l'article 40bis, § 3, de la loi de financement prévoit que, pour les membres du personnel rémunérés à charge des allocations de fonctionnement définies à l'article 25, les échelles de traitement fixées par le Roi pour les membres du personnel administratif et technique des institutions universitaires de l'État sont étendues aux membres du personnel administratif et technique des institutions universitaires subventionnées par l'État qui sont soumis au statut dont il est question à l'article 41 ci-dessous.
4. De la combinaison des dispositions qui précèdent, il résulte que les institutions universitaires subventionnées par la Communauté française sont tenues d'octroyer à leur personnel administratif et technique un régime de pension équivalent à celui dont bénéficient les membres du personnel administratif et technique des universités officielles organisées par la Communauté française.
Par conséquent, le financement de ce statut équivalent en matière de pension constitue pour les institutions universitaires subventionnées une cotisation patronale légale afférente aux dépenses de personnel régulièrement couvertes par l'allocation annuelle de fonctionnement et, partant, une charge légale au sens de l'article 34 de la loi de financement. Ce financement doit dès lors être pris en charge par la Communauté française en s'ajoutant à l'allocation annuelle de fonctionnement des institutions universitaires subventionnées.
5. Par les motifs visés en tête du moyen, l'arrêt attaqué décide au contraire que le statut équivalent que l'article 41 de la loi de financement impose aux institutions universitaires subventionnées d'adopter ne s'étend pas au régime de pension des membres de leur personnel administratif et technique et que les mesures prises pour accorder à ce personnel en matière de pension des avantages équivalents à ceux dont bénéficie le personnel des institutions universitaires officielles organisées par la Communauté française ne constituent pas une charge légale au sens de l'article 34 de la loi de financement.
À cet égard, ni le fait que la matière des pensions échappe à la compétence du législateur communautaire, ni le fait que l'article 41 de la loi de financement doive être concilié avec les articles 25 et 26 de cette loi, ni le fait que l'équivalence des statuts ne soit pas absolue, ni le fait que le terme « statut » ait pu être interprété autrement dans d'autres causes ou d'autres contextes, ne justifient de s'écarter de l'interprétation de la loi de financement exposée aux points 3 et 4 ci-avant.
En statuant comme il le fait, l'arrêt attaqué viole dès lors les articles 25, 26, 34, alinéas 3 et 5, 2°, 40bis, § 3, et 41 de la loi de financement dans leurs versions visées en tête du moyen.

À l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0001.F, la demanderesse présente, dans la requête en cassation jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, un moyen libellé dans des termes similaires au moyen ci-dessus reproduit.

III. La décision de la Cour

Les pourvois sont dirigés contre le même arrêt.
Il y a lieu de les joindre.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0328.F :

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la première défenderesse et déduite de ce que la requête ne lui a pas été régulièrement signifiée :

En vertu de l'article 1079, alinéa 1er, du Code judiciaire, le pourvoi est introduit par la remise au greffe de la Cour de cassation d'une requête qui, le cas échéant, est préalablement signifiée à la partie contre laquelle il est dirigé.
Conformément à l'article 82, alinéa 1er, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980, la communauté est citée au cabinet du président du gouvernement.
Ces dispositions n'excluent pas, en cas d'irrégularité de l'exploit de signification à une communauté d'une requête en cassation, l'application de la règle de l'article 861 du Code judiciaire suivant laquelle le juge ne peut déclarer nul un acte de procédure que si l'omission ou l'irrégularité dénoncée nuit aux intérêts de la partie qui invoque l'exception.
La requête a été signifiée, non au président du gouvernement de la première défenderesse, mais au ministre de ce gouvernement aux poursuites et diligences duquel est exercée la défense à l'action.
Cette défenderesse a déposé dans le délai de la loi un mémoire en réponse par lequel elle a répondu au moyen de cassation.
Il s'ensuit que l'irrégularité alléguée de la signification de la requête en cassation n'a pas nui à ses intérêts.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
Et la première défenderesse sera condamnée aux dépens de la signification de son mémoire en réponse.

Sur le moyen :

Aux termes de l'article 41 de la loi du 27 juillet 1971 sur le financement et le contrôle des institutions universitaires, par décision de leur conseil d'administration, les institutions universitaires subventionnées par l'État fixent pour leur personnel rémunéré à charge des allocations de fonctionnement définies à l'article 25 un statut équivalent au statut fixé par les lois et règlements pour le personnel des institutions universitaires de l'État.
L'article 25, alinéa 1er, de cette loi dispose que, dans les limites et selon les modalités réglées par le titre sous lequel il est repris, la première défenderesse contribue, par des allocations annuelles de fonctionnement, au financement des dépenses de fonctionnement des institutions universitaires qu'il énumère, dont les demanderesses.
En vertu de l'article 26, alinéa 2, 1°, de la même loi, les charges de pension et d'éméritat ne sont pas couvertes par ces allocations annuelles.
À l'allocation annuelle de fonctionnement sont, comme le prescrit l'article 34, alinéas 3 et 5, 2°, de ladite loi, ajoutés les montants nécessaires pour les dépenses résultant des cotisations patronales légales afférentes aux dépenses de personnel régulièrement couvertes par ladite allocation annuelle et plafonnées au montant des dépenses relatives au personnel académique et scientifique et des dépenses relatives au personnel administratif et technique visées à l'article 43, § 4, a) et b), que ne supportent pas les universités de l'État et pour autant que celles-ci ne prennent pas en charge les prestations sociales correspondantes.
S'agissant des traitements, l'article 40bis, § 3, de la loi prévoit que, pour les membres du personnel rémunérés à charge des allocations de fonctionnement définies à l'article 25, les échelles de traitement fixées par le Roi pour les membres du personnel administratif et technique des institutions universitaires de l'État sont étendues aux membres du personnel administratif et technique des institutions universitaires subventionnées par l'État qui sont soumis au statut dont il est question à l'article 41.
S'agissant des pensions, l'article 37 de la loi soumet, sous réserve de certaines dispositions particulières, les membres du personnel académique des institutions universitaires subventionnées nommés à partir du 1er juillet 1971 à la loi générale du 21 juillet 1844 sur les pensions civiles et ecclésiastiques, tandis que l'article 38 accorde à ces institutions une subvention exclusivement affectée au service des pensions des membres de ce personnel admis à la retraite avant cette date.
Le régime de pension de retraite applicable aux fonctionnaires de l'administration générale de l'État est étendu par l'article 1er de la loi du 21 juin 1985 concernant l'enseignement aux membres du personnel scientifique des mêmes institutions.

Aucune disposition ne soustrait les membres du personnel administratif et technique des institutions universitaires concernées à l'application du régime de pension des travailleurs salariés que commande la nature contractuelle de leur relation de travail et n'institue en leur faveur un régime légal spécifique de pension complémentaire.
Il suit de ces dispositions légales, de leur genèse et de leur contexte que l'article 41 de la loi du 27 juillet 1971 n'inclut pas le régime de pension dans la notion de statut et que, dès lors, d'une part, les institutions universitaires subventionnées par la première défenderesse ne sont pas tenues d'octroyer aux membres de leur personnel administratif et technique un régime de pension équivalent à celui dont bénéficient les membres du personnel administratif et technique des universités qu'elle organise, d'autre part, les cotisations patronales légales visées à l'article 34, alinéas 3 et 5, 2°, de cette loi se limitent, en matière de pension, aux cotisations au régime des travailleurs salariés, à l'exclusion de cotisations extra-légales à un régime complémentaire.
Le moyen, qui repose sur le soutènement contraire, manque en droit.

Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0001.F :

Sur le moyen :

Pour les raisons exposées en réponse au moyen, identique, présenté à l'appui du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0328.F, le moyen manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.18.0328.F et C.19.0001.F ;
statuant sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.18.0328.F,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la première défenderesse aux dépens de la signification de son mémoire en réponse et les demanderesses aux autres dépens ;
statuant sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.19.0001.F,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés, dans la cause C.18.0328.F, à la somme de sept cent trente-cinq euros dix centimes envers les parties demanderesses, y compris la somme de soixante euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne, et, pour la signification du mémoire en réponse, à la somme de deux cent cinquante-cinq euros seize centimes envers la première partie défenderesse, et, dans la cause C.19.0001.F, à la somme de mille six cent six euros quarante-sept centimes envers la partie demanderesse, y compris la somme de vingt euros au profit du Fonds budgétaire relatif à l'aide juridique de deuxième ligne.

Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Christian Storck, président, le président de section Martine Regout, les conseillers Mireille Delange, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du treize juin deux mille dix-neuf par le président de section Christian Storck, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.18.0328.F
Date de la décision : 13/06/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-06-13;c.18.0328.f ?

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