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23/05/2019 | BELGIQUE | N°C.17.0463.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 mai 2019, C.17.0463.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0463.F
R. P., agissant en nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils N. P.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115, et par le ministre des Affaires étrangères et européennes, chargé de Beliris et des

Institutions culturelles fédérales, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Petits Carm...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.17.0463.F
R. P., agissant en nom personnel et en qualité de représentant légal de son fils N. P.,
demandeur en cassation,
représenté par Maître Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile,

contre

ÉTAT BELGE, représenté par le ministre de la Justice, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115, et par le ministre des Affaires étrangères et européennes, chargé de Beliris et des Institutions culturelles fédérales, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Petits Carmes, 15,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 décembre 2016 par la cour d'appel de Liège.
Le 7 mai 2019, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Martine Regout a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, le demandeur présente six moyens.

III. La décision de la Cour

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

Selon l'article 1er, § 1er, de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, cette convention a pour objet non seulement d'assurer le retour immédiat des enfants déplacés ou retenus illicitement dans tout État contractant, mais aussi de faire respecter effectivement dans les autres États contractants les droits de garde et de visite existant dans un État contractant.
Aux termes de l'article 21 de cette convention, une demande visant l'organisation ou la protection de l'exercice effectif d'un droit de visite peut être adressée à l'autorité centrale d'un État contractant selon les mêmes modalités qu'une demande visant au retour de l'enfant. Les autorités centrales sont liées par les obligations de coopération visées à l'article 7 pour assurer l'exercice paisible du droit de visite et l'accomplissement de toute condition à laquelle l'exercice de ce droit serait soumis, et pour que soient levés, dans toute la mesure du possible, les obstacles de nature à s'y opposer. Les autorités centrales, soit directement, soit par des intermédiaires, peuvent entamer ou favoriser une procédure légale en vue d'organiser ou de protéger le droit de visite et les conditions auxquelles l'exercice de ce droit pourrait être soumis.
Aux termes de l'article 35, alinéa 1er, la convention ne s'applique entre les États contractants qu'aux enlèvements ou aux non-retours illicites qui se sont produits après son entrée en vigueur dans ces États.
Ainsi que cela ressort du rapport explicatif sur cette convention, cet article ne concerne que les dispositions conventionnelles visant le retour de l'enfant. En effet, la réglementation conventionnelle du droit de visite ne peut être invoquée, par la nature même des choses, qu'à propos du refus de son exercice s'étant produit ou continuant à se produire après l'entrée en vigueur de la convention.
Il s'ensuit que les dispositions de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 relatives au droit de visite sont applicables même si l'enlèvement ou le non-retour illicite de l'enfant s'est produit avant son entrée en vigueur.
L'arrêt constate que le demandeur sollicite de la cour d'appel qu'elle enjoigne au défendeur d'engager avec l'autorité compétente russe des négociations concernant N. sur le droit de visite du demandeur et qu'elle dise que cette intervention se fera notamment en exécution de toute disposition utile issue de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.
En rejetant cette demande au motif que l'acceptation de l'adhésion de la Fédération de Russie à cette convention n'est intervenue que le 3 mars 2016, soit postérieurement à l'enlèvement illicite de N., l'arrêt viole l'article 35, alinéa 1er, de cette convention.
Le moyen, en cette branche, est fondé.

Quant à la seconde branche :

Suivant l'article 1er de la Convention du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, cette convention a notamment pour objet a) de déterminer l'État dont les autorités ont compétence pour prendre des mesures tendant à la protection de la personne ou des biens de l'enfant et e) d'établir entre les autorités des États contractants la coopération nécessaire à la réalisation des objectifs de la convention.
En vertu de l'article 3, b), les mesures prévues à l'article 1er peuvent porter notamment sur le droit de visite, comprenant le droit d'emmener l'enfant pour une période limitée dans un lieu autre que celui de sa résidence habituelle.
L'article 50 de cette convention énonce que rien n'empêche que des dispositions de la Convention du 19 octobre 1996 soient invoquées pour organiser le droit de visite.

Aux termes de son article 53, la Convention du 19 octobre 1996 ne s'applique qu'aux mesures prises dans un État après l'entrée en vigueur de la convention pour cet État et la convention s'applique à la reconnaissance et à l'exécution des mesures prises après son entrée en vigueur dans les rapports entre l'État où les mesures ont été prises et l'État requis.
Il s'ensuit que la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 est applicable à l'organisation d'un droit de visite ainsi qu'à la coopération nécessaire entre États contractants devant intervenir postérieurement à l'entrée en vigueur de cette convention, même si ce droit de visite est rendu nécessaire par un enlèvement d'enfant survenu avant son entrée en vigueur.
L'arrêt constate que le demandeur sollicite de la cour d'appel qu'elle enjoigne au défendeur d'engager avec l'autorité compétente russe des négociations concernant N. sur le droit de visite du demandeur et qu'elle dise que cette intervention se fera notamment en exécution de toute disposition utile issue de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996.
En rejetant cette demande au motif que « cette convention bien que ratifiée par la Belgique et la Fédération de Russie n'est entrée en vigueur entre ces deux pays que le 1er septembre 2014, soit postérieurement à l'enlèvement commis par J. G. le 1er octobre 2007 », l'arrêt viole l'article 53 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé.

Sur le deuxième moyen :

En vertu de l'article 1080 du Code judiciaire, la requête contient, à peine de nullité, l'exposé des moyens de la partie demanderesse, ses conclusions et l'indication des dispositions légales dont la violation est invoquée.
Lorsqu'un moyen ou une branche d'un moyen comporte plusieurs griefs distincts, il incombe à la partie demanderesse, pour satisfaire à cette prescription, de mentionner pour chacun de ces griefs les dispositions légales dont elle invoque la violation.
Le moyen, qui, en cette branche, formule divers griefs à l'encontre de l'arrêt déclarant irrecevable sa demande de renouvellement des papiers d'identité de J. G., sans indiquer séparément les dispositions légales dont il invoque la violation à l'appui de chacun de ces griefs, est imprécis, partant, irrecevable.

Étendue de la cassation :

La cassation de l'arrêt sur la mise en œuvre de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996 entraîne la cassation de la décision sur la responsabilité du défendeur qui repose sur la considération que « dès lors que la Convention de La Haye n'est pas applicable au présent litige, aucune faute ne peut être reprochée [au défendeur] en lien avec des mesures qu'il aurait dû prendre en application de cette convention ».

Il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur les mises en œuvre des conventions de La Haye du 25 octobre 1980 et du 19 octobre 1996, sur la responsabilité du défendeur et sur les dépens ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé ;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Martine Regout, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf par le président de section Martine Regout, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont M. Marchandise A. Jacquemin
M.-Cl. Ernotte M. Delange M. Regout


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.17.0463.F
Date de la décision : 23/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-23;c.17.0463.f ?

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