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29/05/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0546.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 mai 2019, P.19.0546.F


N° P.19.0546.F
B. Y.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Fanny Vansiliette, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch conclu.




II. LES FAITS

Le demandeu

r a été placé sous mandat d'arrêt le 26 avril 2019 du chef de détention illicite de stupéfiants manifestement ...

N° P.19.0546.F
B. Y.
inculpé, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maître Fanny Vansiliette, avocat au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 17 mai 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque un moyen dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Eric de Formanoir a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch conclu.

II. LES FAITS

Le demandeur a été placé sous mandat d'arrêt le 26 avril 2019 du chef de détention illicite de stupéfiants manifestement destinés à la vente.

L'arrêt attaqué statue sur l'appel du demandeur contre l'ordonnance de maintien de la détention préventive, rendue par la chambre du conseil le 30 avril 2019.

Il ressort des pièces de la procédure qu'une visite domiciliaire a été réalisée au domicile du demandeur le 25 avril 2019, en exécution d'une ordonnance de perquisition dans le cadre d'une autre instruction relative à des faits de détention arbitraire.

Le mandat d'arrêt décerné au demandeur est notamment fondé sur la découverte de stupéfiants lors de cette perquisition.

III. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le moyen :

1. Le moyen est pris de la violation des articles 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale et 149 de la Constitution.

Quant à la première branche :

2. Le moyen soutient que la chambre des mises en accusation ne pouvait pas appliquer l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Il fait valoir que cette disposition n'est applicable que si la contestation porte sur la régularité d'un élément de preuve, et non lorsqu'il concerne la légalité de la privation de liberté qui, comme en l'espèce, a été réalisée grâce à l'exécution d'un mandat de perquisition irrégulier. Le moyen précise que si le demandeur a contesté devant les juges d'appel la régularité de l'obtention des éléments de preuve découlant de la perquisition illégale, pour lesquels selon le moyen il y avait lieu d'appliquer l'article 32, le demandeur a également contesté la régularité de la privation de liberté qui a mené à la délivrance du mandat d'arrêt. Le moyen souligne qu'il existe un lien de causalité évident entre la perquisition illégale et l'arrestation du demandeur à son domicile, de sorte que l'illégalité de cet acte d'instruction emporte celle de la privation de liberté, sans qu'il soit nécessaire d'appliquer les critères de l'article précité.

3. L'arrêt attaqué constate que le mandat de perquisition précité ne mentionne que la ville, la rue et le numéro d'un immeuble à appartements multiples dont un seul est habité par le demandeur, et il considère que le dossier répressif ne permet pas de connaître les motifs pour lesquels l'appartement du demandeur a été perquisitionné. Les juges d'appel ont également considéré que ce mandat constitue une restriction à l'inviolabilité du domicile et que son caractère général et indifférencié le rend irrégulier.

L'arrêt décide que le fait que cette perquisition ait pu constituer une violation du droit au respect de la vie privée n'emporte pas pour autant une atteinte au droit à un procès équitable, et qu'en l'espèce, l'usage de la preuve obtenue lors de la perquisition précitée n'est pas contraire au droit à un procès équitable dans la mesure où le demandeur a la possibilité de s'opposer aux éléments recueillis par les actes d'instruction critiqués. L'arrêt considère également, en se référant à l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, que « l'idéal de justice mis en balance avec l'irrégularité dénoncée justifie l'admission des preuves obtenues lors de la perquisition irrégulière ».

4. Il ne ressort pas de ces considérations, ni d'aucune autre énonciation de l'arrêt, que les juges d'appel ont appliqué la disposition précitée pour contrôler la légalité de l'arrestation précédant la délivrance du mandat d'arrêt. Il en ressort, au contraire, qu'ils se sont référés à cette disposition uniquement pour apprécier les conséquences du caractère irrégulier de la perquisition sur l'admissibilité des éléments de preuve obtenus à l'occasion de cet acte d'instruction.

Dans la mesure où il soutient le contraire, le moyen manque en fait.
Pour le surplus, en tant qu'il critique l'application de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale aux éléments de preuve recueillis lors de la perquisition litigieuse, alors qu'il considère en même temps que cette disposition devait être appliquée à ces éléments, le moyen, qui contient une contradiction interne, est irrecevable.

Quant à la deuxième branche :

5. Le moyen soutient qu'il existe encore un autre motif pour lequel la cour d'appel a fait application, à tort, de l'article 32 du titre préliminaire du Code de procédure pénale. Il fait valoir que lorsque l'irrégularité a pour effet de vider d'emblée de leur substance même les droits de la défense du prévenu, il ne faut plus procéder à l'examen de proportionnalité inhérent au contrôle de l'atteinte au droit à un procès équitable visé par l'article précité. Le moyen précise qu'en l'espèce, l'irrégularité a été commise au tout début de l'enquête, et que celle-ci a par conséquent d'emblée vidé de leur substance même les droits de la défense du demandeur, de sorte que, contrairement à qu'elle a fait, la chambre des mises en accusation ne devait pas procéder au contrôle de proportionnalité susmentionné.

6. De la seule circonstance qu'une irrégularité a été commise à l'ouverture de l'enquête il ne suit pas nécessairement qu'elle vide d'emblée de sa substance même les droits de la défense de l'inculpé.

Entièrement fondé sur la prémisse contraire, le moyen manque en droit.

Quant à la troisième branche :

7. Le moyen reproche aux juges d'appel d'avoir considéré que l'usage de la preuve obtenue lors de la perquisition irrégulière du domicile du demandeur n'est pas contraire au droit à un procès équitable dans la mesure où il a la possibilité de s'y opposer. Selon le moyen, pareil raisonnement n'est admissible que lorsque l'irrégularité est d'ordre formel, par exemple lorsqu'il s'agit d'une absence d'avis au procureur au Roi, d'une erreur dans le renouvellement de la désignation d'un juge d'instruction ou d'un défaut de signature ou de datation. Le demandeur fait valoir qu'un tel raisonnement ne peut être accepté lorsque, comme en l'espèce, l'irrégularité empêche le demandeur de vérifier concrètement s'il était bien la cible du mandat de perquisition délivré, tandis que, par ailleurs, le dossier ne révèle pas comment les enquêteurs en sont arrivés à perquisitionner son appartement. Selon lui, refuser d'attacher une sanction à pareille irrégularité permettrait aux enquêteurs d'aller à la pêche aux informations, en pratiquant une perquisition dans chaque appartement d'un immeuble qui en comporte plusieurs.

8. En tant qu'il allègue que l'irrégularité constatée par les juges d'appel empêche de vérifier concrètement si le demandeur était la cible du mandat de perquisition, que le dossier ne révèle pas les raisons ou les circonstances de la perquisition et qu'en raison de cet empêchement et de cette lacune, en les supposant avérés, le demandeur ne serait plus en mesure de contredire utilement les indices recueillis, le moyen exige un examen en fait qui n'est pas au pouvoir de la Cour. Par ailleurs, en soutenant que l'admission d'indices sérieux de culpabilité tels ceux qui ont fondé le mandat d'arrêt, pourrait donner lieu à des abus, le moyen est fondé sur une hypothèse.

Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.

9. En cette branche, le moyen soutient également que l'irrégularité constatée par les juges d'appel, à la différence d'une irrégularité formelle telle que celles évoquées ci-dessus, a eu une répercussion effective sur le droit protégé par la norme transgressée, en l'espèce l'inviolabilité du domicile et le droit au respect de la vie privée. Selon le demandeur, admettre des preuves recueillies en violation de ces droits fondamentaux revient à les priver de toute protection effective.

10. Il ne résulte d'aucune disposition légale ou conventionnelle que des indices sérieux de culpabilité recueillis, comme en l'espèce, à l'occasion d'une perquisition jugée irrégulière, doivent nécessairement être écartés par la juridiction d'instruction chargée du contrôle de la détention préventive, ni que cette juridiction ne puisse pas décider de les prendre en considération.

A cet égard, le moyen manque en droit.

Quant à la quatrième branche :

11. Le moyen reproche à la cour d'appel de ne pas avoir motivé de manière concrète l'examen de proportionnalité auquel elle a procédé.

12. L'arrêt considère que les faits reprochés au demandeur témoigneraient dans son chef, à les supposer établis, d'une contribution personnelle au fonctionnement et au développement du marché de la drogue, générateur de déstabilisation sociale et facteur grandissant d'atteinte à la sécurité et à la santé des citoyens, en particulier une population jeune et fragilisée souvent entraînée, de surcroît, dans une délinquance périphérique aux fins d'acquisition.

Ce motif, qui n'est pas abstrait mais se réfère aux faits de l'inculpation du demandeur pour détention illicite de stupéfiants manifestement destinés à la vente, permet de comprendre pourquoi les juges d'appel ont considéré que l'intérêt public à la poursuite pénale mis en balance avec l'irrégularité dénoncée justifiait de ne pas écarter les éléments découverts à l'occasion de la perquisition litigieuse.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

13. Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de quarante-sept euros nonante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du vingt-neuf mai deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
T. Fenaux F. Stévenart Meeûs F. Lugentz
T. Konsek E. de Formanoir B. Dejemeppe


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0546.F
Date de la décision : 29/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-29;p.19.0546.f ?

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