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15/05/2019 | BELGIQUE | N°P.19.0088.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 mai 2019, P.19.0088.F


Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0088.F
P. R.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Benoît Lemal et Laurent Kennes, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vander

meersch a conclu.


II. LA DÉCISION DE LA COUR

Les moyens sont pris de la violation des articles 6.1 d...

Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° P.19.0088.F
P. R.
prévenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseils Maîtres Benoît Lemal et Laurent Kennes, avocats au barreau de Bruxelles.

I. LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 5 décembre 2018 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
La demanderesse invoque quatre moyens dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
Le conseiller Frédéric Lugentz a fait rapport.
L'avocat général Damien Vandermeersch a conclu.

II. LA DÉCISION DE LA COUR

Les moyens sont pris de la violation des articles 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 149 de la Constitution.

Sur le premier moyen :

La demanderesse expose que le ministère public et elle-même avaient convenu que les faits sous une prévention A relevaient de l'infraction visée à l'article 421 du Code pénal, soit d'avoir involontairement causé à son fils une maladie ou une incapacité de travail personnel, en lui administrant des substances qui sont de nature à donner la mort ou à altérer gravement la santé. Le moyen reproche à l'arrêt de reconnaître, sur la base de cinq motifs mal fondés, la demanderesse coupable d'avoir volontairement, mais sans intention de tuer, administré à la victime ces substances. Ce faisant, la demanderesse soutient que les juges d'appel ont outrepassé leur pouvoir.

Le principe dispositif est étranger à l'appréciation par le juge pénal qui statue sur l'action publique et est tenu, à ce titre, de donner aux faits dont il est saisi leur qualification exacte et de vérifier si les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis, y compris lorsque l'accusation et la défense du prévenu s'entendent au sujet d'une qualification différente.

À cette fin, il incombait notamment à la cour d'appel, comme elle l'a fait, de vérifier si les faits de la prévention A avaient été commis volontairement ou non.

Par ailleurs, la qualification donnée par la cour d'appel aux faits dont elle était saisie correspond à celle initialement visée par cette prévention. Ayant exclu la requalification proposée, la cour d'appel n'avait donc pas à s'interroger quant à l'identité entre l'infraction dont elle était saisie et celle qui avait été envisagée par l'accusation et la demanderesse.

À cet égard, le moyen ne peut être accueilli.

La demanderesse reproche encore aux juges d'appel d'avoir décidé que l'infraction visée à l'article 402 du Code pénal ne requiert pas la connaissance du mobile de l'agent, alors que l'intention de « faire du tort à la victime » doit être établie.

Si l'article 402 du Code pénal exige que la preuve soit rapportée de la circonstance que l'auteur a administré volontairement à la victime des substances qui peuvent donner la mort, ou qui, sans être de nature à la donner, peuvent cependant altérer gravement la santé, cet élément moral est étranger aux mobiles de l'agent.

Procédant d'une autre conception juridique, le moyen, dans cette mesure, manque en droit.

Pour le surplus, contestant le bien-fondé de la qualification retenue au regard des circonstances auxquelles la cour d'appel a donné du crédit et dont la demanderesse admet elle-même qu'elles sont de « pur fait », le moyen critique l'appréciation des juges d'appel et exige, pour son examen, une vérification de ces éléments de fait, qui n'est pas au pouvoir de la Cour.

À cet égard, le moyen est irrecevable.

Sur le deuxième moyen :

Invoquant la violation des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 17 et 24, § 1er, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la demanderesse se plaint de la circonstance qu'à la suite de sa condamnation, les juridictions de la jeunesse l'ont privée de contacts avec son fils, et ce depuis une première mesure provisoire prise le 4 mai 2016 par le juge de la jeunesse.

N'étant pas dirigé contre la décision attaquée, le moyen est irrecevable.
Sur le troisième moyen :

Le moyen reproche aux juges d'appel, d'une part, de ne pas avoir écarté le rapport de l'expert judiciaire B. alors qu'il a méconnu la foi due aux actes et la présomption d'innocence de la demanderesse et, d'autre part, de s'être ralliés à l'avis de ce psychiatre en excluant la circonstance, pourtant attestée par des faits, que la demanderesse avait agi par erreur, c'est-à-dire involontairement.

En tant qu'il reproche aux juges d'appel d'avoir donné du crédit à l'avis de l'expert judiciaire alors que, selon la demanderesse, celui-ci serait contredit par les éléments du dossier et verserait dans la subjectivité, le moyen exige pour son examen une vérification des éléments de fait de la cause, pour laquelle la Cour est sans pouvoir.

Pour le surplus, critiquant les conclusions de l'expert judiciaire, relatives à l'état mental de la demanderesse, le moyen est étranger à la décision attaquée.

Dès lors, le moyen est irrecevable.

Sur le quatrième moyen :

Le moyen fait grief aux juges d'appel d'avoir écarté de manière irrégulière la demande qu'il soit procédé à l'interrogatoire, à l'audience, de l'expert judiciaire B. et du conseil technique de la demanderesse, dont les conclusions s'opposaient, le second excluant par ailleurs la culpabilité de cette dernière.

Le juge apprécie en fait si la comparution d'un expert ou du conseil technique d'une partie à l'audience est utile pour la manifestation de la vérité, sous réserve du respect des droits de la défense.

D'une part, l'arrêt relève que la demanderesse a pu prendre connaissance du rapport d'expertise judiciaire et le critiquer tant durant l'instruction que devant les juridictions d'instruction. Par ailleurs, il ressort de l'arrêt qu'elle a également pu critiquer cette expertise dans le cadre de la procédure au fond.
Il se déduit également des constatations de l'arrêt que la demanderesse a pu participer valablement à l'enquête et à la procédure devant le juge du fond, notamment en discutant de toute pièce ou observation présentée à ce dernier et en produisant les conclusions d'un conseil technique mandaté par elle-même à l'appui de sa défense.

D'autre part, par renvoi aux motifs du premier juge et par motifs propres, aux pages 20, 21 et 22 de l'arrêt, les juges d'appel ont décidé qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner la confrontation, à l'audience, de l'expert judiciaire et du conseil technique de la demanderesse, dès lors que « les considérations développées par [ce dernier] sont totalement étrangères au débat et rendent son rapport pratiquement inutile ».

Dès lors que, devant les juridictions de fond, la demanderesse a eu la possibilité de contredire librement les éléments apportés contre elle par la partie poursuivante, l'arrêt ne méconnaît ni le droit à un procès équitable ni aucune autre norme, du seul fait que la comparution personnelle et la confrontation des experts n'a pas été ordonnée.

Le moyen ne peut être accueilli.

Le contrôle d'office

Les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et la décision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux frais.
Lesdits frais taxés à la somme de cent trente-trois euros septante et un centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Benoît Dejemeppe, président de section, Eric de Formanoir, Tamara Konsek, Frédéric Lugentz et François Stévenart Meeûs, conseillers, et prononcé en audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf par Benoît Dejemeppe, président de section, en présence de Damien Vandermeersch, avocat général, avec l'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.19.0088.F
Date de la décision : 15/05/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2020
Fonds documentaire ?: juridat.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2019-05-15;p.19.0088.f ?

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