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23/05/2019 | BELGIQUE | N°C.16.0254.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 23 mai 2019, C.16.0254.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.16.0254.F
ICE, société anonyme, anciennement dénommée TKS, dont le siège social est établi à Bastogne, place Mac-Auliffe, 34,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre

LEGO JURIS A/S, société de droit danois, dont le siège est établi à Billund (Danemark), Koldingvej, 2,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, a

vocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Joseph Stevens, 7, où il est fai...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.16.0254.F
ICE, société anonyme, anciennement dénommée TKS, dont le siège social est établi à Bastogne, place Mac-Auliffe, 34,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Michèle Grégoire, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Régence, 4, où il est fait élection de domicile,
contre

LEGO JURIS A/S, société de droit danois, dont le siège est établi à Billund (Danemark), Koldingvej, 2,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue Joseph Stevens, 7, où il est fait élection de domicile.

I. La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2012 par la cour d'appel de Bruxelles.
Le 7 mai 2019, l'avocat général Philippe de Koster a déposé des conclusions au greffe.
Le président de section Martine Regout a fait rapport et l'avocat général Philippe de Koster a été entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée conforme, la demanderesse présente deux moyens.

III. La décision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposée au pourvoi par la défenderesse et déduite de l'acquiescement de la demanderesse à l'arrêt attaqué :

Aux termes de l'article 1184, alinéa 1er, du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans un contrat synallagmatique, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
La transaction est un contrat synallagmatique auquel l'article 1184 du Code civil s'applique.
En vertu de l'article 1184, alinéa 3, de ce code, la résolution doit être demandée en justice.
Cette règle ne fait pas obstacle à ce qu'en cas d'inexécution suffisamment grave pour justifier la résolution judiciaire, le créancier décide à ses risques et périls de résoudre le contrat par une notification au débiteur.
Cet acte unilatéral de résolution produit effet tant qu'il n'a pas été déclaré inefficace par un juge.
Il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que :
- le 8 mars 2013, les parties ont conclu un contrat de transaction et, aux termes de l'article 1.1. de celle-ci, la demanderesse « accepte d'acquiescer à l'arrêt du 11 décembre 2012 de la cour d'appel de Bruxelles (au sens de l'article 1044 du Code judiciaire belge) et, par conséquent, accepte de ne pas se pourvoir en cassation contre cet arrêt » ;
- par lettre de son conseil du 4 mars 2016, la défenderesse a dénoncé à la demanderesse des manquements à la convention de transaction et, le 11 mars 2016, elle a procédé à la signification de l'arrêt attaqué ;
- par lettre du 9 juin 2016, la demanderesse a fait savoir qu'elle considérait que cette position et les actions entreprises constituaient une violation de la transaction et que, vu l'urgence, elle notifiait la résolution de celle-ci ;
- cet acte unilatéral de résolution n'a pas été soumis à l'appréciation d'un juge.
La convention de transaction doit dès lors être tenue pour résolue.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.

Sur le fondement du pourvoi :

Sur le premier moyen :

Quant à la première branche :

L'arrêt énonce que : « La forme qui fait l'objet des enregistrements litigieux [...] a un aspect rectangulaire [...] ou cubique [...], surmonté de huit [...] ou quatre [...] tenons ronds, alignés sur deux rangées. Il s'agit des caractéristiques essentielles du signe. Les produits en cause n'ont pas de fonction technique telle que celle définie par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Lego. Aucun des produits protégés en classes 14, 16, 20 et 21 n'est destiné à obtenir le même résultat technique. Ces produits ne nécessitent nullement un assemblage et une force d'accrochage entre eux. Ce ne sont pas des ‘éléments modulaires'. En l'espèce, les marques ne servent pas à assurer ‘la fiabilité de l'assemblage d'éléments modulaires'. Or, c'est là le seul résultat technique allégué (mais non démontré) par [la demanderesse] pour justifier en l'espèce l'application de l'article 7.1, e), ii), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire. Pour des montres, des emballages en plastique, des boîtes de rangement, des meubles, pendentifs ou autres (produits des classes 14, 16, 20 et 21), les formes protégées par les enregistrements [de la défenderesse] ne sont nullement ‘nécessaires à l'obtention d'un résultat technique'. [...]. Pour les produits concernés (en classes 14, 16, 20 et 21), la combinaison de leur aspect cubique ou rectangulaire surmonté de quatre ou huit tenons n'a qu'une fonction décorative et distinctive » et qu'« il n'y a, pour les produits en cause et à la différence des jouets de construction (en classe 28), aucun ‘résultat technique' ».
Le moyen, qui, en cette branche, suppose que, selon l'arrêt, les caractéristiques essentielles de la forme enregistrée par la défenderesse sont nécessaires à l'obtention du résultat technique allégué, à savoir l'accouplement des produits concernés, alors que l'arrêt l'exclut expressément, manque en fait.
Et il n'y a pas lieu de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la première question préjudicielle libellée par la demanderesse, qui est sans intérêt pour la solution du litige.

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 7.1, e), ii), du règlement (CE) n° 207/2009 précité, sont refusés à l'enregistrement, les signes constitués exclusivement par la forme du produit nécessaire à l'obtention d'un résultat technique.
La Cour de justice de l'Union européenne a précisé, dans un arrêt du 10 novembre 2016 (C-30/15P, Simba Toys), que les caractéristiques essentielles d'une forme doivent être appréciées au regard de la fonction technique du produit concret concerné.
L'arrêt considère que les caractéristiques essentielles du signe enregistré consistent en « un aspect rectangulaire [...] ou cubique [...], surmonté de huit [...] ou quatre [...] tenons ronds, alignés sur deux rangées » et que « les caractéristiques de la forme qui fait l'objet des enregistrements visés ne répondent pas ‘à la fonction technique du produit en cause' [...], à savoir à la fonction technique des montres, des emballages en plastique, des boîtes de rangement, des meubles, pendentifs, décorations pour arbre de Noël ou autres (produits des classes 14, 16, 20, 21 et 28), qui ont pour fonction technique respective d'indiquer l'heure, d'emballer, de protéger ou de présenter, de décorer ».
Il considère également que « pour des montres, des emballages en plastique, des boîtes de rangement, des meubles, pendentifs ou autres [...], les formes protégées par les enregistrements [de la défenderesse] ne sont nullement ‘nécessaires à l'obtention d'un résultat technique' ».
L'arrêt justifie ainsi légalement sa décision que « le motif visé à l'article 7.1, e), ii), du règlement (CE) n° 207/2009 ne s'applique pas en l'espèce ».

La considération de l'arrêt selon laquelle « il n'y a pas la moindre nécessité de recourir à l'emploi des formes protégées par les enregistrements critiqués pour produire les produits concernés, pour en faire un usage normal », est surabondante.
Le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli.
Il n'y a pas lieu de poser à la Cour de justice de l'Union européenne la deuxième question préjudicielle libellée par la demanderesse, cette cour ayant déjà répondu à cette question dans l'arrêt précité du 10 novembre 2016.
Et il n'y a pas lieu de poser à cette cour la troisième question préjudicielle libellée par la demanderesse dès lors qu'elle est sans intérêt pour la solution du litige.

Sur le second moyen :

L'arrêt considère que la demanderesse « demande à la cour [d'appel] d'assortir les éventuelles mesures qui seraient prononcées à son encontre d'un délai de grâce de six mois à dater de la signification [de l'] arrêt ; [que] l'octroi d'un délai se justifie, compte tenu des importantes mesures de réorganisation qu'implique pour [la demanderesse] la confirmation de l'ordre de cessation prononcé par le jugement entrepris et le prononcé d'un ordre de cessation à l'atteinte aux droits de marque de [la défenderesse] par [l'] arrêt ; [qu'] eu égard à cette circonstance, mais également aux intérêts de [la défenderesse], dont les droits de marque sont atteints et dont les intérêts économiques sont indirectement atteints par l'atteinte aux intérêts des consommateurs, le délai de grâce accordé à [la demanderesse] est fixé par la cour à trois mois à partir de la signification [de l'] arrêt ».
L'arrêt répond ainsi aux conclusions de la demanderesse, qui, à seule fin d'obtenir un délai de grâce de six mois, faisait valoir que la défenderesse avait tardé à agir.
Le moyen manque en fait.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de huit cent cinquante euros soixante-sept centimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux cent quarante-sept euros trente-sept centimes envers la partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Martine Regout, les conseillers Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte, Ariane Jacquemin et Maxime Marchandise, et prononcé en audience publique du vingt-trois mai deux mille dix-neuf par le président de section Martine Regout, en présence de l'avocat général Philippe de Koster, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont M. Marchandise A. Jacquemin
M.-Cl. Ernotte M. Delange M. Regout


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.16.0254.F
Date de la décision : 23/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-23;c.16.0254.f ?

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