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15/05/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0469.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 mai 2019, P.19.0469.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0469.F
EL H. A.A. né à Berchem-Sainte-Agathe le 23 septembre 1984,
personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Jonathan De Taye, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Berckmans, 109, où il est fait élection de domicile, et Cédric Moisse, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre d

es mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent a...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0469.F
EL H. A.A. né à Berchem-Sainte-Agathe le 23 septembre 1984,
personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, détenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Jonathan De Taye, dont le cabinet est établi à Saint-Gilles, rue Berckmans, 109, où il est fait élection de domicile, et Cédric Moisse, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque trois moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller François Stévenart Meeûs a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LES FAITS

Le demandeur est détenu dans une prison en vertu d'un arrêt définitif de la chambre des mises en accusation du 28 juin 2018, qui déclare exécutoire le mandat d'arrêt européen émis à sa charge le 23 mai 2018 par le parquet de Paris et constitue le titre de sa détention jusqu'à sa remise effective aux autorités judiciaires françaises. Le parquet fédéral a différé cette remise en vue de poursuivre l'intéressé pour d'autres faits commis en Belgique.

Par arrêt du 7 novembre 2018, la Cour, statuant sur le pourvoi dirigé contre une décision de la chambre des mises en accusation rejetant une première requête de mise en liberté provisoire du demandeur, a décidé de poser deux questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle. Cette procédure est toujours pendante.

En l'absence de décision rendue par la Cour constitutionnelle, le demandeur a introduit le 11 avril 2019 une nouvelle demande de remise en liberté provisoire motivée par le dépassement de la durée raisonnable de sa détention à la suite de la procédure de renvoi préjudiciel.

L'arrêt confirme l'ordonnance de la chambre du conseil déclarant irrecevable cette nouvelle requête.

III. LA DÉCISION DE LA COUR

Sur le premier moyen :

Le moyen est pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit relatif au respect des droits de la défense.

Quant à la première branche :

Le demandeur fait grief à l'arrêt de ne pas révéler les motifs pour lesquels l'article 30 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle empêcherait l'application de l'article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'arrêt ne décide pas seulement qu'un motif légal tiré de l'application de l'article 30 de la loi spéciale précitée suspend la procédure de contrôle de la détention ordonnée en vertu d'une décision définitive d'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Il constate en outre que cette cause de suspension du contrôle de la détention n'est pas indéterminée et qu'il y a tout lieu de croire qu'elle devrait bientôt prendre fin.

Par référence à la motivation de l'ordonnance de la chambre du conseil, il considère également que la procédure relative à l'examen du pourvoi dirigé contre un arrêt statuant sur l'appel formé contre une ordonnance de la chambre du conseil rejetant une demande de mise en liberté provisoire introduite par une personne détenue en vertu d'une décision définitive d'exécution du mandat d'arrêt européen, est régie par les dispositions du Code d'instruction criminelle, qu'en vertu de ces dispositions, le pourvoi en cassation a lui-même un effet suspensif de la décision rendue par la chambre des mises en accusation de la cour d'appel et qu'en conséquence, l'actuelle requête, déposée alors que la procédure relative à la précédente requête de mise en liberté est toujours en cours d'examen, est irrecevable.

Procédant d'une lecture incomplète de l'arrêt, le moyen manque en fait.

Quant à la deuxième branche :

Le moyen reproche aux juges d'appel de s'être contredits en déclarant la requête de mise en liberté irrecevable.
Les juges d'appel ont d'abord énoncé que l'article 5.4 de la Convention permet au demandeur de solliciter des juridictions d'instruction de contrôler la régularité de la privation de liberté dans le cadre de l'exécution d'un mandat d'arrêt européen.

Ils ont toutefois considéré, pour confirmer l'irrecevabilité de la requête, que la demande nouvelle avait le même objet principal que la première, à savoir la remise en liberté du demandeur, et qu'un motif légal suspendait la procédure de contrôle de la détention.

Aucune contradiction ne saurait se déduire de ces affirmations.

Le moyen manque en fait.

Quant à la troisième branche :

Le demandeur soutient que l'arrêt ne répond pas à ses conclusions par lesquelles il a invoqué que le contrôle de la détention doit être effectué à intervalles réguliers et ne peut en aucun cas être suspendu, même par une procédure de renvoi préjudiciel concomitante.

En considérant, après un examen actuel, individuel et précis de l'évolution de la mise en état de la cause devant la Cour constitutionnelle, qu'un motif légal suspendait la procédure de contrôle de la détention, les juges d'appel ont répondu aux conclusions du demandeur sur ce point, en les contredisant.

Le moyen manque en fait.

Sur le deuxième moyen :

Quant aux deux branches réunies :

Le moyen est pris de la violation de l'article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de la méconnaissance du principe général du droit tiré de la primauté du droit international sur les règles de droit interne.

Le demandeur reproche à l'arrêt de motiver la suspension de la procédure de contrôle de la légalité de la détention en se fondant sur l'article 30 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle alors que l'article 5.4 de la Convention a un effet direct en droit belge et doit primer sur la disposition de droit interne précitée. Il ajoute qu'il est ainsi privé du droit de faire contrôler la légalité de sa détention à intervalles raisonnables.

L'article 30 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose que la décision de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle suspend la procédure et les délais de procédure et de prescription depuis la date de cette décision jusqu'à celle à laquelle l'arrêt de la Cour constitutionnelle est notifié à la juridiction qui a posé la question préjudicielle. Cette disposition précise en son alinéa 2 que la juridiction peut, même d'office, prendre les mesures provisoires nécessaires notamment afin d'assurer la protection des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne.

En vertu de l'article 5.4 de la Convention, toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. L'article 5.3 prévoit, quant à lui, que toute personne arrêtée ou détenue doit être traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée durant la procédure.

Lorsqu'une juridiction est confrontée à une demande de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle, elle doit apprécier dans quelle mesure cette demande est conciliable avec l'exigence de toute personne détenue avant jugement d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée durant la procédure.

Par arrêt du 7 novembre 2018, la Cour a interrogé la Cour constitutionnelle sur la compatibilité des articles 20, §§ 2, 3 et 4, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d'arrêt européen avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

La suspension des délais prévue par l'article 30 de la loi spéciale précitée ne prive pas la personne détenue en vertu d'un mandat d'arrêt européen rendu exécutoire, du droit de faire vérifier par un juge la légalité de sa détention, notamment du point de vue de la durée raisonnable des poursuites.

En l'espèce, après avoir énoncé que l'article 5.4 de la Convention permet au demandeur de solliciter les juridictions d'instruction pour contrôler la régularité de la privation de la liberté dans le cadre de l'exécution du mandat d'arrêt européen et après avoir procédé à un examen actualisé et précis de la mise en état de la cause devant la Cour constitutionnelle, les juges d'appel ont considéré que, l'affaire étant en état d'être jugée et devant être prise en délibéré le 24 avril 2019, l'arrêt du juge constitutionnel devrait être rendu dans un délai rapproché de telle sorte que la cause de suspension de la procédure n'était pas indéterminée et qu'il y avait tout lieu de croire qu'elle devrait bientôt prendre fin.

Il résulte de cette motivation que, nonobstant la circonstance qu'ils ont déclaré le recours irrecevable, les juges d'appel ont procédé à l'examen auquel ils étaient tenus en application des articles 5.3 et 5.4 de la Convention et ont considéré que la durée de la détention du demandeur au moment où ils ont statué, restait raisonnable.

Le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Sur l'ensemble du troisième moyen :

Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 30 et 109 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

Dans une première branche, le moyen fait grief aux juges d'appel d'avoir donné à l'article 30 de la loi spéciale précitée une portée qu'elle ne contient pas en soutenant que cette cause de suspension n'est pas indéterminée. Dans une seconde branche, le moyen reproche à l'arrêt de ne pas motiver sa décision de confirmer l'irrecevabilité de la demande, en jugeant que la nouvelle requête de mise en liberté provisoire constitue une demande identique à la première.

Pour les motifs mentionnés en réponse au deuxième moyen, le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de soixante-sept euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0469.F
Date de la décision : 15/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-15;p.19.0469.f ?

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